Un grand Rav a une fois déclaré que le plus triste, lors d’une tragédie, serait de n’en tirer aucun enseignement, de ne pas trouver comment grandir de cette épreuve. Le peuple juif est encore sous le choc de l’attaque dévastatrice de nos ennemis, mais il incombe à tout un chacun de veiller à ce que cette catastrophe nous réveille et entraîne des changements durables dans notre vie.

Plusieurs Rabbanim, conférenciers et éducateurs, soulignèrent que l’année écoulée fut marquée par l’une des plus grandes désunions et haines entre diverses parties du peuple juif, en particulier en Erets Israël. Parallèlement, le début de la guerre a conduit à une unité sans précédent entre nous. Bien qu’il soit impossible de comprendre les voies d’Hachem et la raison exacte de ce drame, il semble que l’unité au sein du peuple soit le domaine qu’il est pertinent d’améliorer.

La première étape, pour travailler sur la A’hdout, consiste à comprendre la vision de la Torah à ce sujet. Notons que la vision laïque de l’union est très différente de celle de la Torah. Le monde occidental estime que chaque point de vue et chaque mode de vie est correct et valable et rien ne justifie la critique d’autrui. Cette approche est basée sur l’idée qu’il n’y a pas de moralité absolue et par conséquent, qu’il est interdit de désapprouver le mode de vie de son prochain. Cela est totalement contraire à la vision de la Torah ; d’après elle, il y a une moralité absolue, c’est-à-dire qu’il y a une perception correcte et une perception incorrecte, que certains modes de vie sont objectivement immoraux, parce qu’ils contredisent la moralité voulue par la Torah. L’union ne signifie pas que tout le monde a raison. Que sous-entend alors ce concept ?

Il faut tout d’abord savoir qu’à un seul moment de l’Histoire, le peuple juif fut véritablement uni ; c’est lors du don de la Torah. La nation juive fut alors « comme un seul homme avec un seul cœur ». Cela signifie que tous les Bné Israël étaient entièrement focalisés sur le même objectif – celui d’accomplir la Volonté divine. C’est l’union ultime. Il y eut d’autres occasions, au cours de l’histoire, où les Juifs se montrèrent unis, mais c’était d’un niveau inférieur, parce que tout le monde ne partageait pas ce but commun suprême. Ces niveaux inférieurs d’union sont hautement méritoires. Même la génération de la tour de Babel est louée pour l’union dont elle fit preuve en vertu de leur objectif commun (qui était pourtant grandement néfaste).

Ainsi, l’union actuelle du Klal Israël semble être principalement due à la reconnaissance d’un ennemi commun qui ne distingue aucunement les différents « types » de Juifs. Toutefois, dès la fin de cette guerre, nous risquons de retomber dans la même haine et la même désunion, parce que les différences de points de vue qui existaient avant la guerre perdureront. Alors que pouvons-nous faire pour améliorer l’unité du peuple juif en général et nos relations avec les Juifs en particulier ?

Comme nous le savons tous, nos Sages[1] enseignent que le deuxième Beth Hamikdach fut détruit à cause de la haine gratuite ; les gens se haïssaient les uns les autres sans raison. Rav Its’hak Berkovits note que cette haine se manifesta quand il y eut des désaccords majeurs sur la réaction à la domination romaine de l’époque. Certains estimaient qu’il fallait tolérer leur hégémonie tant qu’ils permettaient aux Juifs de respecter la Torah, tandis que d’autres pensaient qu’il fallait les combattre jusqu’à retrouver l’autonomie du peuple juif. Ce désaccord entraîna une guerre civile, provoquant la mort de nombreux Juifs, ce qui permit finalement aux Romains de détruire le Beth Hamikdach. Pourquoi appelle-t-on cela une « haine gratuite » ? Pourquoi implique-t-on qu’elle était sans raison alors qu’au contraire, elle était basée sur une différence fondamentale de points de vue ? Rav Berkowitz répond que le fait d’être en désaccord avec quelqu’un, même dans un domaine de croyance très central, n’est pas une raison pour le haïr. Même si nous pensons que l’autre s’est gravement égaré dans sa foi et ses actions, cela ne justifie pas le mépris. Les commentateurs qui évoquent la Mitsva d’aimer son prochain, et parfois de haïr les pécheurs, affirment que parfois, il est permis, voire obligatoire de détester les actions de l’individu, mais qu’il faut néanmoins aimer son essence.[2]

Comme nous l’avons mentionné, au cours de l’année écoulée, il y a eu une haine sans précédent entre différentes parties du peuple juif en Erets Israël, à la suite de tentatives de réformes judiciaires du gouvernement. Le Rav Berkowitz affirme à ce sujet : « Il ne fait aucun doute que nous avons atteint un niveau historiquement bas dans ce domaine [l’union]. À la suite du conflit sur la réforme judiciaire, les partis de droite et de gauche sont complètement fractionnés, se délégitimant terriblement l’un l’autre. Nous aurions dû sentir le vent tourner. À l’heure actuelle, on ne se considère peut-être pas comme faisant partie du débat, mais il convient de veiller à ce que les Juifs sachent se parler entre eux… Cela ne veut pas dire sacrifier ses valeurs au nom de la paix. Mais nous devons apprendre à aimer les gens avec qui nous sommes en désaccord, à les comprendre, etc. Vous êtes peut-être un grand dénigreur de la gauche, vous pensez peut-être que les libéraux sont « hors sujet », qu’ils ne « réfléchissent pas ». Vous avez à présent une nouvelle mission. Posez-vous la question : d’où viennent-ils ? Qu’est-ce qui les dérange ? De quoi ont-ils peur ? Quelles sont leurs préoccupations ? Nous savons que les opinions humaines ne germent pas dans le vide. Lorsque vous entendez de l’hostilité ou de l’animosité, c’est l’expression d’une peur sous-jacente. Comprenez l’autre. Essayez de ressentir son malaise. »

Essayons de travailler sur ce point, pour l’unité et le bien-être de tout le peuple juif ! Que cette tragédie puisse conduire à un changement significatif en nous en tant qu’individus et en tant que membres du Klal Israël. 

 

[1] Yoma 9b.

[2] Voir entre autres : Rambam Michné Torah Hilkhot Rotséa’h Ouchemirat Hanéfech, Halakha 14 ; Rambam, Pirouch Hamichnayot, Sanhédrin, Chapitre 10, principe 11 ; Ahavts ’Hessed, Chapitre 3, Nétiv Ha’hessed, Oth 2 ; Tossefot, Pessa’him, 113b, Ora’h 'Haïm, Siman 156, Séif Katan 2 ; Baal Hatania, Likouté Amarim, Chapitre 32.