Vous êtes-vous déjà demandé ce que ressentait votre conjoint quand vous lui adressez vos critiques ? Existe-t-il un moyen d’atteindre notre objectif en sautant la case « critique » ?

Daniel s’installe à table pour le dîner, un peu tendu. Il rentre d’une journée épuisante au travail, il a faim et ne rêve que d’une chose : retrouver une atmosphère calme et apaisée auprès de sa femme et de ses enfants.

Mais voilà, ses attentes ne sont généralement pas satisfaites. Comme tous les soirs qui ont précédé celui-ci, Daniel s’attend à entendre la même remarque de sa femme… Serait-il prophète ? Car alors qu’il est tout à ses pensées, il entend depuis le salon la voix de sa femme qui le sermonne : « Je t’ai demandé mille fois de ne pas poser ta mallette sur le canapé quand tu rentres ! Ce n’est pas une place pour un attaché-case. Ce n’est pas possible… ». En soupirant, Daniel repose immédiatement la fourchette après une seule et unique bouchée. Il ressent comme une boule au ventre et a l’appétit coupé…

Ça vous dit quelque chose ? Vous n’êtes probablement pas les seuls. Cette situation et cette atmosphère électrifiée figurent hélas au menu quotidien de beaucoup de couples.

Mais tentons de comprendre : comment une seule phrase a-t-elle un tel effet sur l’humeur de Daniel ?

Quand la critique plane dans l’air

La plupart des gens ne s’émeuvent pas outre-mesure des éventuelles critiques qu’ils essuient ci et là. C’est chose naturelle, pensent-ils, inutile de paniquer. Pourtant, lorsque s’instaure un climat général empreint de critique, notre moral en prend généralement un coup.

Si on analyse la situation décrite ci-dessus, il apparait clairement que même avant que Noémie, l’épouse de Daniel, ne lance sa critique, Daniel s’attendait déjà à être attaqué. En effet, vu que sa femme lui fait presque chaque soir la même remarque, il avait cette fois-ci anticipé ses paroles. Il était donc sur la défensive. Or, une personne qui se trouve sur la défensive interprétera chaque parole exprimée à son encontre non pas comme une critique isolée, mais comme une attaque supplémentaire qui vient s’ajouter à son ressentiment et miner son amour-propre. Pire, même des paroles tout à fait anodines seront comprises comme étant dirigées contre sa personne.

Du reste, ce que nous venons d’exposer a été prouvé par les études psychologiques effectuées ces dernières années : une personne contrariée donne une interprétation négative à tous les éléments qui l’entourent, même aux évènements heureux ou aux personnes qui souhaitent l’aider.

Une infiltration insidieuse

A terme, ce climat finit par s’infiltrer dans tous les domaines de la vie de couple pour saper le lien entre les époux de manière durable. A ce stade, la moindre critique peut enflammer la relation et même une parole positive est comprise comme étant animée de mauvaises intentions cachées. On comprend aisément comment les critiques répétées constituent in fine le chemin le plus sûr pour détruire un mariage.

« Messages-je »

En psychologie, on appelle « message-je » tout message qui commence par le sujet « je » et vient exprimer les sentiments de la personne qui le prononce. Au lieu d’attaquer verbalement son interlocuteur, celui qui exprime un « message-je » attire l’attention de celui-ci sur ses propres sentiments. Ainsi, au lieu que la personne en face se sente attaquée et prépare une contre-attaque (car comment rester impassible devant la démonstration de son imperfection ?), elle est invitée à prendre connaissance des sentiments de son interlocuteur, sentiments qu’elle ne peut évidemment pas nier (il ne viendrait à l’idée de personne à dire à l’autre : « Non, tu n’as pas froid », « Non, tu n’as pas faim », « Non, tu n’as pas peur »).

Quelques exemples de « messages-je » :

- Plutôt que de dire : « Je t’ai demandé mille fois de ne pas poser ta mallette sur le canapé quand tu rentres ! », dites : « J’apprécie vraiment quand ta mallette est correctement rangée. Ça me donne l’impression que tu apprécies l’ordre que j’ai mis à la maison. »

- Plutôt que de dire : « J’en ai assez que ta mère s’invite chez nous sans prévenir ! », dites : « Je me sens prise au dépourvu et affolée lorsque ta mère vient chez nous sans prévenir. J’aurais tellement aimé la recevoir comme il se doit et lui épargner tout ce désordre, or, de cette façon, je n’y arrive pas. »

- Plutôt que de dire à un enfant : « Il faut toujours répéter mille fois les choses avant que tu ne les fasses ! », dites : « Je suis contente et apaisée lorsque je te demande de faire quelque chose et que tu t’exécutes sans que je n’aie à répéter. »

Nous disposons là d’un puissant outil de communication, qui est hélas négligé par nombre de couples (qui, étonnamment, lui préfèrent la bonne vieille méthode de la critique, même si son échec a largement été confirmé à travers les âges).

En nous habituant à parler de la sorte, nous apprenons à nous concentrer sur l’essentiel (dans notre exemple, sur l’attaché-case posé sur le canapé) plutôt que d’insinuer que c’est Daniel le problème (« Il faut toujours lui répéter mille fois les choses, il est désordonné, il n’a aucun égard pour le mal que je me donne »).

Enfin, notez que certaines personnes ont du mal à exprimer leurs sentiments ; on peut leur conseiller de s’habituer graduellement à exprimer des « messages-je », qui deviendront avec le temps un mode d’expression naturel.

Nékouda Tova

Il n’est pas moins important de développer la bonne habitude de se concentrer sur les qualités de notre partenaire, la Nékouda Tova comme dirait Rabbi Na’hman de Breslev, et ne pas hésiter à faire des compliments avec au moins la même constance que nous avons à critiquer.

Car, en effet, si la critique détruit, le compliment fait avec intelligence et sens de l’à-propos, a au contraire la capacité à construire la relation entre les partenaires du couple et à instaurer un climat de confiance. L’épanouissement des deux partenaires dépend en grande partie de cette sensation d’être reconnu et accepté par l’autre pour ses qualités.

Pour devenir une réalité, cette pratique des compliments doit s’inscrire dans une démarche globale de remise en cause et d’acceptation de l’altérité qui nous permettront de sortir de notre égo et d’offrir à l’autre sa véritable place.