Je souhaiterais analyser aujourd’hui une situation qui s’est présentée lors des dernières fêtes de Souccot.

Trois familles accompagnées d’enfants de 3 à 7 ans étaient attablées dans une Soucca, alors que leurs petits jouaient sur l’autre partie de la terrasse où une pile de matelas qui servaient pour dormir la nuit dans la Soucca était entassée. Très vite, les enfants sont montés sur les matelas, souhaitant sauter du haut de la pile.

Lorsque les mamans s’en sont rendues compte, toutes ont interdit, avec bien entendu chacune sa bonne raison. L’une avançait que cela n’était pas propre, l’autre que c’était dangereux, quant à la troisième : « C’est NON, un point c’est tout ! ».

Evidemment, les enfants ne l’entendirent pas de la même oreille, et un brouhaha de mécontentement, dans lequel plus rien n’était compréhensible, a envahi ce magnifique espace baigné de verdure, pourtant si agréable quelques minutes auparavant.

Je regardai le spectacle, mi-amusée, mi-peinée. En effet, il était drôle de voir chaque maman se dépatouiller avec sa progéniture, sûre d’exercer à merveille sa Mitsva d’éduquer ses enfants. Mais de sentir les enfants tellement contrariés alors que leur désir de sauter était légitime m’affectait réellement.

D’autant plus que la suite était facile à imaginer : frustrations, pleurs, voire même punition si la situation continuait de s’envenimer.

Essayons de comprendre s’il y avait une façon d’agir qui aurait pu préserver la joie d’une belle après-midi de ‘Hol Hamo’èd ?

  • L’attitude des enfants est-elle justifiée ? OUI !
    Quoi de plus normale, qu’un enfant qui voit un endroit où l’on peut sauter qui en profite. Le contraire aurait été très étonnant, voire inquiétant !
    Lorsqu’un enfant qui commence à ramper va tirer un livre de la bibliothèque, avons-nous l’impression qu’il faut le gronder parce qu’il fait une bêtise ? Bien sûr que non, nous le regardons, amusées.
  • L’attitude des parents est-elle justifiée ? Nous pourrions répondre OUI, car bien évidemment il n’est pas propre de sauter sur des matelas avec des chaussures, d’autant plus que des personnes y dormiront le soir même. Bien entendu qu’il est dangereux pour des petits enfants excités de sauter d’un monticule de près d’un mètre de haut !

Alors que faire : fermer les yeux en espérant que tout ira bien et s’excuser auprès du propriétaire du lit qui découvrira les traces de chaussure sur ces draps ? Ou INTERDIRE, ce que toutes les mamans font à peu près toute la journée, surtout pendant les vacances ?

Les deux attitudes sont négatives : la première est laxiste, la deuxième crée des frustrations.

Il existe une troisième attitude : PERMETTRE AVEC UN CADRE.

Nous pouvons dire aux enfants : « Ouah les enfants vous avez envie de sauter ! Alors attendez, on va s’arranger pour que vous puissiez le faire. Mais d’abord il faut retirer les chaussures, ce n’est pas propre !

Ensuite, il faut demander la permission, nous ne sommes pas chez nous !

Enfin, cela peut être dangereux, alors je vais le faire avec vous, vous voulez ? »

En fonction des âges, vous réceptionnerez l’enfant qui aura le sentiment d’avoir sauté « tout seul, comme un grand », ou vous vous contenterez de surveiller qu’il n’y a pas de danger.

C’est effectivement comme cela que nous avons procédé : les plaintes se sont transformées en cris de joie, et la journée a pu continuer dans la bonne humeur.

Analysons.

Tout interdit génère des frustrations, et toute frustration laisse une empreinte qui abime la relation avec l’enfant. Il est indispensable qu’un enfant ait confiance en ses parents. Ainsi, lorsqu’il y aura des choses « importantes » à interdire, l’enfant saura que ses parents sont toujours là pour l’aider et non pour lui mettre des « bâtons dans les roues ».

Par ailleurs, à force d’interdire, il n’y a plus d’échelle de valeur. L’enfant transgresse une petite chose, ou une grosse, il n’a pas les moyens de faire la différence.

A l’instar d’Adam, le premier homme, qui dit à ‘Hava, son épouse, qu’il était interdit de toucher l’arbre, alors qu’en fait Hachem avait seulement interdit de manger le fruit de l’arbre, rien de plus. Le serpent lui a montré que rien n’arriverait si elle le touchait en la poussant contre l’arbre. Elle s’est alors permise de manger du fruit ! Un interdit mal placé, exagéré, a entrainé la perte de l’humanité. Et nous réparons cette faute jusqu’à aujourd’hui !

Rav Chimchon Raphaël Hirsch en fait son principe essentiel dans l’éducation des enfants : « Dire NON le moins possible », mais quand on interdit, ne pas revenir dessus !

En revanche, laisser tout faire est une attitude qui ne permet pas à l’enfant de grandir et de s’épanouir, car il n’apprend pas que, dans la vie, il y a un cadre, des règles, des personnes avec qui l’on vit et l’on partage. Certains comportements peuvent être dangereux pour le corps, d’autres, pour la Néchama (âme).

Imaginez un monde sans aucune règle, c’est l’anarchie qui mène à une déchéance évidente, tout le monde le comprend.

L’attitude à adopter est celle de la réflexion : est-il possible d’autoriser (et non interdire à priori) ? C’est-à-dire, existe-t-il une façon de faire qui me permettra de dire « OUI » ?

Cela est généralement possible, comme nous l’avons vu dans notre exemple, en donnant un cadre, un mode d’emploi.

Tout comme Hachem a créé le monde avec son mode d’emploi : la Torah.

Un juif sait toujours comment il doit agir, car tout est écrit dans la Torah. Un agriculteur sait comment il doit cultiver son champ, notre relation avec notre voisin est explicite, les lois de Chabbath nous permettent de jouir totalement d’un jour de délice, etc.

Bien sûr, comme nous l’avons déjà vu en matière d’éducation, cette réflexion demande du temps et de l’énergie, mais les résultats sont magnifiques. L’enfant est heureux de voir que ses parents cherchent à lui permettre, la confiance est renforcée, et lorsqu’il arrive qu’il faille interdire, l’enfant sera beaucoup plus coopérant.

Béhatsla’ha !