L'affaire Vincent Lambert a relancé le débat sur l'acharnement thérapeutique, et sur l'euthanasie en France. À la suite d'un accident de la route survenu en 2008, Vincent Lambert, âgé de 42 ans, plonge dans un état végétatif. Les membres de sa famille sont en conflit concernant les suites à donner. Plusieurs décisions de justice, durant plus de 10 ans, ont validé puis suspendu l'arrêt des traitements sans que le patient ne reprenne connaissance. La 20 Mai 2019, la cour d’appel de Paris ordonnait la reprise des soins, mais le gouvernement a porté l’affaire devant la cour de cassation qui devra se tenir le 24 Juin 2019.

A l’échelle humaine, le corps représente l’extérieur, mais il recouvre une réalité intérieure, spirituelle. Le Talmud (Traité Brakhot 10a) compare l’âme – entité spirituelle – dans le corps, au Créateur – l’essence spirituelle – en relation avec le monde matériel, le cosmos. De même que l’âme maintient la vie du corps, de même le Créateur est l’assise spirituelle de l’univers. Dans cette perspective, il convient de comprendre le caractère important du corps, support de l’âme.

La Torah interdit, de ce fait, toutes sortes d’atteinte à l’intégrité du corps. L’euthanasie – considérée comme une mort assistée – est l’un des sujets les plus controversé : pourquoi souffrir, ou faire souffrir, moralement, la famille, quand on peut décrocher, en une seconde, le fil qui relie le malade à la machine qui lui permet de respirer, ou de l’alimenter. Une seconde, et le résultat est obtenu. Sait-on assez qu’agir ainsi s’appelle un meurtre ? Le Talmud nous enseigne que toucher les yeux d’un agonisant, c’est l’assassiner ! Le problème est actuellement posé par une famille qui s’oppose à ce que l’on détache leur fils d’une machine, pour ne pas hâter sa mort. Les médecins proposent de précipiter la mort, puisqu’« après tout, il souffre, et l’on ne peut rien faire pour lui ». Cette question touche l’un des points essentiels de la foi : est-il permis – même si c’est, apparemment, pour son bien – de raccourcir la vie du corps ?

A ce problème s’ajoutent, évidemment, les divers points liés à la survie physique : greffes, dons d’organes, avortements, suicides, etc. Les problèmes posés par les avancées modernes de la science, les problèmes que soulève la bioéthique, doivent impérativement être inclus dans la Torah. Comment donc répondre à ces problèmes nouveaux ? La Torah est éternelle, et il ne saurait être question de résoudre des problèmes en dehors de la législation divine. La durée de la vie du corps ne doit, en aucun cas, être dépendante d’une décision de la créature. Le Créateur fixe, pour chaque individu, un temps de vie matérielle, et intervenir dans les comptes du Tout-Puissant est un blasphème. Ainsi, prolonger la vie, préserver la vie, guérir le corps, s’inscrit dans le projet divin, car, comme l’affirment les Sages, « Il a créé le monde pour qu’on l’habite ». Le médecin, lui, est chargé de maintenir le corps en vie : c’est son rôle, c’est son droit, c’est son devoir. Il doit savoir qu’il est, à ce titre, un messager de la volonté divine. Les sages sont très sévères dans leurs jugements à l’égard des médecins qui s’attribuent à eux-mêmes le mérite de leur succès. Il est essentiel de comprendre le sens réel de la vie.

A ce niveau, le sens – signification comme direction – importe. Que fait l’homme sur cette terre ? Il doit être le reflet du spirituel, car le matériel, par définition, est putrescible. Si l’on s’inscrit dans cette perspective, les problèmes d’éthique sont importants, et doivent être au centre des préoccupations du croyant. Il peut arriver, par exemple, que les choix des médecins soient motivés par des raisons concernant l’intérêt du malade, et ces motifs peuvent – dans certains cas – être opposés à l’avis de la famille. Ici aussi, il convient de trancher, après avis d’une autorité rabbinique.

Que les choses soient bien claires ! On n’a en aucun cas – dans cette chronique – le désir de donner des directives. L’important est de savoir, et ce n’est pas toujours facile à déceler, où se situe l’intérêt du malade, et une option spirituelle, car le « Kidouch Hachem » (sanctification du Nom divin) est toujours la valeur absolue, le critère indéchiffrable du croyant. Le médecin – en accord avec une autorité rabbinique – peut et doit exprimer son avis autorisé et, dans chaque cas, la réponse peut être différente. Si nous acceptons cette perspective, alors nous avons l’assurance de continuer l’aventure spirituelle de la Création : remercier le Tout-Puissant et reconnaître que, selon la bénédiction traditionnelle : "Rofé Kol Bassar Oumafli La'assot" "Il guérit toutes les créatures et agit de façon merveilleuse dans l’univers".