La Paracha de Balak nous raconte comment Balak, alors roi de Moav, voulut maudire le peuple d’Israël. Il s’adressa pour cela au prophète des nations Bil'am. Bil'am était un mécréant de la pire espèce. Il était orgueilleux, envieux et avide comme l’enseigne la Michna (Avot 5 ; 19) : « Les disciples de Bil'am l’impie possèdent un œil envieux, un esprit hautain et une âme avide. » Il était également fourbe. Lorsque les messagers de Balak vinrent à lui, il s’adressa à eux de la sorte : « Restez ici cette nuit, et je vous rendrai réponse selon ce que l’Éternel m’aura dit. » Quelle piété ! Quoi qu’il en soit, D.ieu lui dit : « Tu n’iras point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple, car il est béni ! » Bil'am renvoya les messagers de Balak en prétextant qu’ils n’étaient pas dignes de lui. Balak envoya donc des princes plus nombreux et plus considérés. Bil'am leur dit alors : « Quand bien même Balak me donnerait de l’argent et de l’or plein son palais, je ne pourrais contrevenir à l’ordre de l’Éternel mon D.ieu, en aucune façon. Et maintenant, veuillez attendre ici, vous aussi, cette nuit, que je sache ce que l’Éternel doit encore me dire. » D.ieu lui dit : « Puisque ces hommes sont venus pour te mander, va, pars avec eux ! » 

Nos Sages apprennent de là que dans le chemin où l’homme veut aller, on l’y emmène (cf. Traité Makot 10b). En effet, la volonté de Bil'am de suivre les hommes de Balak a fait fléchir D.ieu, si l’on peut dire. D.ieu a consenti à le laisser partir. Le Maharcha s’interroge sur le langage de nos Sages « on l’y emmène » (Molékhin Oto). C’est un pluriel en hébreu. Il aurait été plus correct d’employer un singulier « Il l’y emmène » en référence à D.ieu. Le Maharcha explique que les actes, les paroles et les pensées créent des forces spirituelles. Ces anges aménagent le chemin de l’homme selon sa volonté. Par exemple, celui qui veut vraiment créer une entreprise aura les opportunités et les contacts nécessaires à la réalisation de son projet. Il ne lui restera qu’à savoir en tirer profit. Selon nos Sages, l’univers s’organise donc pour réaliser nos aspirations les plus profondes. Ce principe s’applique dans le bien comme dans le mal. Le Midrach (Parachat Chemini) raconte l’histoire d’un ivrogne qui dilapidait sa fortune dans le vin. Ses fils étaient agacés par cette situation. Ils décidèrent de lui montrer un pochtron encore plus ivre que lui afin qu’il se ressaisisse. Mais en guise de repentir, leur père demanda au pochtron où est-ce qu’il avait acheté un vin aussi bon. Excédés, les fils décidèrent de placer sa couche dans une grotte du cimetière de la région. Ils espérèrent ainsi qu’il cuverait son vin et méditerait sur sa vie. Entre-temps, des marchands de vin qui transportaient leur cargaison apprirent que le gouverneur avait prononcé de nouvelles taxes. Ils cachèrent donc leurs tonneaux de vin dans la grotte. Lorsque le père ivrogne se réveilla de son ivresse, il constata avec joie qu’il était entouré de tonneaux de vin. Il but et s’enivra. Après quelque temps, ses fils se rendirent à la grotte avec l’espoir d’y voir leur père sevré. Mais ils virent avec effroi que leur père était plus saoul que jamais. Ils dirent alors : « le chemin vers lequel l’homme veut aller, on l’y emmène. »

Rabbi Tsadok Hacohen de Lublin écrit dans son livre Tsidkat Hatsadik que la réussite n’est pas une preuve de la droiture des actions. Il se peut que ce soit le fruit d’une volonté forte, car vers le chemin que l'homme veut emprunter, on l’y emmène. Cependant, une question subsiste.  Il est écrit : « D.ieu aborda Bil'am pendant la nuit, en lui disant : "Puisque ces hommes sont venus pour te mander, va, pars avec eux ! Et cependant, les ordres que Je te donnerai, ceux-là seulement, tu les accompliras !" Certes D.ieu a « fléchi » devant Bil'am, mais Il demeure le maître de la situation. Bil'am ne pourra pas maudire le peuple d’Israël. Il sera obligé d’accomplir les ordres de D.ieu. Nombreuses sont les conceptions dans le cœur de l’homme ; mais c’est le dessein de l’Éternel qui l’emporte (cf. Prov. 19 ; 21). En fait, nos Sages affirment que dans le chemin où l’homme veut aller, on l’y emmène. L’homme n’a pas la garantie d’arriver à la destination souhaitée. On l’emmène juste dans le chemin qu’il souhaite. Tu veux vraiment devenir médecin !? On te donnera tous les moyens d’y arriver, mais au final, c’est le dessein de l’Éternel qui l’emporte. Rabbi Tsadok Hacochen écrit que la volonté est très puissante, mais elle ne peut pas empêcher un décret Divin sans l’accord de D.ieu. Il ajoute qu’en l’absence d’un décret Divin nous pouvons faire tout ce que nous voulons. Il suffit juste de vraiment le vouloir et d’agir en conséquence.