« Si tu prêtes de l’argent à Mon peuple, au pauvre [qui est] avec toi, tu ne seras pas pour lui comme un usurier, vous n’imposerez pas sur lui d’intérêt. » (Chémot 22,24)

La Paracha de Michpatim compte de nombreuses Mitsvot ; l’une des plus actuelles et applicables dans notre quotidien est certainement l’interdit de prêter ou d’emprunter d’un autre Juif avec intérêt (connu comme l’interdiction de Ribbit). La transgression de cet interdit est tellement grave qu’elle touche tous ceux qui sont impliqués dans la transaction – l’emprunteur, le prêteur, le courtier, l’avocat qui rédige le contrat, les témoins, le scribe et toute autre personne associée. En outre, le prêteur transgresse six interdits et l’emprunteur en transgresse trois.

Par ailleurs, on nous précise que celui qui transgresse cette Mitsva risque une grande perte financière[1] et, pire encore, il ne sera pas digne de Té’hiyat Hamétim (résurrection des morts). Les autorités municipales demandèrent une fois à Rabbi Akiva Iguer pourquoi la ’Hevra Kadicha (société qui s’occupe des enterrements) avait fait payer à une famille riche une très grosse somme pour enterrer le père de famille. Il répondit que les Juifs croient en la résurrection des morts et que leur sépulture n’est donc que temporaire. Mais, le défunt ayant prêté avec intérêt toute sa vie durant, il n’allait pas revivre. Son tombeau était donc permanent et donc plus couteux !

Pourtant, Rav Pin’has Vind[2] souligne que quand les enfants étudient la Paracha de Michpatim, ils connaissent bien les lois de l’esclave hébreu qui se fait percer l’oreille à l’entrée de la maison, alors que personne n’a d’esclave juif de nos jours. En revanche, dans cette même Paracha, la Mitsva de Ribbit, si elle est enseignée, n’est évoquée que de manière théorique, bien que ce soit une Mitsva qui nous touche tout au long de l’année.

On pourrait croire que le Ribbit concerne les hommes d’affaires ou les personnes impliquées dans des prêts bancaires, mais qu’autrement, il n’affecte pas notre quotidien. Rav Vind répond à cette question par une série de questions :

« Avez-vous un commerce, un métier ? Étudiez-vous dans un Collel ? Remboursez-vous un emprunt immobilier ? Payez-vous un loyer à un autre Juif ? Avez-vous déjà fait des achats avec une carte de crédit ? Payez-vous parfois vos courses, vos vacances ou vos dettes en plusieurs versements ? Avez-vous déjà reçu ou fait des chèques postdatés ? Comment payez-vous vos factures ? Avez-vous déjà emprunté quelque chose d’un ami ou d’un voisin ? Avez-vous commandé des meubles ou des appareils électriques en les prépayant ? Avez-vous déjà profité d’une promotion en payant d’avance ? Avez-vous fait des investissements ou des cotisations de retraite ? Avez-vous déjà retiré de l’argent d’un distributeur automatique, échangé de l’argent provenant de l’étranger ou emprunté une certaine somme d’un Gma’h ? Si vous avez répondu OUI à l’une de ces questions, vous feriez bien de réviser les lois de Ribbit, que vous habitiez en Israël ou non (car les Halakhot s’appliquent également en dehors d’Erets Israël). »

Rav Vind montre que malheureusement, les connaissances des lois de Ribbit chez la plupart des gens sont très faibles. Une fois, il tenta de convaincre le directeur d’une grande compagnie de prêts en Israël d’avoir un Eter Iska[3] et lui expliqua la gravité de l’interdit de Ribbit. Le directeur lui montra la queue de clients orthodoxes qui attendaient pour déposer leurs chèques postdatés[4]. Le directeur dit à Rav Vind : « Je ne comprends pas, si le Ribbit est si grave, comment tant de Juifs pratiquants font appel à nos services ? Pourquoi aucun d’entre eux n’a-t-il jamais demandé si l’on avait un Héter Iska ? »

Pourquoi l’ignorance de cette Mitsva si importante et sérieuse est-elle tellement marquée ? Tout d’abord, parce que c’est un sujet très complexe, qui embrouille beaucoup de monde. Et même chez les plus érudits, la Guémara qui évoque les lois de RibbitEizéhou Néchekh – est très compliquée et il n’est pas facile de transposer les cas de la Guémara aux situations concrètes et actuelles.

Mais il semblerait qu’à un niveau plus profond, le Yétser Hara' est très fort dès que l’on parle d’argent. Le Tour écrit : « Il faut faire très très attention à l’interdit de Ribbit[5]. » Le Beth Chmouël (un commentateur) souligne que le Tour et le Choul’han Aroukh ne répètent les mots « très très » qu’à trois reprises – l’une d’elles est dans la règle précitée.[6] Le Beth Chmouël en explique la raison, sur la base d’une Guémara ; l’individu a un fort désir naturel d’acquérir de l’argent[7] et il faut donc redoubler d’efforts pour ne pas transgresser les lois de Ribbit. Sur la base de cette explication, il est probable que la cupidité aveugle les gens quant aux lois de Ribbit, surtout quand celles-ci risquent de causer une dégradation de leur situation financière. Comme nous l’avons appris, c’est une grave erreur ; la Guémara affirme que celui qui transgresse l’interdit de Ribbit risque de perdre tout son argent, peu importe ses efforts pour en amasser le plus possible.

Alors comment peut-on mieux respecter cette Mitsva fondamentale ? La première solution est d’apprendre les lois qui y ont trait. Rav Vind lui-même a écrit plusieurs ouvrages sur le Ribbit ; parmi eux le Brit Pin’has qui décrit clairement et en détail les lois courantes. Cette étude est nécessaire au moins pour donner à la personne une idée des cas où les lois de Ribbit s’appliquent et pour savoir quand il faut poser une question à un Rav. De nombreux sites internet à travers le monde proposent des réponses données par des Talmidé ’Hakhamim.

On peut ainsi être sûr d’avoir fait l’effort nécessaire d’étudier les lois relatives au Ribbit, afin de pouvoir respecter et raviver cette Mitsva qui semblait laissée à l’abandon.

 

[1] Baba Metsia, 71a.

[2] Autorité halakhique en ce qui concerne le Ribbit et directeur rabbinique du Beth Horaa Léinyané Ribbit.

[3] Un accord rabbinique qui transforme un prêt en association et qui définit l’argent prêté non comme un prêt, mais comme un investissement immobilier ou comme une affaire.

[4] Encaisser un chèque postdaté revient à demander un prêt. Le changeur prête au client de l’argent et celui-ci lui donne un chèque qui ne sera endossable que plus tard. Grâce la commission prise par le changeur, il gagne plus d’argent qu’il n’en donne, ce qui constitue du Ribbit.

[5] Tour, Yoré Déa, Siman 160.

[6] Les deux autres concernent les interdits de soudoiement et d’immoralité.

[7] Makot 23b.