Inutile de vous démontrer que la colère est nuisible. Il est rare qu’une personne, après avoir explosé, soit au top de sa forme, plus apaisée ou en phase avec ses sentiments. Non, c’est plutôt l’inverse qui se produit. La colère nous dévore de l’intérieur. Nos Sages la comparent à un "dieu étranger" [1]  qui s’empare de nous. Pourtant, certains vous diront : « Il faut bien que ça sorte ! Je suis humaine, bon sang ! On ne peut pas se taire. Je ne peux pas laisser passer ça ! » Vous l’aurez compris, bannir totalement la colère n’est pas chose facile. Essayons de comprendre quelle est cette colère dont il faut s’éloigner et ce qu’elle révèle sur l’état de notre humilité…

Il est dit dans le Talmud [2]  que l’on peut connaître un homme selon trois choses : “Kisso, Kosso et Ka’asso” (sa poche, son verre et sa colère). Autrement dit, trois façons de connaître un homme sont : son rapport à l’argent, sa manière de se comporter quand il a bu, et sa colère. La colère est donc comme un diapason : elle nous permet de savoir où nous nous situons.

Selon le Or’hot Tsadikim, l’intensité de ma colère est directement liée à ma Midda de ’Anava (modestie). Pour faire simple : plus je vais me mettre en colère longtemps et intensément, plus cela révèle un travail à faire sur mon humilité. « Ah, vraiment ? Mais pourtant c’est bien d’identifier ses frustrations, de les exprimer, de comprendre ses blessures… », diront certains, s’appuyant sur la psychologie moderne. Ici, la limite est fine : certes, il est essentiel de comprendre ce qui nous contrarie et d’en avoir conscience. Néanmoins si cette contrariété m’envahit et prend le dessus, c’est là qu’il y a un problème.

Prenons un exemple classique : lundi, 7h du matin. Toute la famille est dans la cuisine. J’ai mis ma nouvelle robe rose pâle, achetée spécialement pour la Brit-Mila de mon neveu, à laquelle je dois me rendre dans une heure. Et là, c’est le drame : ma petite fille de 6 ans renverse (sans faire exprès – c’est toujours sans faire exprès d’ailleurs) le pot de confiture sur moi.

Deux choix s’offrent à moi. Premier choix : je commence à m’emporter, à lui crier dessus. Je rumine ensuite ma colère et finis par aller me changer, très contrariée. Résultat : Ma fille culpabilise, et moi je suis triste et je lui en veux de lui avoir crié dessus et qu’elle soit partie peinée à l’école. Niveau d’intensité de la colère : ++++ . Deuxième choix : J’ai de la peine, mais je comprends qu’il y a une raison qui m’échappe pour laquelle je ne devais pas mettre cette robe aujourd’hui. Je choisis donc de me maîtriser : je ne crie pas. Je demande à ma fille de m’aider à nettoyer et je vais me changer. Résultat : Je n’ai pas cédé à la colère et suis restée maîtresse de mes émotions.

Dans cet exemple, l’issue est la même : j’ai changé de robe car la première était tachée. Néanmoins, tout le processus pour parvenir à cette issue diffère et dépend de notre attitude face à la colère.

Travailler sa colère, c’est donc travailler ses réactions, dompter son impulsivité, comprendre que si les choses ne vont pas dans notre sens, c’est l’expression de la volonté du Tout-Puissant. 

Quand on est impulsive, notamment en se mettant en colère, le maître à bord est notre ego, et l’on croit tout maîtriser. On a l’illusion d’être dans le contrôle. Or, la véritable personne modeste va laisser le contrôle à Hachem. Le lâcher-prise, la relativisation et le fait de laisser le contrôle à Hachem sont les premières étapes vers la ‘Anava.

Bien sûr, la colère ne va pas disparaître comme par magie. Mais vous saurez que vous êtes en évolution si : vos colères durent moins longtemps (je suis fâchée une journée, puis trois heures, puis dix minutes, puis 30 secondes…) ; vous êtes de plus en plus capable de passer à autre chose, de relativiser, de voir le bien dans des situations a priori frustrantes.

Ce travail sur votre humilité concerne également les colères que l’on peut avoir vis-à-vis du passé (très en vogue aussi dans la psychologie moderne) : « Ma mère m’a toujours cassée », « Ma sœur m’a fait de l’ombre »… Ces colères peuvent détruire de l’intérieur encore plus violemment. Il s’agit de comprendre que ces situations “traumatisantes” sont, elles aussi, l’expression de la volonté d’Hachem. Elles doivent vous aider à grandir plutôt que de nourrir rancœurs et amertume, qui vous transformeraient en une personne aigrie.

Soyons donc connectées à nos émotions, sans pour autant céder à ces dernières ni devenir esclaves de notre colère, et ainsi nous deviendrons plus humbles.

 

[1] : Nédarim 22b

[2] : Érouvin 65b

 

Inspiré des enseignements de Madame ‘Hanna Béhar - dans le cadre de ses cours sur le Or’hot Tsadikim- Cha’ar Ha’anava.