On dit de Moché Rabbénou qu’il était l’homme le plus humble de tous les hommes. Je ne sais pas pour vous, mais j’ai longtemps imaginé une personne réservée, en retrait, plutôt introvertie… Bref, une vision pas très attrayante dans un monde qui valorise l’image et la confiance en soi. Et pourtant, la vision de l’humilité selon la Torah est tout autre. On nous demande d’avoir conscience de nos forces (d’avoir un minimum d’ego), tout en connaissant notre place. Essayons de comprendre plus précisément ce que cela signifie d’être "‘Anav".

Un seuil d’ego nécessaire

Dans la Torah, il n’existe pas de mot à proprement parler pour désigner un "défaut". On parle de Midda Ra’a, littéralement une "mauvaise mesure". Cela signifie que tout dépend de la dose que l’on met dans un trait de caractère. Ainsi, on a vu que la Ga’ava (l’orgueil ou l’ego) est, a priori, un trait de caractère à combattre. Pourtant, si Hachem l’a placée en nous, c’est qu’un minimum de cette Midda est nécessaire pour préserver notre dignité.

Selon le Or’hot Tsadikim, une personne ‘Anav doit avoir un minimum d’ego : elle doit connaître sa valeur, se respecter : s’habiller correctement, avoir une apparence digne, être consciente de ses qualités, de ses forces…. Tout simplement parce que nous avons été créés à l’image d’Hachem.

Connaître sa place 

Ensuite, l’homme doit vivre en permanence avec cette ambivalence : savoir que le monde a été créé pour lui, qu’il a un rôle unique à jouer sur cette terre que personne ne peut remplir à sa place, mais aussi se rappeler qu’il vient de la poussière de la terre, et donc éviter de "se la ramener" à chaque occasion.

C’est précisément ce second point que j’aimerais aborder avec vous. Lorsque l’on s’attribue ses propres réussites, on n’est pas du tout humble. Par exemple, en disant : "C’est normal que ma fille soit devenue avocate après tous ces cours privés que j’ai payés", ou encore : "Mon fils est un grand Rav parce que j’ai prié, j’ai fait telle Ségoula…" Ainsi, l’ego nous enferme dans son étau, nous laissant croire que nous tenons les rênes et que tout le mérite nous revient.

Cette vision est une abomination pour Hachem, car elle L’exclut du tableau de notre vie. Or, nous savons que les efforts appartiennent à l’homme, mais que la réussite est décidée par Hachem (‘Hovot Halevavot). Il est donc essentiel de reconnaître que toute bénédiction, aussi méritée qu’elle puisse sembler, vient avant tout de Lui.

La personne qui se trompe en pensant que ses réussites sont uniquement le fruit de son travail risque de tomber de très haut en cas d’échec, et peut même sombrer dans une forme de dépression. En revanche, celui qui reconnaît que les résultats sont décidés par Hachem s’élève spirituellement : il accepte sa place, se soumet, et ouvre la voie à la bénédiction.

D’ailleurs, le Or’hot Tsadikim, dans le Cha’ar Ha’anava, précise que les personnes humbles, lorsqu’elles prient, sont immédiatement exaucées.

Au-delà de cela, vivre humblement permet de trouver un équilibre : on apprend à connaître notre place, notre valeur, et on évite les dérives liées à l’ego. En vivant ainsi, on invite Hachem dans notre vie, en Le sollicitant et en se soumettant à Ses décisions. Cela demande des efforts, mais c’est en réalité le secret d’une vie véritablement épanouie.