Steeve, juif de 18 ans, ne connaît pas de limite ! Il a tout pour réussir mais préfère passer son temps à enquiquiner les autres. Suite à un bouleversement dramatique et une rencontre improbable, son destin prend une nouvelle dimension totalement à l'opposé de ce qui était prévu. Steeve va devenir peu à peu Shimon.

Chaque mercredi, vous découvrirez cette histoire, inspirée d’une histoire vraie, belle, forte, et qui vous surprendra sur bien des points. Bonne lecture !


Après ce Chabbath extraordinaire et riche en séquence, je suis rentré chez moi juste après une nouvelle prière que j’avais regardé. Oui, oui, que j’avais regardé. Je sais, c’est bizarre à écrire, mais la prière qui clôture le Chabbath se lit, se sent et se voit. À travers le chant, la bougie et les clous de girofles que mon Rav m’avait donnés.

Une fois à la maison, je n’avais qu’une idée en tête : revivre un autre Chabbath. Je voulais montrer à ma famille que, si on le voulait vraiment, on pouvait nous aussi avoir nos propres moments, mais les choses ne se sont pas passées comme je l’aurais cru.

Tout d’abord, lorsque je suis arrivé le lundi d’après à mon rendez-vous hebdomadaire avec Elnathan, j’étais plus que déçu quand il m’a annoncé que j’étais guéris… pour de bon ! Ce magicien des os avait fini son boulot, et à part une liste d’exercices à pratiquer qu’il m’avait montré au cours de nos séances précédentes, je n’avais plus besoin de ses services. D’un coup, ne sachant pas vraiment pourquoi, j’ai paniqué :

–      Mais enfin Rav, vous ne pouvez pas me laisser comme ça, comment je vais faire sans nos petites discussions sur l’histoire juive que vous me racontiez ?

–      Ah mais pour continuer les cours de Torah, tu n’as pas besoin de te briser les jambes, mon fils. Tu peux très bien utiliser ces mêmes jambes qui, Baroukh Hachem, marchent beaucoup mieux pour t’amener jusqu’à la synagogue. Tu pourrais y assister, j’y donne cours tous les mardis soir.

–      Non, non laissez tomber… Ce n’est pas grave. Je ne vais pas me sentir à l’aise et puis j’ai peur de ne pas être du niveau et de ne rien comprendre, mais merci quand même. En plus, les dates du BAC arrivent à grand pas, je dois me concentrer. Vous direz de ma part à votre femme, encore merci pour ce super Chabbath qu’elle nous a préparé.

Je descendais pour la dernière fois de la table de rééducation et je me dirigeais vers la sortie, mais le Rav m’interpelait :

–      Attends Steeve, juste une dernière chose avant que tu partes, mon cours sur la pensée juive est ouvert à tous. Tu n’as pas besoin d’atteindre un super niveau pour être un ‘Hakham, car tu en es déjà un !

–      Un quoi ?

–      Un ‘Hakham ! C’est pour dire intelligent en hébreu, mais si tu dois réviser, je comprends tout à fait. Je te propose de venir chez toi tous les jeudis et de continuer nos « discussions », mais j’émets une condition.

Intrigué et heureux, je demandais quelle était cette condition, parce que ce n’était pas du tout le style de mon Rav de demander quelque chose en retour. Il me faisait souvent penser à Abraham qui était d’une grande hospitalité et qui invitait tout le monde chez lui tout le temps sans jamais faire payer les repas. Il fallait juste que ses invités prient le D.ieu d’Abraham. Peut-être qu’Elnathan va me demander un truc similaire.

–      Je vous écoute.

–      Que tu portes tes Téfilines tous les matins.

–      Mes Téfilines ? Les boîtiers noirs en cuir que je n’ai porté que le jour de ma Bar-Mitsva, mais pour quoi faire ? J’ai très bien vécu sans jusqu’à maintenant !

–      Parce que tu dois remercier Hachem d’avoir une nouvelle journée qui commence. Un peu comme un crédit qu’Il renouvelle pour toi.

–      Un crédit de temps ? Pas mal, j’aime bien l’idée, mais je ne sais même pas où ils sont, ils doivent être quelque part dans l’appart en train de prendre la poussière.

–      Et bien, dépoussière-les et je viendrai. Tu marches ?

–      Humm… c’est d’accord.

Je quittais le cabinet de façon sereine et assez chanceux qu’Elnathan vienne jusqu’à chez moi pour prolonger ses enseignements. Je me disais qu’après tout, s’il faisait tous ses efforts pour moi, c’est que je valais quelque chose… Oh, et puis non, il doit se rendre disponible pour tout plein de monde, mais n’empêche, je suis en train de faire partie de ce monde. Est-ce que j’ai déjà appartenu à quelque chose ? Non, jamais.

Le lendemain, quand j’ai cherché pendant un bon quart d’heure ma vieille paire de téfilines que mon grand-père m’avait offert, je n’avais certainement pas prévu la réaction de mon père. 

Une fois que je les avais posés, sortis de leurs écrins, j’avais demandé à ma mère où nous rangions nos livres de prière. Mon père qui était sur le point de partir au boulot, comme tous les matins à la même heure, m’a regardé l’air soupçonneux et m’a demandé pourquoi j’en voulais un, puisque nous n’étions pas Kippour :

–      Parce que je voudrais faire ma prière et mettre mes Téfilines.  

–      C’est encore une de ces satanées idées que ton Rabbin tout barbu t’a mise dans la tête ? Attends que je lui dise deux mots à celui-là.

–      En quoi cela te pose un problème d’abord ?

À la seconde où j’avais prononcé la dernière phrase, je la regrettais aussitôt. Mon ton avait été bien trop agressif par rapport à la situation, et ça n’a pas loupé :

–      Écoute-moi bien Steeve, tu vas de suite baisser d’un ton avec moi et je n’aime pas beaucoup l’influence que ce Rav a sur toi. Déjà que tu as passé tout un weekend chez lui et maintenant tu veux te saucisser avec ces bouts de cuir ! C’est comme si, tu… tu cherchais quelque chose totalement différent de ce que ta mère et moi nous t’avons inculqué.

C’est là, à ce moment précis, que j’avais vraiment compris que je changeais. Avant l’accident, j’aurais répondu du tac au tac que j’avais 18 ans et que je faisais ce que je voulais et que ce n’était pas ses oignons. Mais là, ce que je sentais est que je devais prendre en compte les émotions de celui qui m’a donné la vie. Je crois, en fait, qu’il avait juste peur que je commence à faire des choses totalement différentes de ce qu’il connaissait.

Et si… et si… pour une fois, je ne répondais pas comme un gros débile. Et si pour une simple fois, je faisais en sorte que notre conversation ne se termine pas par une millième dispute. J’ai compris que je pouvais à mon petit niveau influencer l’atmosphère de la maison, si seulement moi je le voulais vraiment. Alors je me radoucis, et je répondais gentiment :

–      Écoute papa, je m’excuse pour ce que je viens de te dire. Cela n’a rien à voir avec toi et maman. C’est juste que j’ai besoin d’explorer ma relation avec Hachem. Elnathan m’a juste proposé de continuer de m’instruire dans un domaine que je ne connais pas. Toi et maman vous êtes super, c’est juste que ce matin j’ai eu envie de mettre les Téfilines que pépé m’a offert. En les portant, cela me donne l’occasion de repenser à lui. Tu es ok avec ça, cela ne te dérange pas de me montrer où sont rangés les livres s’il-te-plait ?

–      Euh… attends, tu viens de t’excuser, mon garçon ?

–      Oui…

–      Ils sont juste rangés dans le tiroir, je t’en apporte un et … fais la prière pour moi mon fils.

Avec cet échange, cela m’a démontré que je pouvais changer les relations qui autrefois étaient source de conflits et de problèmes avec tous ceux de mon entourage. C’est pour ça que je devais renouveler l’effort que je venais de faire. Mais avais-je cette force de me contrôler ?

Malgré le fait que j’allais à deux à l’heure dans ma prière quotidienne, je tenais bon. J’essayais de ne pas trop me décourager en me disant qu’il serait bon si je demandais à l’homme aux deals, si, lors de sa prochaine visite, il pouvait m’indiquer les prières prioritaires, parce que vue la longueur, je n’allais pas m’en sortir tout seul.

Quand le jeudi soir j’avais ouvert la porte, ce n’était pas sans une certaine fierté que j’avais tenu ma promesse ô combien difficile.

Ce soir-là, ma mère avait préféré s’éclipser dans le salon, et c’est avec bonheur que Dylan est venu s'asseoir à côté de nous pour lui aussi écouter et poser des questions.

Une fois le cours fini, le Rav me demandait si je voulais passer une nouvelles fois Chabbath chez lui. Bien que la proposition fut très alléchante, je déclinai l’offre car j’avais une autre idée en tête.

Comme j’avais bien avancé dans la révision de mes examens, je voulais innover en essayant de recréer cette atmosphère incroyable que j’avais senti chez les Levincht.

C’est ainsi que, le vendredi matin, j’ai proposé à ma mère de lui faire les courses et de cuisiner avec elle. Elle était tellement surprise qu’elle a pris ma température pour être sûre que je n’étais pas malade.

Même ma sœur qui passait par là était stupéfaite de ma proposition. Ce qui faisait que nous nous sommes tous mis à préparer en famille le repas du Chabbath.

Ma mère était aux anges de nous voir tous participer et de mettre littéralement la main à la pâte. C’était bizarre de nous voir tous réunis dans la cuisine, mais c’était aussi un moment magique.

Quand ce soir-là mon père est rentré bien après l’heure des bougies, quand il a posé les yeux sur la table remplie de mets succulents, confectionnés par nos soins, j’ai cru que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Alors ok, la télé était toujours allumée, mais le sourire de mon père a éclipsé ce son qui martelait mon âme.

Pour la première fois de nos vies, mes parents ne se sont pas disputés. Beverly, Dylan et moi passions un moment sans cris, sans agressivité, un simple repas de partage dans la bonne humeur.

Ce n’était que le début d’une nouvelle vie qui commençait. Je savais que le chemin vers la Téchouva, même si à l’époque je ne connaissais pas ce mot, allait être semé d'embûches et qu’il allait me falloir trouver beaucoup de force pour corriger mon comportement pour devenir celui que je suis aujourd’hui.

C’est pour cela que le mois d’après, j’ai dû prendre une décision sans équivoque qui allait bouleverser ma vie et celle de toute ma famille.

A suivre…