Il est de ces femmes que nous ne connaissons pas mais qui sont de véritables héroïnes de notre peuple. Dans l’ombre, elles agissent et se renforcent. C’est le cas de Karen Yemima, une Tsadékèt convertie au judaïsme par amour pur et profond de notre religion, de notre terre, et de notre Créateur. Si elle n’est pas née juive, elle l’est assurément et pleinement devenue juste avant de rendre son âme pure au Maître du monde, après avoir été victime d’un attentat terroriste le 22 Octobre 2014 à Jérusalem.

Aujourd’hui, nous partageons le témoignage poignant et émouvant de Chochana Newman, la maman de Karen Yemima, dont la vie a été brutalement fauchée à l’âge de 22 ans.

Karen Yemima était issue d’une famille de chrétiens évangélistes, vivant à Guayaquil en Équateur. Ses parents, Rosa Cecelia et Carlos, étaient des missionnaires très engagés et leur vie tournait principalement, pour ne pas dire uniquement, autour de l’église.

Rosa Cecilia, désormais répondant au nom de Chochana, raconte comment elle a vu sa vie basculer du christianisme au judaïsme. « Pendant 40 ans, j'ai voyagé d'un endroit à l'autre au service de l'église, mais l'expérience la plus significative de ma vie a commencé lorsque Carlos, le père de Karen, s'est envolé pour la Colombie, où il a entendu des enregistrements de musique juive. Les paroles étaient des versets de la Bible, et il les trouvait stupéfiants. Il s'est avéré qu'il y avait une branche de l'évangélisation chrétienne qui, dans le cadre de leurs rituels et dans le cadre de leur sensibilisation aux Juifs, mettait l'accent sur l'apprentissage de textes juifs et de chansons sur les Juifs et sur la Torah. Quand Carlos est rentré à la maison, il a innocemment partagé son nouvel enthousiasme avec moi, et ce fut un tournant dans nos vies. Nous vivions dans une maison isolée, dans un pays éloigné; je ne savais pas que le peuple juif que j'avais lu dans les écrits chrétiens existait toujours, qu'il y avait des Juifs et une religion juive dans le monde d'aujourd'hui. Quand mon mari a partagé les enregistrements qu'il avait ramenés - dans ce cas, il s'agissait des chansons d'Avraham Fried, un artiste de musique ‘Hassidique -, mon âme a senti que c'était quelque chose de spécial, de saint et de pur. À partir de ce moment, je n'ai plus eu d'intérêt pour d'autres musiques, y compris la musique de l'église. »

Carlos ne pensait pas que ces musiques, et autres livres qu’il ramènerait lors de ses prochains voyages, ébranleraient autant son épouse, surtout dans le fin fond de ses croyances religieuses qu’elle pratiquait depuis toujours. Mais ce fut le cas. Chochana ne trouvait plus de paix intérieure au sein de l’église. Elle sentait que la vérité était ailleurs et elle ne pouvait plus continuer à y sacrifier sa vie. Elle n’hésita pas à tout abandonner, sa maison, son entourage, son mari et une partie de ses enfants qui souhaitaient rester avec leur père, sa vie en somme ! « J'ai pleuré sans fin pendant cette période, à propos des 40 années que j'avais gaspillées pour une spiritualité qui ne correspondait pas à la vérité que je découvrais. J'ai demandé à D.ieu de me montrer le bon chemin et d'envoyer quelqu'un pour m'apprendre à Le servir correctement. »

Chochana avait pris avec elle ses deux filles. Karen était la plus grande des deux, et elle a tout de suite pris part active dans la recherche de sa mère. « Karen était brillante », se souvient Chochana, les yeux pleins de larmes. « En 2007 ou 2008, elle était la seule femme dans toute l'Équateur à recevoir une bourse pour étudier la psychologie clinique, mais elle a tourné le dos à la carrière prometteuse qui l'attendait, et a plutôt investi sa force, son énergie et son intelligence dans sa recherche de la vérité. Cela ne lui a pas donné de repos. Elle avait soif de judaïsme et les documents qu'elle trouvait sur Internet ne lui suffisaient jamais ; elle voulait toujours en savoir plus. »

Karen se documentait énormément et questionnait en ligne des rabbins de bonne renommée. Elle voulait savoir comment prier, comment respecter le Chabbath… Chochana se souvient, un sourire timide aux lèvres : « Karen avait hâte de vivre en tant que Juive et de respecter les commandements avant que le Messie n’arrive et ne ramène tout le monde vers D.ieu, mais, avant de franchir ce cap, elle a demandé à D.ieu de lui envoyer un signe s’Il voulait qu'elle se convertisse et pas seulement qu’elle Le serve en tant que non-Juive. Un jour, il y a eu un très fort tremblement de terre dans notre ville. Tout dans la maison tomba, mais Karen, qui était au milieu de sa ‘Amida, ne le remarqua même pas. Quand elle termina sa prière et vit ce qui venait de se passer autour d'elle, elle comprit qu'elle avait reçu son signe. Elle s'est approchée de moi et a dit : « Si même le pouvoir de la nature ne peut pas m'affecter, c'est un signe que D.ieu m'appelle à venir en Terre Sainte. Il veut que je sois Sa fille. »

Quelques jours plus tard, Karen partait pour une nouvelle vie à Jérusalem. Elle a été formidablement entourée. Toutes les personnes qui la rencontraient étaient séduites par sa forte volonté et son charisme. Rien ni personne ne l’empêcherait de devenir une fille d’Israël dans les règles de l’art.

La responsable du dortoir de Karen, la Rabbanite Sarah Katz, dit : « Karen Yemima n'était là que depuis un an et demi, mais elle s'est vraiment distinguée. Elle apprenait vite, absorbait tout sans en perdre une goutte, mais trois choses la distinguaient : sa modestie, qui ressemblait à celle d'une fille qui avait grandi dans un foyer religieux, la noblesse de son port, et son désir de vivre en tant que Juive, en accomplissant les commandements de la meilleure manière possible, sans compromis, peu importe si son entourage approuvait ou non. Dans notre dernière conversation avant de se convertir, elle a pleuré et m'a dit qu'elle voulait se convertir pour être aussi proche de D.ieu que possible. Elle a également dit que son rêve était d'établir une maison juive. »

La Rabbanite Katz raconte également qu’elle voyait Karen utiliser l’ordinateur pendant de longues heures tous les soirs. « Je lui ai fait confiance et je n'ai pas demandé ce qu'elle faisait. Ce n'est qu'après son assassinat que j'ai découvert que, chaque soir, avant de s'endormir, elle utilisait l'ordinateur pour apprendre à sa mère tout ce qu'elle avait appris ce jour-là. En outre, elle a travaillé très dur pour amasser des fonds pour payer un billet d'avion à sa mère, afin qu'elle puisse la rejoindre en Israël et aussi se convertir. Elle a promis à sa mère qu'elle ne se reposerait pas tant qu’elle n’aurait pas rassemblé l’argent pour la rapatrier. Pour gagner de l'argent, Karen a passé ses après-midi à nettoyer les maisons pour un salaire minimum. Elle a refusé de faire des voyages ou des activités, mettant de côté tout son temps libre pour amasser l'argent. »

Alors que la période la plus sombre de leurs vies semblait être derrière elles et que l’avenir s’annonçait prometteur, dans la soirée du 22 Octobre 2014, tout a basculé. Karen attendait le tramway à la station de Guiv’at Hata’hmochèt de Jérusalem, alors qu’un terroriste a foncé sur les piétons avec sa voiture, faisant 8 victimes. Certains ont succombé sur le coup, d’autres étaient plus ou moins gravement blessés. C’était le cas de Karen Yemima. Mais après 5 jours de combat entre la vie et la mort à l’hôpital, Karen perdit la bataille et rendit son âme pure au Créateur.

Karen n’était pas encore citoyenne israélienne, aussi, le gouvernement ne pouvait pas lui fournir une tombe, mais la Rabbanite Katz a déplacé des montagnes pour qu’on lui permette de reposer auprès des Justes au Mont des Oliviers. « Plusieurs mois avant l'attaque terroriste, nous avons pris des photos juste à l'extérieur du cimetière du Mont des Oliviers, et elle a dit que si elle n’était pas vivante quand le Messie viendrait, elle aimerait être enterrée là-bas pour revenir à la vie aussi vite que possible et pouvoir saluer le Messie. »

Chochana n’arrive plus à retenir ses larmes, elle est submergée par l’émotion. Elle finit avec ces mots : « Karen a travaillé dur pour m'amener ici et m'aider à me convertir. À la fin, je suis venue à cause d'elle, mais pas de la manière dont nous l'avions espéré ; je suis venue plutôt pour l’accompagner dans ses derniers instants. Chaque nuit, avant de m'endormir, je regarde sa photo à côté de mon lit, lui souris et la remercie d'être celle qui m'a montré mon propre chemin vers le judaïsme. Je suis certaine qu'elle me regarde depuis le ciel, qu’elle me sourit de son sourire pur et me guide jusqu'à ce que D.ieu ramène les morts à la vie avec la venue du Messie, quand nous nous reverrons. »