Parmi les douze hommes envoyés pour explorer la Terre Sainte, seuls Yéhochoua et Calev sont restés fidèles aux instructions de Moché Rabbénou. Les dix autres montrèrent un manque de confiance en Hachem et ont médit de la Terre, laissant le peuple en proie au désespoir. Le ’Hafets ’Haïm soulève plusieurs questions quant au rôle de Calev dans cet incident.[1] Tout d’abord, il rapporte le verset affirmant que Moché a ajouté la lettre Youd' au nom de Hochéa qui devint Yéhochoua[2]. Nos Sages expliquent qu’il a imploré Hachem de l’épargner du projet des explorateurs[3]. Pourquoi n’a-t-il pas prié aussi pour Kalev ?[4] Par ailleurs, ’Hazal enseignent qu’en Erets Israël, Calev est allé à ’Hevron pour prier sur les tombes des Patriarches afin de ne pas participer au projet des explorateurs[5]. Pourquoi Yéhochoua n’y est-il pas allé également ? Enfin, le ’Hafets ’Haïm note l’éloge de Calev par Hachem ; « Mon serviteur Calev puisqu’il avait un esprit différent et qu’il M’a suivi. »[6] Pourquoi Hachem a-t-Il fait cet éloge sur Calev et non sur Yéhochoua ? Et à quoi fait référence l’expression « esprit différent » ?

Le ’Hafets ’Haïm précise qu’il existe deux approches différentes dans 'Avodat Hachem lorsqu’une personne est confrontée à un danger spirituel. Elle peut, d’une part, résister ouvertement et montrer son désaccord avec les mauvaises actions des autres. Autrement, elle peut rester silencieuse en les voyant mal agir et peut-être même faire semblant d’être d’accord avec eux, mais quand ils affirment leurs croyances, elle s’oppose en exprimant alors sa véritable opinion.

Il y a un avantage et un inconvénient aux deux approches. Dans la première, on prend le risque d’être physiquement attaqué en s’opposant ouvertement aux adversaires, mais avec l’avantage de ne pas se laisser influencer. Celui qui opte pour la deuxième approche ne craint rien physiquement de la part des pécheurs, puisqu’ils croient qu’il est de leur côté, mais il risque d’être lentement influencé étant donné qu’il prétend partager leurs croyances.

Le ’Hafets ’Haïm ajoute que Moché savait prophétiquement que Yéhochoua serait classé dans la première catégorie – il s’opposerait ouvertement aux espions. Moché savait aussi que Calev faisait partie du deuxième groupe – il allait cacher ses vraies croyances afin que les espions l’imaginent allié. De cette façon, ils lui permettraient de parler aux gens, pensant qu’il soutiendrait leur cause ; c’est effectivement ce qui s’est passé. Avec cette explication, le ’Hafets ’Haïm répond à toutes les questions posées.

Il a demandé pourquoi Moché ne priait que pour Yéhochoua et non pour Calev. Il répond que la prière de Moché était pour le bien-être physique de son élève, et non pour son bien-être spirituel. L’approche de Yéhochoua étant de s’opposer ouvertement aux pécheurs, Moché n’avait pas besoin de prier pour que celui-ci soit spirituellement protégé, mais seulement pour que les espions ne lui fassent pas de mal physiquement. En revanche, Moché savait que Calev voilerait sa véritable opinion et qu’il ne risquait rien physiquement.[7] Ce n’est qu’en entrant en Terre Sainte que Calev a réalisé les plans infâmes des espions. Il a alors décidé d’opter pour la deuxième approche consistant à cacher ses véritables intentions. Il se savait spirituellement en danger et par conséquent, il ressentit le besoin d’obtenir une Siyata Dichmaya (assistance céleste) spéciale ; il se rendit donc à ’Hevron et pria pour garder une foi absolue. Yéhochoua, en revanche, n’avait pas besoin d’une aide particulière, parce qu’il s’opposerait ouvertement aux arguments des explorateurs.

Il reste à comprendre pourquoi seul Calev a été loué comme ayant un « esprit différent ». Le ’Hafets ’Haïm explique, en citant Rachi, que Calev avait deux « esprits », c’est-à-dire deux façons de se comporter, l’une dans son discours et l’autre dans son cœur, étant donné qu’il parlait comme s’il était d’accord avec les espions. Mais finalement, il a montré son véritable « esprit », sa ferme confiance en Hachem et en son Prophète Moché. Hachem fait cet éloge précisément à Calev du fait de sa capacité à rester fort tout en faisant semblant d’être du côté des explorateurs.

Ce développement nous a appris à distinguer les deux manières de vivre dans un entourage de malfaiteurs – celle de Calev et celle de Yéhochoua. La leçon à en tirer est pertinente dans notre quotidien. Bien que notre entourage n’ait peut-être pas de mauvaises intentions, son comportement peut toutefois ne pas se conformer à l’approche de la Torah. Il est souvent difficile d’adopter la méthode de Yéhochoua sans provoquer de frictions. Il faut donc émuler Calev et rester silencieusement ferme dans ses croyances. Pour cela, il nous faut une aide divine spéciale et une prière sincère est alors indispensable. Si l’on prie en réalisant pertinemment le besoin d’une aide divine, alors on peut se permettre d’imiter Calev.

 

[1] Chemirat Halachon, 2ème vol., ch.19.

[2] Bamidbar 13,16.

[3] Bamidbar Raba, 18.

[4] Voir Gour Arié et Ayéleth Hacha’har, Bamidbar 13,16 pour comprendre pourquoi Moché n’a pas prié pour tous les explorateurs.

[5] Cité par Rachi, Bamidbar 13,22.

[6] Bamidbar 14,24.

[7] Dans ce cas, pourquoi Moché n’a-t-il pas prié pour que Calev soit spirituellement protégé du plan des espions ?  Le ’Hafets ’Haïm estime que l’on ne peut pas prier pour qu’une autre personne ne pèche pas. En effet, la décision de pécher est basée sur le choix de l’individu et les prières ne peuvent pas changer le libre arbitre de quelqu’un. Cette question est discutée par de nombreuses autorités ; voir ’Hazon Ich, fin de Ora’h ’Haïm ; Ben Yehoyada, Sota 34b.