Née en 1915 à Paris, Piaf a 25 ans lors de l’Occupation, et elle est déjà une vedette. Mais une ombre flotte sur ses relations personnelles lors de cette triste période. 

Collabo ou résistante ? Les avis diffèrent, selon ses biographes. 

Et qui sait, la mômenée miséreuse dans un quartier insalubre de la capitale et bientôt abandonnée par sa mère, effectuant une ascension vertigineuse vers les sommets de la gloire internationale, était peut-être les deux à la fois…


Tous les artistes français de cette génération vont être confrontés à un cas de conscience. Devant les nouveaux maîtres des lieux, vont-ils faire de leur carrière une priorité, continuant à chanter et à jouer devant les Allemands, faisant taire leurs scrupules pour que la fête parisienne continue… Ou alors vont-ils résilier leurs contrats, cesser toute activité artistique et perdre leur gagne-pain ?

Car les nazis se sont réservé ce Paris occupé comme leur lieu de plaisir, et ils comptent bien en profiter. 

De la même façon, et sans même avoir eu besoin de l’annexer, les nazis se sont impatronisés de la Confédération helvétique, devenue ainsi leur coffre-fort privé, qu’ils rempliront à l’envi et à ras bord, par la multitude inconcevable de biens outrageusement spoliés aux Juifs assassinés et déportés à travers l’Europe.

De mi-juin 1940 à 1944, les cabarets, théâtres, cafés et restaurants de la capitale ne désempliront pas de la présence de l’ennemi assis aux terrasses des grands boulevards et cette nouvelle réalité sera accueillie différemment par la population.

Non, je ne regrette « vraiment » rien… ?

Certains s’en accommoderont très bien, estimant qu’en fin de compte, l’occupant est plutôt poli et « comme il faut », alors que d’autres ne cacheront pas leur ressentiment et leur effarement devant l’entrée des uniformes germains dans leur vie.

Quant aux artistes français, leur nature profonde, courage ou lâcheté, bravoure ou opportunisme, tout ce qui se cache derrière le vernis du talent, sera soudain révélé au grand jour au contact de ce bouleversement de leur quotidien.

Non, je ne regrette « vraiment » rien… ?Non, je ne regrette « vraiment » rien… ?

La « profession » sans fard

Jean Marais, jeune comédien, sera mobilisé et s’engagera plus tard aux côtés du général Leclerc, faisant preuve d’une remarquable bravoure. Gabin, idem. 

Sacha Guitry, par contre, choisit son clan : il écrit et joue ses pièces devant un parterre d’uniformes nazis, enivré et heureux de ses succès.

Maurice Chevalier continue à chanter, canotier sur la tête, alors que Joséphine Baker va travailler activement pour la Résistance et cachera des documents ultra-secrets que sa notoriété lui permettra de transférer sans être soupçonnée. Elle sera décorée à la Libération. 

Certains acteurs et actrices, déjà célèbres, comme Danielle Darrieux, Viviane Romance et comparses, feront du zèle et iront jouer et chanter en Allemagne, dans une délégation toute französich.

Non, je ne regrette « vraiment » rien… ?

Mais il y a pire : Arletty, la gouailleuse, l’incarnation de LA Française, affichera ouvertement une liaison avec un officier nazi, et à la Libération, évitera de peu la « tonsure » réservée aux collaboratrices, grâce à des relations bien placées qui l’en sauveront.

Idem pour la grande Mademoisellesurtout grande par son antisémitisme viscéral Coco Chanel, qui également se compromettra avec des officiers allemands. 

L’amour avant tout ? Il semble que ce fut sa devise. 

Mais outre ses élans de cœur pour les nazis, la tête bien sur les épaules, elle tentera de récupérer le contrôle total de la marque Chanel N°5, qui appartenait en grande partie à la famille juive française Wertheimer. 

Chanel fera tout pour les déposséder des actions acquises, profitant des lois antisémites des nazis sur l’« aryanisation » des entreprises juives, pour essayer de faire annuler leur contrat et récupérer leur part.

Elle aussi, vu sa position dans les milieux parisiens, s’en tirera en 1945 avec une fuite en Suisse, exil dont elle reviendra neuf ans plus tard, à 71 ans, ayant attendu que les remous de l’après-guerre se calment, pour continuer sa carrière et engranger succès et argent en rouvrant sa maison de couture.

Non, je ne regrette « vraiment » rien… ?

Piaf, elle, est ambiguë. Elle sauve des Juifs, proches d’elle, paroliers et compositeurs de ses succès, mais parallèlement, vit et s’exhibe en toute liberté aux côtés des Allemands. Elle aussi ira chanter en Allemagne en 1943. 

Mais Piaf, c’est Piaf, et à la Libération, cette page compromettante de sa vie sera vite tournée.


La marche du temps a toujours été un révélateur de la nature humaine. Elle expose au grand jour, tôt ou tard, ce que nous fûmes et ce qui nous a poussés à agir de telle ou telle façon. 

La vie en rose, les parfums chics, les fréquentations troubles, passés au crible de l’Histoire, qui comme un microscope sensible, repère où se situe notre sens moral, ne berneront personne. 

Tout sera immanquablement jugé avec le recul, par les hommes. 

Et cela uniquement pour ce monde-ci. 

Pour l’au-delà et le Jugement Parfait de D.ieu, cela reste une tout autre affaire…

Non, je ne regrette « vraiment » rien… ?

 Une « Mamie Nazie » : Ursula Haverbecka