Le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing, élu en 1974, s'est distingué par la présence de deux femmes exceptionnelles. 

L’une, ministre de la Santé, Simone Veil, rescapée des camps, l’autre, Françoise Giroud, secrétaire d’État à la Condition de la Femme, Bureau créé pour elle sur mesure, par Giscard.
Toutes deux juives, de familles assimilées - l’une d’Alsace, fortement attachée aux valeurs républicaines, patriote et intellectuelle, l’autre des Balkans, refoulant totalement ses origines -, elles ont eu un parcours remarquable qui les a menées au sommet de la pyramide politique française, à l'Elysée.
Ambitieuses, déterminées et excessivement intelligentes, elles ont voulu œuvrer pour améliorer la condition féminine, chacune selon une perspective différente, à l’image de leur tempérament.

Giroud est une femme de terrain, fougueuse, indépendante, moderne et « libérée », qui n’a jamais fréquenté les grandes écoles, et s’est faite toute seule, passant de script-girl sur les plateaux de cinéma à cofondatrice de L’Express, avec Jean-Jacques Servan-Schreiber.

Une anecdote la définit à merveille : au Sénat, un élu impertinent l’interpellait, pour l’humilier, lui demandant de quelle « Grande École » elle était sortie.
Elle lui répondit du tac au tac : « De l’école de la vie, cher Monsieur. » 

Chaque lundi, son éditorial dans l’Express était scruté comme un baromètre par toute la classe politique, suspendue à ses lèvres, comme on l’est devant un verdict.


Simone, elle, après la tragédie de sa déportation à Auschwitz à 16 ans,  où elle perdra ses deux parents et son frère, décide de se reconstruire via le cursus classique. Elle entre à Sciences Po, puis réussit le concours de magistrature.

Naissance de Simone Veil à Nice

Devenue Ministre de la Santé, son nom reste intimement lié à la fameuse et si controversée « loi Veil ».

Cette loi qu’elle fera voter, dépénalisera l’avortement et permettra dorénavant, avant la 10ème semaine de grossesse, d’effectuer une IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) légalement, avec l’accompagnement du corps médical.
Les intentions de Madame la Ministre de la Santé, c’est évident, sont bonnes. Elle veut éviter aux femmes d’avoir recours à des « faiseuses d’anges », comme on les appelait, avorteuses de grands chemins (la dernière femme guillotinée en France en fut une… ô versatile morale), ou à des médecins travaillant en clandestinité, qui mettaient en danger la vie de ces femmes — et particulièrement celles issues de milieux modestes.

Mais la Ministre soulève un tollé dans son propre parti, chez les plus conservateurs et les catholiques, qui crient au génocide. 

La loi est finalement adoptée par l’Assemblée Nationale le 17 janvier 1975, grâce aux voix de gauche des députés de l’opposition.

Naissance de Simone Veil à Nice

Veil avait stipulé dans son projet de loi que jamais on n’obligerait un médecin à effectuer un IVG si ses convictions morales s’y opposaient.

Les années ont passé, et voici que des voix s’élèvent pour abolir cette clause (appelée clause de conscience) et obliger le corps médical, dans son intégralité, à effectuer l’IVG. 

On trouve ces appels chez les Verts, les Féministes et la France Insoumise.
On observe également que les 10 semaines limites, stipulées dans la loi Veil, pour effectuer un IVG, sont bientôt passées à 14, puis 16 semaines, et qu’on trouve aujourd’hui des dérogations pour effectuer une interruption de grossesse même dans les mois très avancés, en invoquant la « situation psychologique » de la femme.
Les limites et les définitions de ce qu’on appelle “désarroi psychologique de la mère” sont devenues excessivement poreuses, et Simone Veil, qui disait avec raison qu’aucune femme n’a recours à l’avortement de « gaité de cœur », n’avait pas pris en compte la rapide évolution des mœurs ni le fait qu’une morale laïque qui ne s’appuie que sur le bien-être et les diktats en vogue est excessivement fluctuante, condamnant aujourd’hui ce qu’hier elle encensait, et vice-versa. 


Cette femme qui avait expérimenté dans sa chair, la désacralisation de la vie sous tous ses aspects, se jeta à corps perdu dans une revendication qui s'avèrera ô combien hasardeuse, au fil des décennies. 

Terrain glissant s’il en est, seule l'éthique juive peut s’y aventurer, avec la prudence et la perspicacité de ses érudits, considérant avec une justesse infinie chaque cas, pesant les tenants et aboutissants d’une vie qui débute et parallèlement, le drame qu’elle peut entraîner si celle qui la porte est en danger. 

Toutes les données prises en compte, seule une Sagesse transcendante et millénaire pourra trancher au cas par cas. 


La loi restera à son nom, et Simone Veil sera enterrée au Panthéon.

Accéder au pouvoir et légiférer constitue une énorme responsabilité. 

On attribue (à tort ou à raison…) cette phrase à de Gaulle : 

« Gouverner, c’est anticiper ! » 

Puisque nous sommes en politique… laissons-lui le mot de la fin.