מַרְבַדִּים עָשְׂתָה לָּהּ שֵׁשׁ וְאַרְגָּמָן לְבוּשָׁהּ

Elle se brode des couvres-lits. Lin fin et pourpre forment ses vêtements

La Echet ‘Hayil se fabrique… des couvres-lits ! Que veut nous dire le Roi Salomon à travers ce fait qui pourrait paraître totalement anecdotique ?

La présence divine descend dans le foyer grâce à la femme

En fait, ce verset fait allusion au souci de la beauté, plus particulièrement au sein de l’intimité entre mari et femme. En embellissant toute chose, elle rehausse l’atmosphère du foyer ainsi que sa relation maritale. De plus, le couvre-lit est un euphémisme pour parler de la vie intime. Elle a clairement conscience qu’elle a une responsabilité dans la maison pour la vie intime elle prend soin d’elle, et de sa chambre à coucher qui a vocation à être agréable. [1]

La Echet 'Hayil s'investit dans sa maison, et ce, dans les lieux même les plus cachés et intimes … au fond quel est l'enjeu fondamental de tout cela ?

Le Talmud dit : « Si l’homme et la femme, s’ils sont méritants, la Chekhina (Présence Divine) réside entre eux » [2] . Seule la femme est capable d’insérer la Torah dans la vie quotidienne d'une maison; et grâce à cela, elle crée une Kedoucha (sainteté) permanente au sein du foyer. Et c'est ainsi qu'elle fait de son foyer un réceptacle pour la Présence Divine. La Chekhina descend sur Terre, grâce à la femme qui donne du sens à la matière et donne une dimension spirituelle à toutes les choses matérielles au sein de sa maison. [3]

De plus, la femme a le pouvoir d’amener la complétude dans son foyer. C’est en créant des liens avec sa maison, plus particulièrement avec son mari, qu’elle crée un lien avec Hachem et fait ainsi descendre la Chekhina au sein du foyer. C'est donc à la femme qu'il incombe de faire en sorte que non seulement que sa maison soit porteuse de Torah et de Mitsvot, mais aussi de relations qui sont harmonieuses, afin d'attirer la Chekhina dans son foyer.

En somme, c’est à travers la maison juive, dont l’atmosphère est chargée quotidiennement de Kedoucha et de Chalom (paix), que la Chekhina descend sur Terre… et tout cela n’est réalisable que grâce à la femme ! [4]

L’importance du respect de soi

Ce verset nous montre que la Echet ‘Hayil prend soin de son espace privé. En effet, la chambre à coucher est un lieu à l’abri du regard des visiteurs. Et pourtant elle s’y investit grandement, l'entretient et l’embellit. Ceci nous montre que les efforts que fournit la Echet ‘Hayil ne sont pas motivés par le regard extérieur, mais proviennent d’une volonté profonde d'embellissement. 

De plus, la suite du verset nous dit qu’elle s’habille de façon majestueuse [4] : Malgré la charge de travail que l’entretien de la maison représente, elle ne se laisse aucunement aller et s’habille de façon digne et élégante quotidiennement, même lorsque personne ne s’y trouve.

La Echet ‘Hayil réveille une question sous-jacente dans tous nos actes : Pour qui suis-je en train de faire une telle chose ? Est ce que je soigne autant mon image en dehors qu’à la maison? Est-ce que je fais autant attention à mon habillement lorsque je sors voir une amie, ou que je vais au travail, que lorsque je suis seule à la maison avec mon mari ou mes enfants ? Est ce que je suis autant préoccupée par le regard des autres que par mon lien avec les personnes de mon foyer? 

La Echet ‘Hayil, quand elle s’habille de façon élégante et plaisante, elle le fait avant tout pour elle-même. Et bien sûr, elle le fait également pour ses proches car elle a clairement conscience que quand on se donne du respect à soi-même, on en donne aux autres.

Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?

Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible.

Dans ce verset, il s’agit de Batchéva, la femme du Roi David

La Torah nous décrit très peu Batchéva, qui était était la femme du Roi David, et aussi la mère du Roi Salomon. Batchéva ne s'immisçait pas dans les affaires publiques mais seulement dans la vie familiale. La Torah nous décrit seulement deux épisodes où Batchéva est intervenue. Dans ces deux épisodes, son influence concernait son clan familial.

La première fois c’est à la fin de la vie du Roi David, lorsque Adonyahou, le fils du Roi David a voulu détrôner son fils Salomon, elle a pris les devants pour l’en empêcher. La seconde fois, c’est après la mort de David, lors que l’inauguration du Beth Hamikdach : ce matin-là, le Roi Salomon ne s’est pas réveillé car il avait fêté son mariage, la veille, avec la princesse Égyptienne. Elle lui a fait une remontrance très incisive et le Roi Salomon a pris les paroles de sa mère à cœur et s’est repenti immédiatement par rapport à sa négligence. [6] 

Batchéva, comme la Echet ‘Hayil, c’est celle qui a les yeux rivés sur l’intérieur de son foyer, y instille quotidiennement de la doucha, cultive des relations harmonieuses. En agissant ainsi, elle fait descendre la Présence divine sur Terre à travers sa maison, chargée de beauté, de dignité, de paix et de sainteté.

[1] Tsiporah Heller dans "More precious than pearls"

[2] Sota 17a

[3] D’où l’idée de beauté car la beauté symbolise l’harmonie, entre les formes et les couleurs, mais aussi entre spirituel et matériel : c'est le lien entre les deux (matériel et spirituel) qui permet de créer de la Kedoucha, ce qui va alors attirer la présence divine.

[4] Basé sur le Ohel Ra’hel

[5] Ralbag sur Michlei (31,22)

[6] Rapporté par le Midrach Rabba (Bamidbar 10,4)