Chaque époque doit voir s’affronter des obstacles, ou même des refus, face à l’éternité de la foi en un Créateur. L’idolâtrie, le paganisme, le veau d’or ont eu leur heure glorieuse dans le passé. D’autres religions ont pu attirer leurs contemporains. Ce fut le cas au Moyen-âge. Plus tard, le reflux de la foi a conforté les idéologies modernes. Ce fut l’époque des Lumières, de la Haskalah. Le marxisme, socialisme ou communisme, a séduit de nombreuses générations, aussi bien parmi le peuple juif que dans l’imagination des peuples. Là aussi, l’échec a été patent. Aujourd’hui, la technologie moderne semble inonder les cerveaux de nos contemporains, et doit nous apparaître comme une nouvelle idole. C’est le défi de notre époque : va-t-on se laisser déborder par ces nouvelles perspectives ?

Il convient de relever que les « gilets jaunes » – se révoltant contre les nouveaux horizons offerts par notre époque – s’inscrivent en réalité dans les mêmes critères que les manifestants de chaque époque qui refusent l’autorité, mais avec une différence essentielle : ils sont « contre », mais ne savent rien offrir de positif. Ils ont cependant enfin trouvé un bouc émissaire : les Juifs. Pour ceux qui s’opposent à l’ordre établi, les Juifs représentent l’ennemi idéal. Pour les marxistes, ils étaient les ploutocrates, les riches. Pour les nationalistes, ils sont les traitres. En tous les cas, ils joueront le rôle négatif, utile pour ceux qui cherchent à saper les bases de la société. Ils sont le microbe qu’il faut éliminer, pour que la société soit pure. Cela peut se faire par l’élimination physique, ou par l’assimilation. Même des leaders politiques comme Léon Blum, ou Mendès-France, ont souffert de cet ostracisme. Une affaire récente où un chercheur a été persécuté, et pratiquement exclu de son travail, prouve que la discrimination ne cesse jamais, même aujourd’hui.

Sachons le reconnaître : ce n’est pas le Juif que l’on poursuit, c’est une certaine idée de la différence qu’il symbolise. Les « gilets jaunes » n’ont guère d’idéologie positive, mais quand ils rencontrent un philosophe juif, ils l’injurient, ils l’attaquent même moralement. L’Etat d’Israël dérange au Moyen-Orient, car il est évident que s’il n’existait pas, les Arabes s’entendraient très bien ensemble !! C’est cet Etat qui est considéré, à l’O.N.U., à l’U.N.E.S.C.O., comme le Juif parmi les nations !

Pourquoi une telle situation ? Le but du Juif est d’être le porteur d’une étincelle de spiritualité. Cette étincelle ne brille pas toujours, elle reste quelquefois enfouie, mais elle ne saurait s’éteindre, car elle est la transparence d’une transcendance. Il ne s’agit en aucun cas d’une supériorité génétique ; ce n’est pas la gloire intellectuelle que l’on doit célébrer : ni les champions d’échecs, ni les Prix Nobel, ni les fondateurs récents des réseaux sociaux (dont nombreux sont juifs) ne symbolisent le judaïsme. La seule spécificité du peuple juif, c’est d’apporter le message du Créateur dans la création. Voir dans ce rôle une supériorité, un avantage, en tirer orgueil, est une déformation qui traverse les siècles, mais qui est essentiellement fausse. Etre détenteur d’une lumière peut être dangereux, mais cela nécessite plutôt la modestie. Moché Rabbénou était le plus humble de tous les hommes, le Mont Sinaï était une petite montagne, mais la portée est significative. Pour le Juif, cela signifie « possibilité » de la souffrance – le Kouzari, de Rabbi Yéhouda Halévi le souligne, « la souffrance est le prix de la permanence de l’existence » (comme le cœur, le plus faible des organes, mais qui maintient le corps en vie) – mais charge d’un message essentiel. L’humanité sait et sent que sans relation à une réalité qui nous dépasse, on chute dans le néant : l’Histoire de l’humanité est orientée vers un but qui n’est ni le Trans humanisme, ni la couleur du gilet ( !), mais la marche vers une Révélation qui fera l’unité dans la création entre tous les peuples qui reconnaîtront l’Eternel UN. « L’Eternel régnera à tout jamais » (l’Exode 15.18).