Quel bonheur de rentrer dans une maison qui sentait encore la peinture fraîche ! Vous savez, la même sensation que l’on a au début de chaque expérience. Mais je me rendis vite compte que ce qui est parfait, ce qui est lisse, n’a aucune histoire à raconter…

Le mois dernier, j’ai emménagé dans mon nouveau chez moi. Ma famille s’agrandit, les enfants ont besoin de leur espace privé et mon appartement devait s’adapter à l’évolution de ma maisonnée. On a donc tout rénové et rafraîchi.

Quel bonheur de rentrer dans une maison qui sentait encore la peinture fraîche ! Pas un dessin sur les murs, tout est beau, lisse, propre, les meubles sont fonctionnels, la salle de bains étincelante. Même mon enfant de 9 ans qui avait jusque-là la douche en horreur, réclame son dû de propreté tous les jours. J’avais vraiment la sensation que ma maison était PARFAITE. Vous savez, la même sensation que l’on a au début de chaque expérience. Les premiers jours après le mariage sont PARFAITS, la première voiture que l’on achète est PARFAITE, les quelques heures après la naissance de notre bébé, sont PARFAITES. Mais pour toutes ces choses, et toutes les milliers d’autres non citées, le parfait ne dure pas, il est vite remplacé par le vécu.

La perfection n’a qu’à bien se tenir

En effet, ce qui est parfait, ce qui est lisse, n’a aucune histoire à raconter. L’expression "trop beau pour être vrai", prend ici tout son sens. Une table qui sort de chez le menuisier n’a aucune histoire à raconter, elle est parfaite, lisse, laquée, elle fait rêver. Revenez voir cette même table 5 ans après dans la maison de son propriétaire, elle est méconnaissable. Elle est gondolée à l’endroit où la maman avait posé ce plat de gratin trop chaud le soir de l’anniversaire du papa ; elle est ébréchée sur les côtés du pied parce que le bébé a tapé dessus pendant des mois avec une clé pour imiter papi qui bricolait ; la peinture est abîmée parce que pendant ces 5 dernières années, la table passe une semaine sous la pluie et le soleil de la Soucca ; elle a des vis ci et là parce qu’à force de l’ouvrir et la fermer au fil des invités qui défilent à la maison Chabbath, elle avait besoin d’être consolidée.

Alors je vous l’accorde elle n’est plus parfaite, si on la mettait en vente, il est bien probable que personne n’en voudrait. Et c’est normal car pour eux, elle n’est rien d’autre qu’une table usagée et moche. Mais pour ses propriétaires, elle est LEUR table, elle raconte LEUR histoire, elle leur rappelle tant de souvenirs. Cette table est passée de parfaite, à vécue. Elle est passée de passive, sans histoire, à active, avec histoire. 

Une maison de rêve, mais dans la réalité !

Après un mois dans ma nouvelle maison flambant neuve, on a commencé à remarquer des imperfections, des petites bosses, des endroits qui avaient été mal peints ou pas fignolés vraiment comme on aurait aimé.

Au début, en passant devant ces endroits "imparfaits", on avait un pincement au cœur : "quoi déjà ?", "pourquoi ne peut-on pas garder cette maison parfaite, cette maison dont on a tellement rêvée, un peu plus longtemps ?", se disait-on…

Eh bien, c’est justement pour la merveilleuse raison que cette maison ne fait plus partie de nos rêves mais de notre réalité, et que la réalité n’est jamais parfaite, et c’est précisément cette raison qui la rend si spéciale et unique à nos yeux. On peut vivre des années dans un catalogue de meubles, dans des magasins de luxe et se projeter dans des rêves extraordinaires où tout serait immaculé et parfait, mais ce serait vivre une vie tellement vide de sens et surtout, ce serait passer à côté de sa vie.

A part de l’admiration, on n’éprouve rien pour le parfait. Par contre, pour chacune de nos imperfections, aussi bien de notre maison, de nos meubles, de nos enfants, de notre conjoint ou de nous-mêmes, on éprouve des sentiments forts et investis car ils sont notre réalité, ils sont notre histoire.

Lorsqu’on a un enfant difficile, on pleure, on prie, on demande conseil, on donne de son temps, on travaille sur sa patience et lorsqu’on voit le fruit de nos efforts, ne serait-ce qu’une toute petite amélioration momentanée, on éprouve une joie et une satisfaction qu’aucun meuble parfait et luxueux ne pourra jamais nous faire ressentir !

Une vie parfaite ? Non merci

Je remercie Hachem de m’avoir fait emménager en ce mois de Eloul, et de m’avoir fait prendre conscience de certaines choses en ce mois propice à l’introspection et à la Téchouva.

Mes Téfilot ont changé ces dernières semaines. Je ne demande plus une vie parfaite désormais. J’assume les imperfections de ma vie et je demande qu’elles me fassent travailler sur moi, que j’arrive à nettoyer mon cœur de tous ces sentiments qui me rongent et m’éloignent d’Hachem, que j’arrive à soigner mes égratignures sans pour autant les faire disparaître.

Je veux voir ces bosses et ces imperfections qui font de ma famille ce qu’elle est. Je veux voir la couche de ciment que j’ai mise sur le mur imparfait ou la ficelle qui rafistole le matelas imparfait, je veux continuer de voir toutes ces imperfections de ma vie car elles sont la preuve de mon travail, elles sont la fierté de mon avancement. Je les chéris parce qu’elles m’appartiennent et elles font partie de ma réalité. Et je vais vous dire une chose : c’est précisément elles qui rendent ma vie unique et parfaite.

N’attendons pas que notre vie soit parfaite, rendons-la imparfaitement parfaite !