Le Rav Bentsion Abba-Chaoul est né à Jérusalem en 1924 (5684), et était l’un des plus grands Rabbanim et décisionnaires de sa génération.

Dans sa jeunesse, il étudia à la Yéchiva « Porat Yossef » dans la vieille ville, avec le Rav Ovadia Yossef dont il était le compagnon d'étude attitré et d’autres Rabbanim.

Après le décès du Roch-Yéchiva, le Rav Ezra Attia, il fut nommé Roch-Yéchiva avec le Rav Yéhouda Tsadka.

Il est décédé le 19 Tamouz 5758 (1998) et est enterré au cimetière de Sanhédria, à Jérusalem.

Le sens de la vérité du Rav Bentsion Abba Chaoul

Commençons par un récit que m’a confié le Rav Bentsion Abba Chaoul lorsqu’il enseignait à la Yéchiva le traité de Yébamot, et arriva à la question de la Guémara sur le verset : « Mais j’ai à te révéler d’abord ce qui est consigné dans un écrit véridique » (Daniel 10,21), car certains écrits ne sont pas véridiques (Yébamot 105a). Le Rav relata ce qu’il entendait par un écrit non véridique.

C’était à l’époque des événements sanglants qui avaient frappé la Vieille ville au moment de la guerre d’Indépendance, la Yéchiva Porat Yossef s’était exilée à la synagogue Tsofiof. A proximité des lieux résidait le Roch Hayéchiva, le Gaon Rabbi Ezra Attia dans le quartier de Boukharim, dans la « ville nouvelle ». Un jour, trois élèves de la Yéchiva arrivèrent chez lui pour se faire tester sur les lois « d’Issour (interdit) et de Héter (permis) », et ils réussirent l’examen. Il voulut leur conférer l’honneur d’un diplôme de ‘Hakhamim. Alors qu’il s’apprêtait à signer sur le diplôme, il remarqua l’en-tête de la feuille : « Yéchiva Porat Yossef, vieille ville ». Comment pouvait-il signer, alors qu’il se trouvait dans la ville nouvelle ? Il ne pouvait se rendre en vieille ville, c’était la guerre, et pour accéder à la Yéchiva, il fallait traverser le marché arabe empreint d’hostilité. La Rabbanite ne le lui permettrait pas. Il lui suffisait déjà qu’il s’y rende une fois par jour, mais les élèves l’attendaient, ils le méritaient bien.

Que fit-il ? Il ne se revêtit pas de sa toge de rabbin pour ne pas éveiller l’attention de la Rabbanite, il prit les trois diplômes, se rendit dans la vieille ville, jusqu’à à la Yéchiva, signa les diplômes et rentra chez lui, pour les remettre aux élèves. Pour que ce soit un « écrit authentique  » !

Et le Rav de conclure : « Pour vous, c’est peut-être une histoire. Pour nous, c’était un enseignement, une orientation, un mode de vie obligatoire ! ».

Le Rav Bénayahou Chemouëli, élève du Rav et Roch Yéchiva des Mékoubalim « Nahar Chalom », a raconté qu’une fois, un élève avait été attrapé pour avoir dit une phrase inexacte. Le Rav Abba Chaoul, ébranlé, avait déclaré alors : « Cela fait vingt ans que je n’ai pas dit de trace de mensonge, et toi, tu ne fais pas attention et tu transformes la vérité ! »

Le Rav exagère…

Le Gaon Rav Eliyahou, fils du Rav Abba Chaoul, témoigne : « Un jour il a critiqué le mensonge. C’était 25 ou 26 ans avant son décès. Il a déclaré : "Je témoigne sur moi-même que pendant vingt-deux ans je n’ai proféré aucun mensonge !" », et de s’étonner : « Un homme peut prétendre dire toujours la vérité, mais se souvenir exactement combien de temps, déclarer que pendant vingt-deux ans il n’a pas émis une seule parole qui ne soit pas véridique ! Qui sait ce qu’il dit jusqu’alors, il a certainement respecté les règles de la Halakha, et a modifié obligatoirement des propos pour le Chalom ; or, il a témoigné sur lui-même que, depuis son enfance, il n’a pas émis le moindre propos ressemblant à du mensonge ! ».

Une fois, pendant le cours de Moussar (morale juive), le Rav s’étendit longtemps sur la critique d’un défaut, jusqu’à ce que ses élèves soient pétrifiés. L’un d’eux déclara alors : « Le Rav exagère… ».

Le Rav le regarda et lui répondit : « Sache que non seulement je veille à ne proférer aucun propos mensonger, mais même pas de trace de mensonge ! ».

Mais c’est une contrefaçon !

« Je hais le mensonge, je l’ai en horreur » (Téhilim 119). Le Rav avait en horreur le mensonge. J’ai une fois entendu un homme dire à son ami : « J’ai reçu un chèque pour toi. Et je l’ai encaissé à la banque ». Il lui tendit l’argent en liquide. « Je n’ai pas de mot pour te remercier, lui dit son ami, mais comment l’as-tu encaissé en mon nom, j’aurais dû le signer ! ». Il balaya son objection d’un revers de la main, et répondit : « J’ai signé en ton nom » - un acte de pure bonté. « Mais c’est un faux ! », se scandalisa le Rav Abba Chaoul.

Comment « cachériser une vermine », et se présenter comme quelqu’un qui fait une faveur ?

Je suis jaloux de toi !

L’un des Maîtres de la Yéchiva Porat Yossef annonça un jour au Rav Abba Chaoul qu’il se dépêchait pour se rendre à Tel-Aviv.

Rav Abba Chaoul de s’étonner : « Qu’est-ce qui vous amène à Tel-Aviv ? »

Le Rav répondit : « J’ai été invité à prendre la parole dans un congrès de Téchouva au stade Yad Eliyahou ».

Le Rav déclara : « Ouah, combien je te jalouse ! ».

Et son interlocuteur de s’étonner : « Votre honneur a accumulé d’énormes mérites comme la grenade, il diffuse la Torah et confère des mérites au public sans fin, et vous me jalousez ?! ».

Et le Rav de rétorquer : « Je ne me suis jamais exprimé avec du miel sur la bouche et du miel sur le cœur. Si je vous dis que je vous jalouse, c’est cent pour cent vrai ! Qu’il soit heureux, heureux de sa part… ! ».

« Depuis que j’ai un avis, je n’ai jamais parlé comme un faux-jeton… !

Une histoire semblable sur son élève Rav Réouven Elbaz, directeur des institutions d’Or ‘Ha’haïm. Une fois, lorsqu’ils ont voyagé ensemble, le Rav Abba Chaoul s’est adressé à lui avec nostalgie : « ‘Hakham Réouven, puisse-t-il y avoir beaucoup d’hommes comme toi qui confèrent des mérites au public. Puissé-je avoir le privilège de me trouver en ta compagnie au Gan Eden ! ».

« Apparemment, le Rav veut prodiguer ses encouragements », réagit le Rav Réouven, ému.

Mais le Rav prit un air sérieux et objecta : « Depuis que j’ai un avis, je n’ai jamais parlé comme un faux-jeton… ! » (Extrait du Rabbénou Haor Létsion)

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