On connaît les versets de l’Ecclésiaste, selon lesquels « il y a un temps pour tout et pour son contraire » (3, 1-7). Mais ce qu’il ne peut pas y avoir, c’est un temps pour le doute, pour l’incertitude, car il ne s’agit pas d’une réalité, mais d’une absence de réalité ! Comment existerait-il un temps pour l’incertitude, pour une absence d’être ? En réalité, l’incertitude est une attitude liée à une difficulté qu’il n’est pas toujours facile de définir ou d’appréhender. Quelle est l’option qui nous attend au coin de la rue, pourrait-on dire de façon simpliste ? En fait, chacun se fait un principe de vie – consciemment ou non – et se conduit en fonction de ce principe. Cela peut réussir ou échouer ! C’est le critère d’une vie réussie, ou d’un échec d’avoir su se conformer à certains principes, et de s’y être tenus.

Au niveau collectif, politique, le problème est différent. Chaque état a, en théorie, une direction politique, économique, voire idéologique, qui le sous-tend. C’est, en principe, sa certitude, liée (c’est alors la démocratie) ou non (c’est alors une dictature) à la volonté du peuple. En 1989, un évènement rarissime s’est déroulé : la chute du mur de Berlin, l’arrêt de l’expansion soviétique en Europe occidentale, et on a pu croire à “la fin de l’Histoire”, harmonie entre les peuples ! Hélas, c’est bien le contraire de cette certitude qui est arrivé, et le premier quart du 21ème siècle n’a pas été inférieur aux périodes précédentes !! Où se situe la certitude, l’assurance de la paix entre les nations ? La Corée du Nord, l’Iran, entre autres, ont bien prouvé que les certitudes étaient une illusion.

Aujourd’hui, que se passe-t-il ? La période actuelle semble une véritable période d’incertitude : en Israël, aux Etats-Unis, en Europe, nombreux sont les pays à propos desquels il est possible de s’interroger sur les développements qui vont caractériser les années prochaines : Biden continuera-t-il le « trumpisme », ou ira-t-il clairement dans un sens opposé ? Netanyahou saura-t-il résister à ceux qui veulent sa tête ? En Europe, le nombre de gouvernements branlants est assez significatif, surtout avec la montée des partis extrémistes de droite, en France, en Allemagne. La Chine se maintient par sa violence. Quant à Poutine, nul ne sait aujourd’hui s’il est vraiment malade. Et au Moyen-Orient, face à un Erdogan toujours plus dangereux, les chiites et les sunnites risquent l’affrontement entre la Saoudie et l’Iran. A toutes ces inquiétudes, s’ajoute une épidémie qui, pour la première fois dans l’Histoire, touche toute l’humanité. Cela aura assurément des conséquences très dangereuses pour l’économie mondiale.

Comment tenter de comprendre une période aussi enchevêtrée, qui se sentait puissante dans une avancée triomphante dans un universalisme numérique ? Or c’est précisément cet enchevêtrement qui crée le danger, c’est-à-dire une incertitude dangereuse pour l’humanité. Quand l’opposition entre « blanc » et « noir » était claire, entre « communisme » et « libéralisme » était évidente, on savait, plus ou moins, où était le bien et le mal. Aujourd’hui, rien n’est clair. Et, paradoxalement, ce sera grâce à cette obscurité que devrait pouvoir jaillir une clarté éblouissante. L’incertitude nous mènerait-elle à une certitude ? Il semble qu’une réponse positive peut être donnée à cette question apparemment surprenante.

Utilisons le langage du philosophe allemand, devenu juif observant, Franz Rosenzweig, ayant vécu à la fin du 19ème siècle, et en début du 20ème siècle (mort en 1929). Fondée sur sa foi essentielle en un Créateur, il résume l’histoire de l’humanité en trois temps, la Création, la Révélation et la Rédemption. Il retrouve ici les 3 points des 13 Articles de Maïmonide : 5 articles sur la foi en un D.ieu tout-puissant (Création), 4 articles sur l’adresse de D.ieu aux prophètes (don de la Torah, Révélation) et 4 articles sur la Sanction des actes de la créature (Rédemption). Le 1er et le 3ème temps sont liés à l’action de l’Eternel, mais le 2ème temps implique l’utilisation par la créature de son libre arbitre. Va-t-il utiliser sa liberté pour répondre positivement à l’invitation de la Révélation ? Telle est l’énigme de l’Histoire ! C’est ici que se situe le degré d’incertitude. La réponse à l’appel de la Providence est entre les mains de l’homme.

Pouvons-nous ainsi nous consoler, en nous assurant que le bien et le mal sont finalement un combat de l’individu entre l’acception d’une transcendance, qui peut être cachée, voilée sous toutes sortes d’artifices, toutes sortes d’idéaux – le nationalisme est l’un des plus violents, mais aussi l’appât pour le gain, le désir d’accepter les pulsions physiques. Ainsi serait-il possible, très schématiquement, d’expliquer l’Histoire de l’humanité. C’est de la sorte qu’elle apparaît, désormais, désordonnée et abandonnée, dans les premiers chapitres de la Torah, dans la première Paracha ! C’est AVANT le déluge ! Prions pour que l’incertitude s’éloigne, et que nous puissions voir clairement la Révélation afin de révérer et de reconnaître l’Auteur de toutes choses et mériter la Rédemption !