Il est écrit dans la paracha 'Hayé Sarah (24, 1) : "וְאַבְרָהָם זָקֵן בָּא בַּיָּמִים" (Or Avraham était vieux, avancé dans les jours).

A propos de ce verset, Rabbi A’ha enseigne : « On trouve des hommes qui sont vieux sans être avancé dans les jours, et on trouve des hommes qui sont avancés dans les jours sans être vieux. Quant à Avraham, il était à la fois vieux et avancé dans les jours » (Béréchit Rabba 59, 6).

L’histoire vécue suivante va nous permettre d’éclaircir ce Midrach :

Un homme se rendit dans un village de montagne reculé, dont tous les habitants se distinguaient par leur crainte du Ciel exceptionnelle. Au cours de sa visite dans le cimetière local, il constata que l’âge des défunts figurait sur l’épitaphe des tombes. Or, fait étrange, tous semblaient être décédés à un jeune âge. Untel vécut 10 ans et quelques mois, untel vécut 20 ans et quelques semaines, untel vécut 30 ans et quelques jours. Quant au plus vieux, il n’avait pas dépassé la quarantaine…

« Est-ce une terre qui dévore ses habitants ? s’étonna le visiteur en son for intérieur. J’y ai pourtant aperçu de mes propres yeux des personnes âgées. »

Décidé à élucider ce mystère, notre homme se rendit auprès du directeur de la ’Hevra Kadicha et lui demanda des explications. Celui-ci répliqua : « Selon la coutume ancestrale locale, nous n’inscrivons sur l’épitaphe que l’âge spirituel atteint par le défunt ici-bas, à savoir le temps consacré à l’étude de la Torah et à la pratique des mitsvot. Dans cet objectif, chaque villageois, aussitôt qu’il en est capable, comptabilise toutes les heures qu’il consacre à la Torah, au service divin, et à la charité.

« Puis, à son départ de ce monde, nous additionnons les heures en jours, les jours en mois, les mois en années, puis nous inscrivons ce total net, son âge spirituel, sur l’épitaphe. Quant à l’âge physique « brut », nous n’en faisons pas mention car il n’est d’aucun intérêt pour le défunt dans le monde de la vérité. Seuls y importent les moments consacrés à la Torah et aux mitsvot ! »

En entendant ces mots, le voyageur s’exclama avec admiration: « Béni soit D.ieu qui a choisi le Peuple Elu ! »

Dans le sillage de cette histoire, le verset « Or Abraham était vieux, avancé dans les jours » prend toute sa signification. Ainsi, le patriarche n’était pas « vieux » uniquement au regard de son âge physique brut ; il était aussi « avancé » au regard de son âge spirituel net, car dans tous les jours de sa vie sur terre, on ne lui comptait pas une seule heure dépensée futilement ! Voilà pourquoi, poursuit le verset, « l’Eternel l’avait béni en toutes choses » (Atéret Eliahou).

Ce monde-ci n’est qu’une antichambre pour le monde futur. L’homme doit donc s’y préparer en accumulant un maximum de mitsvot, afin de pouvoir pénétrer dans le salon, le monde futur.

Rabbi Israël Méir Hacohen, auteur du Séfer ’Hafets ’Haïm donnait à ce propos la parabole suivante :

Un riche désirait se faire construire une belle maison. Il sollicita les services d’un architecte réputé afin qu’il en trace les plans et lui livra ses exigences : « Je souhaiterais un salon vaste et confortable, mais je tiens également à ce que l’antichambre soit spacieuse. » L’architecte prit les mesures du terrain sur lequel son client désirait construire sa demeure, fit quelques calculs, puis déclara à l’adresse de ce dernier : « Maître, je suis désolé de vous décevoir, mais sachez qu’il n’y a pas assez de place pour construire à la fois un salon vaste et une antichambre spacieuse. Indiquez-moi donc si votre priorité se situe au niveau du premier ou de la seconde. » Puis il ajouta : « Pour ma part, je vous conseille d’aménager un grand salon et de vous contenter d’une modeste antichambre, comme le veut l’habitude. D’ailleurs, si vous choisissez la solution contraire, un salon exigu et une antichambre spacieuse, tous vos visiteurs se moqueront de vous ! »

De même, le but de notre existence dans ce monde-ci est de nous assurer une grande place dans le monde futur, et ce, par le biais du respect de la Torah et des mitsvot. Combien risible est l’homme qui passe toute sa vie à se soucier de son bien-être et de son confort ? Tel ce riche qui s’aménage une antichambre immense et un salon minuscule… il sera la risée de tout le monde !

Le récit suivant, qui se déroule à l’époque du ’Hafets ’Haïm, illustre l’importance extrême que possède chaque moment de notre vie :

Rav Naftali Tropp se trouvait en danger de mort, et les élèves de la yéchiva de Radin décidèrent d’organiser une « collecte de temps » à son intention. Chacun d’entre eux lui fit don d’un mois ou plus de sa vie, dans l’espoir de retarder son départ de ce monde. Quand ils se présentèrent devant le ’Hafets ’Haïm pour recueillir sa contribution, celui-ci se mit à réfléchir longuement, comme si l’on venait de lui demander un effort surhumain. Pour finir, il se déclara prêt à faire don d’une minute de sa vie !

Devant l’étonnement de ses disciples, le maître expliqua : « Si vous connaissiez l’importance revêtue par chaque instant de la vie, vous comprendriez aisément pourquoi je n’ai donné qu’une seule minute de la mienne. Sachez que le temps est une denrée extrêmement précieuse, dont la perte est irréversible. »

Les paroles du ’Hafets ’Haïm eurent un effet puissant sur les étudiants et leur mise à profit de chaque instant pour l’étude de la Torah, et ils affirmèrent que durant les seize années suivantes, il n’y eut jamais une telle atmosphère de renforcement spirituel dans les murs de la yéchiva (Lévouch Yossef).