Il est écrit dans la Parachat Balak (22, 6) : "כִּי יָדַעְתִּי אֵת אֲשֶׁר תְּבָרֵךְ מְברָֹךְ וַאֲשֶׁר תָּאֹר יוּאָר" (Car je sais que celui que tu bénis est béni, et que celui que tu maudis est maudit).

Ces paroles prononcées par Balak au sujet de Bilam suscitent l’interrogation suivante : pourquoi le Tout-Puissant a-t-il décidé de conférer le don de prophétie à un idolâtre mauvais et méchant ? Nos maîtres répondent que l’Éternel en a ainsi décrété afin que les nations du monde ne puissent prétendre : « Si nous avions eu des prophètes, nous nous serions bien conduits ». C’est pourquoi le Tout-Puissant leur a établi des prophètes et ces mêmes prophètes ont brisé la barrière qui maintient le monde : au départ, les nations du monde ne s’adonnaient pas à l’adultère et autres relations interdites, et ce méchant Bilam leur conseilla de s’abandonner aux mauvaises moeurs (Midrach Rabba).

Rabbi Sim’ha Bounem de Pchiss’ha demande en outre d’où Bilam – dont toute la force ne consistait qu’à maudire, car il savait calculer l’instant du jour pendant lequel le Tout-Puissant se met en colère – a-til également puisé le pouvoir de bénir ?

Il répondait par la parabole suivante :

Un groupe d’hommes se dirigeait vers la forêt pour chasser du gibier. Parmi eux, se trouvait un homme orgueilleux et rusé. Celui-ci aperçut de loin un renard s’abreuvant à l’eau d’une rivière. L’homme arracha une brindille et interpella ses compagnons : « Croyez-vous qu’au moyen de ce jonc je puis tuer ce renard ? » Ses amis se rirent de lui : « Une telle chose est impossible, a-t-on jamais entendu qu’un simple jonc puisse tuer un renard ? » Leur rusé camarade leur répondit : « Si vous me promettez cent dinars, je vous montrerai que j’en suis capable. »

Le pari fut conclu. L’homme se mit en position et visa le renard avec le jonc. Au moment voulu, il imita le son d’un coup de fusil : PAN ! Et au même instant, le renard s’effondra mort… Ses amis s’émerveillèrent grandement et force leur fut de croire que leur compagnon était vraiment doué de facultés exceptionnelles, lui permettant de tuer à distance un renard au moyen d’un jonc meurtrier. Mais en réalité, ils n’avaient pas aperçu que se tenait, de l’autre coté de la forêt, un autre groupe de chasseurs munis de fusils bien réels. Ce sont eux qui avaient visé le renard et l’avaient abattu… Notre homme, qui était doué d’une vue perçante, les avaient distingués, se préparant à abattre leur proie. Et quand il vit que les fusils étaient dirigés vers le renard, il fit tonner un PAN strident comme s’il était en train de tirer avec une arme véritable.

De la même manière, Bilam était un puissant devin, capable de prédire l’avenir. Quand il voyait dans les astres que la fortune souriait à untel, il s’empressait d’aller le voir et lui annoncer : « Si tu souhaites que je te bénisse et que tu deviennes extrêmement riche, verse-moi une somme d’argent importante, et tu pourras être certain de voir ma bénédiction porter ses fruits. » Et quand les peuples de la terre virent que ses « bénédictions » se réalisaient, il acquit une réputation de « bénisseur » comme le lui dit Balak. Mais en réalité, la bénédiction de Bilam était vide de tout contenu, et il n’était doté d’aucun pouvoir de bénir…