Pendant longtemps, une question me dérangeait et peut-être qu’en tant que mamans, vous avez vous aussi été confrontées à ce problème… Pourquoi, en dépit de tous les cours d’éducation auxquels j'ai assisté, des livres que j'ai lus et relus... ne suis-je toujours pas capable de retenir cette explosion de colère qui survient inévitablement lorsque les enfants tirent trop sur la corde ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas, malgré ma bonne volonté, à devenir cette mère parfaite, douce, patiente, attentive, que décrivent les livres ? Est-ce bien moi, ce dragon qui se réveille parfois malgré tous mes efforts ?

Quand c’est trop… c’est trop !

Prenons une situation courante comme exemple :

Je rentre des courses, fatiguée après une journée bien remplie et j'appelle les enfants pour qu'ils m'aident à monter les sacs jusqu'à la maison. “On arrive”, lancent-ils avec nonchalance. J'attends une minute, mais comme personne ne se montre, je prends quelques sacs que je monte moi-même.

“Alors, les enfants, j'attends, il y a des produits frais à rentrer !”. Evidemment, cela ne suffit pas à les arracher à leurs occupations et je sens la moutarde me monter au nez pendant que je remonte seule toutes les courses.

Cependant, avant de m'énerver, j'ai comme un petit sursaut de conscience et je me reprends : “Non, je ne vais pas me mettre à crier, ce n'est pas la peine d'en faire tout un plat, après tout, ce ne sont que des enfants…” Je décide d'être le modèle de la mère patiente et je garde le contrôle de ma personne.

Super, je me sens vraiment fière de moi, aujourd'hui j'y arriverai, je ne m'énerverai pas quoi qu'ils puissent me faire ! Je continue donc à m'affairer par-ci, par-là pour répondre aux besoins de chacun avec calme et patience face aux enfants qui m’accaparent : la douche, le pyjama, la dispute entre les garçons, le devoir à signer, le peigne fin à passer, le repas sur le feu, le biberon du bébé, bref la routine quoi !  

Cependant, l'enthousiasme retombe quand une demi-heure plus tard, Sarah lance devant son assiette : “Encore ce repas ? Beurk, pourquoi tu ne nous fais pas des bons repas comme Tata ‘Hanna ?”

Et là, juste devant cette petite phrase anodine, c'est l'explosion, ma main agit plus vite que mon cerveau pour atterrir sur sa joue. “Ça ne te plait pas ? Eh bien tu vas au lit sans manger ! J'en ai assez, vous n'êtes que des égoïstes, vous n'aidez jamais et en plus vous avez des critiques à formuler !”

Et la soirée finit sur des pleurs, du ressentiment et finalement, quand tout le monde dort, je me retrouve avec une montagne de culpabilité.

Alors où est passée cette mère modèle des livres sur l’éducation ? Comment s'est-elle transformée en mégère qui crie et frappe ? Y a-t-il vraiment un moyen d'y remédier, de vaincre cette colère ?

Comment gérer sa colère sans faire de dégâts ?

Si cette description vous est familière, voici des pistes pour vous aider dans ces moments difficiles :

Le problème se trouve dans notre approche face à la colère qui nous envahit ; on cherche à l'étouffer ou à l'éteindre alors qu'elle ressemble à une cocotte-minute : au bout d'un moment, la pression la fera exploser si on ne laisse pas un peu la vapeur sortir.

Concrètement qu'est-ce que cela signifie ?

Pour revenir à notre exemple, alors que j’étais exaspérée de remonter les courses seule, j'ai refoulé ma colère et je me suis forcée à être calme et patiente. Or, essayer d'être patiente quand on est fâchée, c'est comme appuyer sur le frein d'un pied et sur l'accélérateur de l'autre.

La solution n'est pas de complètement retenir notre colère mais de la laisser s'exprimer par petits morceaux avant qu'elle ne finisse en explosion. Il est important d'accepter la réalité de ses sentiments du moment et d'être capable de l'exprimer convenablement.

Mais alors comment faire ? Certes, l'idéal serait de ne pas ressentir de colère, mais nous sommes des êtres humains et il serait utopique de penser que l’on puisse du jour au lendemain parvenir à ne plus jamais s’énerver avec les enfants. Alors quand la colère est là, la meilleure alternative est d'apprendre à l'exprimer, mais sans coups ni vexation.

Dans notre cas, cela revient à dire : “Quand je demande de l'aide et que je ne l'obtiens pas, je me sens fâchée ! Maintenant, il reste trois sacs en bas.” Si les enfants ne bougent toujours pas, on peut ajouter : “Bon, je fais le travail toute seule, mais sachez-le, je suis furieuse !” Cela représente une réelle différence par rapport aux phrases typiques que l'on peut entendre des parents : “Vous êtes méchants ! Vous me laissez porter les courses toute seule, bande d’égoïstes !”

Dans cette nouvelle approche, je me concentre sur ce que je ressens, sans m'en prendre à l'enfant. Je peux ainsi dire à Sarah : “Quand on me compare aux autres mères et qu'on me parle de cette façon, ça me rend tellement furieuse que j'ai envie de te gifler, mais je ne le ferai pas. La prochaine fois que tu as un problème avec le menu, contente-toi de me dire ce que tu aimes le plus manger !”

Un modèle pour les enfants !

Les bénéfices de cette méthode sont doubles : d'une part, j'apprends aux enfants à prendre en considération mes sentiments et ceux des autres de façon générale, et d'autre part, je donne moi-même l'exemple de comment réagir face à la colère. Car, ne nous méprenons pas, tout dans l'éducation passe par l'exemple : je sais que chaque fois que je frappe un enfant, je lui enseigne également que quand on est fâché, il est légitime de frapper. Et si je le vexe ou que je m'en prends à lui verbalement (les mots peuvent faire encore plus mal que les coups) je lui ai aussi appris : “quand tu es fâché, attaque !”

Comme l’enseigne la Guémara à la fin du traité Souka : “Toute phrase que tu entends de la bouche d'un enfant au marché provient de son père ou de sa mère.”

Et quelle satisfaction quand quelques jours plus tard, j'entends ma fille dire à son frère qui lui a touché ses affaires : “Je suis très fâchée ! Tellement fâchée que j'ai envie de te frapper mais je ne le ferai pas…”

Bon courage à toutes !

Léa Hagege