Ci-après, un droit de réponses quant aux réactions des internautes de Torah-Box quant à mon précédent article intitulé "Ma réflexion sur l’incendie de Notre-Dame de Paris", consultable ici : https://torahbox.com/Q6KR

Quand les événements et les implications ne sont pas claires – et ce n’est sûrement pas un incendie qui les éclaire ! – il devient impératif de s’expliquer à nouveau pour que l’obscurité ne les recouvre pas. L’incendie d’une église, en soi, ne concerne certainement pas le Judaïsme, pas plus que l’incendie d’une synagogue – ce qu’à D.ieu ne plaise – ne peut présenter d’intérêt particulier pour un non-juif. Il existe assurément un sentiment de regret de voir le bien d’autrui disparaître dans un incendie, pour qui éprouve une sympathie pour son prochain, et n’est pas trop égoïste. Mais dépassons ces banalités humanistes, ces politesses extérieures, lorsqu’il s’agit d’un domaine religieux qui suscite, par hypothèse, des affrontements, pour ne pas dire des hostilités. Le problème se corse, quand il s’agit d’un bien lié à un autodafé de volumes du Talmud (bien que ce ne soit pas précisément en ce site, mais place de l’Hôtel de Ville – de la Grève – qu’a eu lieu cette tragédie). Il y a donc, dans ce cas, de nombreuses raisons pour susciter l’émotion du public. Quand il a été l’un des instigateurs de la fondation à Paris en 1955 d’un centre talmudique – précisément nommé « Groupe Rabbi Yehiel, car c’était le nom du Rabbin de Paris à cette époque, il y a plus de 700 ans), M. Robert Sommer avait écrit un article intitulé « Paris la pécheresse doit devenir la repentante » (voir l’Arche de 1955).

Mais là où le bât blesse, c’est que nul ne peut s’auto-affirmer doué du don de « Roua’h Hakodèch » (« esprit saint ») et prétendre connaître les secrets de la Providence. Sachons, en chaque circonstance, toujours raison garder ! Ce n’est pas au fidèle d’exprimer un sentiment de triomphe, et de voir dans cet incendie une punition céleste. Laissons le Tout-Puissant intervenir dans l’Histoire, sans prétendre être Son porte-parole et certain de la signification des événements. Il importe, pour celui qui croit en une direction divine de l’Histoire, de ne pas toujours assurer ses sentiments sur ses analyses rationnelles. La vérité est difficile à atteindre. Dans le cas présent, il convient, de plus, de ne pas susciter ce que l’on appelle איבה – Eyvah – c’est-à-dire la haine. Notre époque, on le sait, est marquée par une recrudescence d’un antisémitisme primaire : n’essayons pas de l’éveiller, en exprimant un sentiment d’assurance ou de supériorité.

L’événement qui nous occupe aujourd’hui n’est, sans aucun doute, nullement le fait du hasard, car il a eu un écho considérable en France, et même bien au-delà. Cet écho témoigne, semble-t-il, d’une sorte d’éveil inconscient d’un besoin de relation avec une réalité transcendante. Ce n’est pas l’aspect idolâtrique qui est ici interpellé ; c’est plutôt le sentiment de vide, d’absence, qui interroge notre contemporain. Or, c’est cet aspect qui est inattendu et demande réflexion. L’absurde d’une existence vidée d’espoir, dépourvue de tout horizon surnaturel, semble avoir frappé les Parisiens, mais cela dépasse assurément le niveau anecdotique. C’est à partir de cette perspective que le croyant juif doit orienter sa réflexion : l’humanité prendra-t-elle conscience de son absence de foi ? Un personnage du livre de Roger Martin du Gard – Les Thibault – le professeur Philippe, apprenant que le jeune frère Thibault refuse, par principe, d’être soldat (car il est antimilitariste) s’exprime de la sorte : « Toute mystique est légitime, et peut-être nécessaire. L’humanité progresserait-elle sans mystique ? … A la base de toutes les modifications sociales, il a toujours fallu quelque aspiration religieuse vers l’absurde… C’est la foi qui donne à l’homme l’élan qu’il faut pour agir… » (Les Thibault, Tome IV, p. 329). L’incendie de leur symbole religieux réveillera-t-il une foi bien endormie chez les Français ? L’observateur juif, lui, ne peut que s’interroger : quelle est la signification de l’intervention de la Hachga’hah (providence divine) dans un événement assurément insolite ? La seule réponse est dans le verset du Livre du Deutéronome : « Les choses cachées appartiennent à l’Eternel notre D.ieu ; les choses révélées appartiennent à nous et à nos enfants à tout jamais, afin d’observer toutes les paroles de la Torah » (Deutéronome 29, 28). Chaque circonstance historique, comprise ou non, doit être considérée comme une étape nous encourageant dans notre pratique, et dans notre foi en l’avènement messianique.

(Il ne s’agit ici nullement, de notre part, d’un désir de magistère, d’une affirmation absolue du Judaïsme, mais de la réflexion modeste d’un croyant en l’éternité du message de la Torah.)