Chère amie,

Il m’énerve. Je l’énerve. Nous nous énervons.

Eh ben oui, cette semaine, mon mari m’énerve. Bon, il faut dire que je ne suis pas irréprochable non plus, c’est vrai.

Si j’y réfléchis bien, devant mon miroir, je dirais même que c’est très loin de là…

Un cas de dispute typique

Tout a commencé comme cela : il est 20h, l’heure de la fin du repas des enfants, de leur toilette, de leur coucher - avec une histoire chacun, aaahhhh !! -, en s’assurant bien que nous sommes O.K. sur la réalisation de leurs devoirs. Mais… c’est aussi l’heure d’arrivée de mon mari.

Comment gérer toutes ces choses impératives à la fois ? Dans quel ordre placer les priorités ? Accueillir mon mari ? (Re)Tenir les enfants afin qu’ils ne s’échappent pas dans tous les sens ?

Dans ce rythme intense, je décide, sans trop y réfléchir, de poursuivre ma tâche avec les enfants.

Vingt minutes passent, et je viens enfin accueillir le Grand Chef (c’est ainsi que l’on nomme les maris marocains).

Et là, douche froide…

- Salut chéri, ça va ??

- Coucou. Regarde, cette armoire, elle est vraiment très sale.

- Oui, c’est vrai, mais c’est une drôle de phrase d’accueil, pourquoi tu me parles de cela maintenant, alors que tu viens à peine d’arriver ?

Biiiipp… Cette conversation n’a pas très bien fini !

Nous sommes chacun partis de notre côté, et silence radio pendant des heures de rumination respective sur, justement, le manque de respect que chacun a témoigné à l’autre.

Au bout de deux heures, je me dis que c’est trop bête, impossible de me fâcher avec la moitié de moi-même. Et tant mieux si c’est moi qui fais le premier pas, ce sera une chose de gagnée pour l’éternité !

Prise par l’émotion comme lorsque nous étions de jeunes fiancés, je ne sais pas trop comment m’y prendre…

Bon, je me lance, l’air de rien…

Plan réconciliation beaucoup moins typique

Plutôt que de m’asseoir près de lui et de risquer de me confronter à sa moue, je décide d’être plus fine et de ne pas parler. Étrangement, je n’avais jamais entendu un silence aussi bruyant ! Car, dans ce genre de moments, malgré la fierté de chacun, les cœurs sont lourds et ne cessent de geindre intérieurement.

Alors je passe, je repasse, doucement près de lui, et, bon, ça y est, j’y vais ! Je fais un geste affectueux, sans rien dire de plus… Puis, je retourne gentiment à mes affaires.

Ce tendre geste accompli l’air de rien, c’est en fait l’air de tout…

Parfois, le geste est bien plus parlant que n’importe quel discours, car il témoigne d’un élan de sincérité quasi fraternel, il réveille le fait que l’on forme une équipe, une équipe qui gagne, dans laquelle nous nous sommes engagés jusqu’à 120 ans. Alors autant tout faire pour que ces années soient sympathiques, non ?!? Ma fierté personnelle me fait-elle gagner quelque chose ?

Mine de rien en tout cas, ce petit geste a fait taire ce petit cœur qui n’arrêtait pas de se plaindre en silence, du fait que sa femme ne l’accueillait pas en grande pompe, après cette journée harassante. Le silence faisait tout à coup moins de bruit et était devenu un peu plus léger.

Bon, eh bien, on continue le plan réconciliation alors ? Je me dirige donc vers la cuisine, lieu de toutes les délivrances, pour la seconde phase du plan…

Chalom cuisine ;-)

Souvent, les femmes se plaignent de la mauvaise humeur de leur mari quand il rentre de son travail. Mais si nous voulions bien essayer de la décoder, nous trouverions souvent deux causes à cela :

- Nous, les femmes, avons ce besoin de partager nos émotions, notre vécu de la journée, par la parole, qui nous connecte à l’autre, et permet de soulager notre fardeau émotionnel. Nous aurons alors typiquement tendance à déverser un flot de plaintes, de récits de nos épreuves avec tel enfant, puis tel autre, dès l’arrivée de notre sauveur. Dur.

- Nous, qui sommes préoccupées par dix dossiers à gérer dans le même temps au moment de l’arrivée de notre cher et tendre, oublions souvent une chose basique : quand il se dirige vers la maison après sa journée de travail, l’homme a avant toute chose… faim ! Pas évident de raisonner avec ce besoin primaire qui l’assaille contre son gré.

Forte de ce constat, lors de cette fameuse soirée, je me dis qu’un plan d’action en cuisine était de mise.

En deux temps, trois mouvements, je concocte son meilleur repas et le fais tout doucement dorer au four. Puis, je m’échappe de la cuisine, pour y attirer ma proie…

Mmmhh, lui qui avait résolument décidé de se révolter contre moi avec une grève de la faim, avait déjà baissé une première fois la garde avec le bisou magique. Mais alors là, c’est carrément toutes ses armes qui tombent en cinq minutes ! Je le savais, il ne pouvait pas y résister.

Dix minutes passent, je fais un tour dans la cuisine. Un quart du plat a disparu, l’air de rien !

Vingt minutes passent, il ne reste plus que la moitié.

Trente minutes plus tard, le Grand Chef rend définitivement les armes et s’approche de moi : « Bon, tu m’as eu ! »

Et là, une joie intérieure m’envahit, on explose de rire !

Le cœur ainsi léger, nous avons alors pu nous expliquer sur nos besoins respectifs : lui a besoin de se sentir important à nos yeux, et particulièrement lorsqu’il rentre à la maison, et moi, j’aurais bien apprécié de recevoir un compliment sur mon dévouement à l’égard de nos enfants, plutôt qu’une critique, d’entrée de jeu.

Alors, chère amie, usons et abusons de ce genre de moyens créatifs de faire le Chalom (la paix) avec notre mari. C’est beaucoup plus fun que les discussions austères et pleines de rancœur, au bout de quatre jours de silence, tristes comme tout.

Parce qu’on le vaut bien !