En quoi cette retenue de la bouche, ce silence, cette Chtika, peut-elle être considérée comme une bonne Midda ?

Prenons quelques exemples :

- Ra’hel, en voyant que sa sœur Léa était sur le point d'être présentée comme fiancée, pensa : “A présent, ma sœur va être exposée à une honte publique, c'est affreux pour elle !". Elle se dit : "Si je n'ai pas été digne de construire le peuple juif, que ma sœur le construise à ma place !". Elle révéla alors à sa sœur les Simanim, les signes secrets qu'elle avait convenus avec Ya’acov, qui savait que Lavan lui donnerait la plus jeune des deux. Elle se cacha dans la chambre où se trouvait le couple, et répondait aux questions de Ya’acov afin que la voix de Léa ne la trahisse pas. "Ra’hel Tafssa Bépelekh Hachtika", Ra’hel était comme une artiste dans le domaine de la Chtika, de savoir se taire. Ra’hel a su se taire, garder un secret. C'est toute une science que la Chtika et Ra’hel était une spécialiste de cette science de savoir se taire quand il fallait. Elle a tant et si bien perfectionné cette Midda de Chtika que sa descendance en a hérité... "Ma’assé Avot Siman Labanim".

- Binyamin, son fils, a su se taire. Pendant 22 ans, il n'a pas dit à son père que son frère Yossef avait été vendu par ses frères, afin de ne pas leur faire honte, comme sa mère l'avait fait…

- ‘Hanna, elle aussi a développé cette Chtika, mais d'une autre façon. Elle nous a appris à prier en silence. "Sfatéha Naot Vékola Lo Nichma" "Ses lèvres bougent mais sa voix ne se fait pas entendre". Cette Tefila était une Tefila silencieuse qui avait pour but de nous apprendre qu'il ne faut pas être dépendant des hommes, mais de l'attention d'Hachem. ‘Hanna n'avait pas peur de passer pour une folle, ce qui lui importait, c'était que sa Tefila à Hachem soit digne, faite dans la plus grande Tsni’out.

- Esther aussi dans la descendance de Ra’hel, combien a-t-elle tenu sa langue ! 4 ans passés avec les autres jeunes filles dans ce harem, et elle n'a rien dévoilé. Elle n'a pas dit qui elle était, qu'elle était juive, rien ! "Ein Esther Maguédèt Ete ‘Ama Véèt Moladeta." Combien elle a tenu sa langue, ceci nous montre la force de la Chtika. Elle n'a même pas confié un seul secret. La Guémara dans Méguila page 13b dit qu'Esther n'a pas révélé son identité, car elle était Tsnou’a (pudique).

- Chaoul Hamélèkh, lui aussi, a su garder le silence. Il n'a pas dit qu'il était roi jusqu'au jour où Chmouël Hanavi le proclama roi.

- Tamar, tout comme Ra’hel, n'a pas voulu faire honte à Yéhouda en public. Elle était prête à être brulée plutôt que de l'humilier. Yéhouda a reconnu sa faute. Ici encore, nous voyons la force de la Chtika chez Tamar.

La Chtika n'est pas, comme on le voit, un silence dénué de sens, elle n'est pas un mutisme, mais elle est un silence qui est "Bé’hokhma". C'est mesurer ses paroles. Et cela est une forme de Tsni’out. ‘Hazal disent dans le Midrach Rabba sur Béréchit 18, 3 qu'Hachem n'a pas créé ‘Hava à partir de la bouche pour qu'elle ne soit pas bavarde.

Pour finir, les femmes juives aussi ont su se taire en Egypte, elles n'ont pas fait de Lachone Hara’ (médisance) avec les voisines Egyptiennes. Grâce à cela, on est sorti d'Egypte.

Nous retrouvons cette pudeur qu'est la Chtika dans les Halakhot de Chmirat Halachone. La forme la plus grave de Avak Rékhilout, c'est de révéler des informations confidentielles. Lorsque révéler un secret risque de causer un préjudice, c'est à la fois de la Avak Rékhilout et du Lachone Hara’. Même si aucun dommage n'était à prévoir, on devient un Holèkh Rékhil, un colporteur de ragots, en violant un secret.

La Tsni’out est donc, ici, une domination de soi, on a envie de dévoiler quelque chose, mais on se retient.

Le Séfer ‘Hassidim de Rabbénou Yéhouda Ha’hassid cite 7 qualités qui déterminent la vraie Tsni’out. La septième, c'est "Kissot Hassod", garder un secret.

Le ‘Hafets ‘Haïm dans Hilkhot Rékhilout dit : "C'est un manque de Tsni’out de rendre public le secret d'autrui." Même nous concernant, il faut savoir garder un secret. Il s'agit de préserver sa vie privée.

Avant la guerre, on disait d'une femme qu'elle était dans des circonstances "particulières" pour dire qu'elle était enceinte. Même dans l'expression, la Tsni’out trouve sa place.

Cette Chtika, c'est quelque chose de naturel à la femme. C'est une Tsni’out innée qu'Hachem nous a donnée.

Dans le même Midrash déjà cité, on voit qu'en créant la femme, Hachem demande à chaque membre de son corps : "Sois Tsanou’a !", donc, déjà dans la création de la femme, cette Tsni’out était là. C'est donc dans la nature d'une femme de se comporter Béchékèt, Béna’hat, elle devra donc parler calmement en public. A ce sujet, ‘Hazal disent dans Tan’houma Nasso 2 : "Dérèkh Bnot Israël Lo Kolaniot" : le ‘Ets Yossef explique que les femmes juives ne doivent pas élever la voix en public. C'est si important qu'Hachem a créé la femme avec une voix douce, plus douce que l'homme. A tel point que ‘Hazal disent : "Kol Ava Béicha Haré Zé Moum" : si une femme a une voix masculine, c'est honteux pour elle, dit la Guémara Ketouvot page 75a. Le Chir Hachirim dit : "Ki Kolékha Arev" “Car ta voix est douce”. Quand Chlomo Hamélèkh dit : "Piha Pat’ha Bé’hokhma", cela signifie intelligemment, calmement et sereinement, comme il est dit dans Kohélèt : "Divré ‘Hakhamim Béna’hat Nichma’im" “Les gens intelligents s'expriment calmement”. On trouve un exemple de cette intelligence lorsque Rivka répond à Eli’ézer avec calme et dans l'ordre à ses questions. 

Ainsi, la Tsni’out n'est pas un mutisme dénué de sens, mais une Chtika Bé’hokhma, un silence intelligent. C'est cela "Piha Pat’ha Bé’hokhma".

La Echèt ‘Hayil ouvre sa bouche intelligemment.

La parole doit être intelligente, "Piha Pat’ha Bé’hokhma" “Elle ouvre sa bouche avec sagesse”. Elle sait quand et comment parler. Il faut parler au bon moment, quand besoin est, et de la bonne manière.

La suite du verset nous dit : "Vétorat ‘Hessed ‘Al Léchona"- quand elle ouvre la bouche, on n’entend que du ‘Hessed. Qu'est-ce que ce ‘Hessed ? Yokhévèd, Chifra, Myriam et Poua parlaient aux petits bébés qui naissaient et leur chantaient. Elles savaient maîtriser leur parole : avec la voisine égyptienne, on se tait, mais avec le petit bébé, on chante, on parle, on console. C'est cela l'usage positif de la parole. La Guémara rapporte qu'au moment de la création du monde, 10 mesures de parole sont descendues dans le monde, et 9 sur 10 ont été données à la femme, car le ‘Hinoukh passe par la parole.

Pe-ssa’h : la bouche parle, la transmission passe par la bouche. Quand Myriam voit Bitya prendre Moché, elle vient tout doucement. Elle ne lui dit pas qui elle est, elle ne lui dit pas je suis une juive, je suis la sœur de Moché, rien. Elle lui dit : "Tu veux que j'aille appeler une nourrice ?". Elle n'ouvre la bouche que pour le ‘Hessed. "Liftoa’h Pé Bé’hokhma", c'est aussi chanter, ouvrir la bouche pour louer Hachem et Le remercier. 

De la même façon que Ra’hel était la spécialiste de se taire, Léa était la spécialiste de remercier. Et c'est pour cela que David Hamélèkh, qui a composé les Téhilim et les Mizmorim, est sorti de Léa : "Né’im Zmirot Israël" “Les chants d'Israël sont agréables” : la Tefila, les Téhilim, la Chira. 

‘Hessed et Tefila constituent ainsi cette transformation positive de la parole en "Torat ‘Hessed ‘Al Léchona".

Tel est le bon usage des 9 sur 10 mesures de parole de la femme !