Un article récent, dans la presse américaine, remarque que, en 2020, quelque soit le Président élu des Etats-Unis, il aura plus de 70 ans ! Cette perspective d’un dirigeant ayant dépassé l’âge de la retraite pour le pays le plus puissant de la planète, invite à la réflexion. L’absence de vocation politique, de grands dirigeants, ayant un regard plus général sur l’avenir, ne se fait sentir pas seulement aux Etats-Unis mais est un symptôme d’une époque déboussolée.

La place de plus en plus importante que prend aujourd’hui la machine explique cette situation. Les décisions essentielles sont-elles encore entre les mains de l’homme ? Les avions sans pilote, les automobiles sans chauffeur, sont des images de notre époque. Une question fondamentale mérite d’être posée : cette absence de chef ne traduit-elle pas une transition existentielle dans la civilisation actuelle ? L’intervention du numérique est-elle un seuil critique de notre société ? Un article pénétrant, fondé sur un livre essentiel, pose la question et nous interroge : « Des données en croissance exponentielle, des capteurs qui s’immiscent dans nos environnements domestiques, professionnels, urbains et même désormais dans nos corps, des machines calculantes surpuissantes… combinés aux progrès fulgurants de l’intelligence artificielle projettent l’être humain dans l’inconnu… » (le Monde – Janvier 2017). Sommes-nous capables de résister à cette fulgurante fuite en avant de la société moderne ? Il est nécessaire d’y réfléchir ; en effet, la disparition d’un chef charismatique, de même que cette crise des vocations politiques, peut-elle être endiguée, ou devons-nous en déduire que la période actuelle risque de se poursuivre ? Le problème de l’inquiétude devant l’avenir d’une nouvelle organisation de la société, dominée par les algorithmes, invite à l’anxiété devant une situation dans laquelle l’humain perdrait le contrôle.

Serait-ce là le plan de la Création, prévu par le Tout-Puissant ? Il ne nous appartient pas d’être prophète ni de donner des instructions à l’humanité de demain. Sachons rester modeste ! Cependant, il est permis de s’interroger. Ce qui a fait l’homme, depuis le début de la création, c’est d’avoir su soumettre les animaux, et, parallèlement, de dominer ses pulsions, et donc de les diriger. Telle est l’origine de toute civilisation : l’art, la science, l’intérêt pour ce qui élève l’être humain, tout cela a maintenu le goût de la vie. N’assistons-nous pas, aujourd’hui, à un changement de direction, qu’il importerait d’éviter ? L’intérêt pour l’avenir de la pensée réfléchie n’aura jamais été aussi en déclin qu’aujourd’hui.

A ce stade, apparaît – ou devrait se manifester – la réflexion d’une époque qui a oublié que nous sommes des créatures, dans lesquelles un souffle divin – la Néchama – a été introduit. Le détenteur de la tradition, de la Torah, devrait s’éveiller, et… éveiller l’homme : attention, ne nous endormons pas sur des lauriers fanés ! L’immense progrès de l’humanité nous invite à ouvrir les yeux sur notre rôle dans le progrès de l’humanité. Quelques millions peuvent-ils avoir une influence sur plusieurs milliards d’êtres humains ? La Révélation du Sinaï concerne la totalité de l’humanité, car elle doit conduire au terme de l’Histoire. Sachons que le Royaume divin, ou au moins cette perspective, est un programme réellement valable pour l’humanité. Caïn, le symbole de l’animalité, a tué Abel qui devait représenter la supériorité de l’homme sur la bête. Ne laissons pas ‘Ham, le fils de Noa’h, symbole de la soumission aux pulsions animales, l’emporter sur Yaphet, dépositaire du patrimoine humain, comme Abel, afin de pouvoir lui permettre de résider, selon la promesse de Noah, dans les tentes de Chem, représentant du Nom, de la transcendance. Sachons résister aux exigences d’une société déboussolée, aveuglée par le numérique, pour permettre l’avènement de la Transcendance.