Rav 'Haïm Moché, Roch Yéchiva de Birkat Hatorah, Yéchiva située dans l'une des célèbres communautés juives d'Europe, tomba gravement malade.

Les élèves de la Yéchiva se répandirent en prières, le Roch Yéchiva procéda à une introspection et se prépara à son passage au monde futur. Ici-bas, les médecins lui firent subir des examens, lui recommandèrent certains traitements, mais sans progrès à l'horizon. Le malade ne réagissait pas aux traitements.

Le nom du Roch Yéchiva malade parvint aux plus grandes sommités en Torah d'Erets Israël.

Nétanel, ancien élève de la Yéchiva et résident de Jérusalem, se rendit chez l'Admour de Ra'hmastrivka, Rav Israël Mordékhaï Twersky, pour solliciter une bénédiction pour la guérison du Roch Yéchiva.

L'Admour écouta attentivement ses propos, son visage s'assombrit de tristesse, et il répondit brièvement : « Dites au malade qu'il doit faire Téchouva. »

La nouvelle arriva comme un coup de tonnerre pour Nétanel. Il ne pouvait s'imaginer transmettre une telle réponse à son maître et Rav. Au final, il prit son courage à deux mains et expliqua au Rabbi qu'il s'agissait d'un Juif qui diffuse la Torah, un érudit de grande stature, qui s'était certainement repenti et avait déjà procédé à une introspection.

À sa grande surprise, le Rabbi répéta avec détermination sa réponse précédente : « Dis-lui qu'il doit procéder à un repentir complet…» Il ne s'agissait pas d'une mince affaire… C'était la réponse, même si elle n'était pas agréable à entendre.

Le cœur lourd et animé d'un sentiment de grande gêne, Nétanel téléphona au Roch Yéchiva, et lui transmit les propos de l'Admour. Le Roch Yéchiva remercia son élève pour sa mission et se plongea dans ses réflexions : « Le repentir ? Ces derniers jours, j'ai eu de longues heures devant moi pour me repentir, pour réfléchir à ma situation spirituelle, en quoi je me suis trompé dans mon étude de la Torah, dans la prière, dans mes traits de caractère.» Il se creusa la tête : à quoi le Rabbi a-t-il fait allusion ?

Et soudain, il se remémora une histoire survenue peu de temps auparavant. Tout commença par une conversation téléphonique d'un Juif de sa communauté, qui insista pour qu'il intervienne dans une douloureuse affaire de famille, parvenue jusqu'au tribunal local, prête à être jugée.

Le Roch Yéchiva tenta de se dérober à cette demande, mais ce Juif ne lui en laissa pas la possibilité, et il fut contraint de retrousser les manches, et de s'investir dans cette affaire désagréable, qu'il réussit à faire aboutir. Bien entendu, l'une des parties fut déçue et triste, même blessée. C'est apparemment à cette histoire que le Rabbi faisait référence…

Le Roch Yéchiva téléphona au Juif offensé et se mit à le consoler verbalement, et s'excusa d'avoir réagi trop durement. Ce Juif souffrait beaucoup. Si le Rav ne lui avait pas dévoilé son déplorable état de santé, son interlocuteur lui aurait certainement raccroché au nez…lorsqu'il entendit le Rav s'exprimer à l'article de la mort, il accepta de lui accorder son pardon.

Cette conversation fut difficile, mais ensuite, le Roch Yéchiva eut le sentiment d'être purifié. Le cœur joyeux, il téléphona à son élève à Jérusalem. « Tu peux te rendre chez l'Admour et lui dire que j'ai suivi ses instructions, la chose est arrangée. J'ai appliqué scrupuleusement le principe de satisfaire une personne offensée »

À l'issue de la conversation, Nétanel se rendit chez l'Admour. « Le Roch Yéchiva a accompli les instructions du Rabbi, et il a fait Téchouva », dit-il.

Le Rabbi secoua la tête en signe de dénégation. On voyait sur son visage qu'il n'était pas satisfait de ce qu'il venait d'entendre. « Il vous a écouté, le Roch Yéchiva a demandé pardon au Juif ! » expliqua l'élève, mais le Rabbi secoua la tête : « Ce n'est pas ce à quoi je faisais allusion…je pensais qu'il devait demander pardon à son voisin…»

Le silence se fit dans la pièce. Nétanel tremblait entièrement, mais les instructions étaient claires. Il téléphona pour la seconde fois au Roch Yéchiva et communiqua les propos du Rabbi : « Le Rabbi vous transmet de demander pardon à votre voisin.»

L'étonnement du Roch Yéchiva s'amplifia. Demander pardon à son voisin ? Il vivait en bonne entente avec tous ses voisins…Le Rav se plongea dans ses pensées, jusqu'à ce qu'il se remémore la douloureuse histoire de la famille Cohen…

Tu nous as détruit la vie…tu viens maintenant nous demander pardon ?

Il s'agit d'une histoire qui s'était déroulée plusieurs années plus tôt. 'Haïm Moché était alors un jeune Avrekh, un érudit réputé. Dans la communauté où il vivait, vivait également la famille Cohen. M. Lévi, le père de famille, était un Juif scrupuleux de respecter les Mitsvot, mais sa famille était éloignée de la pratique des commandements, ce qui était problématique pour la communauté.

Un jeune Avrekh décida d'éradiquer le phénomène et de forcer la famille à quitter le quartier à tout prix. Cet Avrekh oublia une chose : le but, aussi louable qu'il soit, ne justifie pas les moyens, certainement pas ceux qu'il choisit…

L'homme qui agit pour chasser la famille Cohen du quartier était Rav 'Haïm Moché lui-même…

La famille Cohen fut contrainte de déménager, précédée par une réputation qui les suivit partout. Oui, sans nul doute ! C'est bien eux que visait le Rabbi, se dit-il.

Retrouver la famille Cohen était une affaire complexe. Comment localiser une famille qui avait déménagé des dizaines d'années plus tôt…? Mais le Roch Yéchiva ne baissa pas les bras, sachant que sa vie était en jeu.

En effectuant ces recherches, le Roch Yéchiva découvrit les répercussions de son action. Il s'avéra que cette famille avait eu du mal à trouver un lieu d'habitation, et contrainte d'errer d'un endroit à l'autre. Après des efforts intensifs, il trouva l'adresse de la famille, qui résidait dans une petite communauté d'Europe.

Une conversation téléphonique n'était pas possible dans ce cas. Le Roch Yéchiva fut libéré de l'hôpital pour quelques heures et partit en voiture chez cette famille.

Comme on peut se l'imaginer, la rencontre fut très difficile. M. Lévi Cohen était déjà un Juif âgé, aux nombreuses rides, pas seulement en raison de son âge avancé. Cette histoire lui avait gâché la vie de manière irréversible.

Son visage amer ne s'attendrit pas face aux souffrances du Roch Yéchiva, entré chez lui à bout de forces. « Tu nous as détruit la vie. Les mariages des enfants, les affaires – toute notre vie a été affectée en conséquence de ton action, et maintenant, tu viens nous demander pardon ?» s'écria-t-il sur un ton où transperçaient la douleur et la colère.

Rabbi 'Haïm Moché se prit le visage dans les mains et éclata en pleurs incontrôlables. Pendant de longues minutes, il fut incapable d'émettre le moindre son. Enfin, il se reprit : « M. Lévi ! Je sais que je ne suis pas digne de te demander pardon. J'ai erré, je me suis trompé, j'étais jeune, mais regarde-moi à présent, tout mon corps souffre, les médecins m'accordent peu de temps à vivre, j'ai déjà payé un prix lourd pour mon action !»

« Je suis venu te demander pardon, suivant ainsi les instructions d'un grand Maître juif, qui m'a révélé avec son esprit prophétique que la terrible action que j'avais commise était la raison de la mort qui me frôle. Pourrais-tu me pardonner ? »

Lévi se radoucit quelque peu, mais eut encore du mal à pardonner. Comment était-il possible d'effacer tant de douleur et de tristesse de dizaines d'années en l'espace d'une conversation ?

« Je ne sais pas si je pourrai un jour te pardonner intégralement, mais je te pardonne autant qu'il faut pour que tu guérisses de tout cœur !» déclara-t-il avec courage.

Le miracle ne tarda pas à se produire. Quelques jours après cette rencontre chargée d'émotions, les résultats des analyses indiquèrent un tournant inespéré. Il commença à réagir aux traitements, et la guérison semblait se profiler à l'horizon.

Feuillet "Hamévasser" - Sivan 5778