Un membre de la synagogue que je fréquentais, lorsque j'étais enfant, aimait dire : « Je ne répète pas le Lachone Hara’… donc écoutez attentivement la première fois.» Cette plaisanterie amusante reflète notre tension entre la gêne de médire, et l'appétit insatiable de partager quelque chose de croustillant. Les Parachiot Tazri’a et Métsora décrivent les conséquences et le processus de réhabilitation d'un individu qui ne sait pas suffisamment tenir sa langue.

La Tsara'at, la lèpre spirituelle, pouvait frapper un individu ou des vêtements, et également affecter une maison. Rachi cite le Midrach : « C'était positif, car les Emorim qui y avaient vécu pendant quarante ans pendant que le peuple juif parcourait le désert, avaient caché leur or et argent dans les murs des maisons. À présent, par l'affliction de la Tsara'at et la nécessité de démolir les murs, les Juifs allaient trouver le trésor qui y était enterré.»

N'est-ce pas une manière étrange de donner un trésor ? Si Hachem voulait récompenser le peuple par la richesse, pourquoi le cacher dans les murs pour le découvrir plus tard, en raison de l'affliction dont souffrait la maison ?

Rabbi Mordékhaï Mayer a été rabbin de Chaaré Chamayim dans le Lower East Side pendant 20 ans. En 1949, il publia un ouvrage : La sagesse d'Israël à l'époque moderne, où il offre une interprétation fascinante du Midrach.

Certains souffrent du fléau de la peau, ils sont mal à l'aise avec ce qu'ils sont et les conséquences des choix qu'ils font. D'autres souffrent de Négaé Bégadim, le fléau des vêtements, ne sachant pas à qui s'identifier. D'autres encore sont touchés par la plaie causée par les « murs de leur maison», la poursuite incessante des biens matériels.

Lorsque notre maison nous définit et que nous investissons du temps, des ressources, de l'énergie, des soins dans nos biens et des efforts pour être au même niveau que les autres, nous devenons affectés par les murs de notre maison. Notre maison introduit un fléau dans notre vie : la jalousie, l'anxiété, le stress, le conflit, l'arrogance, la compétitivité, et un attachement avec ce que nous possédons, non ce que nous vivons et ce que nous sommes.

Rabbi Mayer écrit : « La maison devient un "Néga", une affliction, lorsqu'elle devient une obsession, un idéal en soi qui vide l'énergie, les ressources et l'esprit d'un homme.» Il continue en décrivant comment après avoir souffert de la Tsara'at à la maison, nous finissons par trouver un Béssora Tova, un trésor. « Les "trésors" de la vie se trouvent parfois spécifiquement dans les ruines de la maison, le bâtiment matériel qui avait jusque-là supplanté la vie de l'homme et l'avait empêché d'accéder au bonheur et à la satisfaction. Les lois de Tsara'at Habayit nous mettent en garde de nous concentrer sur ce que nous faisons à la maison et non sur l'apparence de cette dernière, sur les valeurs qu'on y pratique plutôt que la valeur monétaire de son mobilier. Si nous cherchons les "trésors" de la vie, nous ne devons pas tourner notre regard vers les biens matériels, mais observer plus profondément, au-delà des murs superficiels, derrière les accessoires décoratifs et les articles de luxe qui sont incapables de procurer la satisfaction et la gratification que nous désirons.»

Le trésor que nous trouvons est la découverte que ce qui compte le plus n'est pas en réalité la taille ou la décoration somptueuse de notre maison, mais le foyer que nous avons édifié. Quels souvenirs y avons-nous formé ? Quelles relations avons-nous créées ? Quelles valeurs avons-nous transmises ?

Réfléchissez : le récit de la Torah de la sortie d'Egypte se réfère constamment au concept de Bayit, la maison. Le terme Bayit apparait dans la section décrivant Pessa'h pas moins de douze fois. Le nom même de la fête, Pessa'h, dérive du fait que Hachem est passé (Passa'h) au-dessus des maisons, les foyers des enfants d'Israël. La Torah met en parallèle le moment où Hachem a frappé les Égyptiens à celui où Il a sauvé les maisons juives. Même l'agneau pascal est désigné ainsi : Sé Léveth Avot, Sé Labayit : un agneau pour la maison de chaque père, un agneau pour toute la Bayit. Qu'est-ce qu'une Bayit et pourquoi joue-t-elle un rôle central ?

Le Rabbi de Tolna explique qu'un Bayit est un foyer, non une maison. Quelle est la différence entre une maison et un foyer ? Une maison est la structure matérielle dans laquelle je vis. Ce sont les briques, le mortier, le bois et le ciment qui forment la structure dans laquelle je vis et qui me protège des éléments. Le foyer, en revanche, n'est pas du tout matériel. Cela inclut les gens avec lesquels je vis, qui m'offrent une protection émotionnelle et spirituelle, et sur lesquels je peux m'appuyer en toutes circonstances. La Guémara nous révèle que Rabbi Yossi ne s'est jamais référé à son épouse par le terme Ichti (ma femme) mais plutôt Béti, mon foyer. Le 'Hizkouni explique que Batim, ou Bayit, se réfère aux enfants. Un foyer juif n'est jamais une question de quatre murs, d'un toit et du mobilier. Une Bayit consiste en une famille, et le dévouement de cette famille à suivre Hachem, à l'image des Juifs lorsqu'ils se rassemblèrent avec leurs familles pour consommer le sacrifice de Pessa'h ce soir-là.

Nulle coïncidence donc que les Bné Israël ont quitté l'Égypte et ont spécifiquement vécu dans des Soukot, des habitations temporaires, fragiles et non permanentes. En vivant dans des maisons de fortune, le peuple apprenait à s'identifier avec leur foyer et non leur maison. Ce dernier mois, et pendant une durée indéterminée de temps à l'avenir, nous avons été reclus chez nous. En cette période, nous avons certainement des raisons légitimes d'être préoccupés par la manière dont nous pourrons continuer à maintenir ce niveau de vie. Nous avons néanmoins, au cours de cette crise, découvert un trésor en nous rappelant qu'au final, ce qui importe, ce n'est pas notre maison, sa taille ou sa décoration, mais notre foyer, les proches, leur santé et bien-être, et les relations que nous chérissons.

Puissions-nous tous mériter un Bayit Nééman, un foyer fidèle et une bonne santé et assurer la pérennité de notre foyer.

Rabbi Efrem Goldberg