Rabbi ‘Akiva avait douze mille couples d’élèves, tous sont morts dans la même période, cela, car ils ne portaient pas de respect l’un envers l’autre. 

Parmi les gens que l’on côtoie, il y a ceux que l’on admire et que l’on apprécie : on leur montrera aisément de l’appréciation et on leur portera de l’honneur. Et puis, il y a les personnes que l’on a un intérêt à fréquenter et à connaitre : naturellement, ils comprendront l’importance qu’on leur accorde. Il y a encore ceux à qui on a affaire et avec qui nous sommes en désaccord ! Ceux là aussi bénéficient d’une bonne dose d’attention de notre part. N’est-on pas constamment en train de valoriser leur parole, lorsque nous essayons de faire valoir la nôtre devant eux !

Il y a fort à penser que les élèves de Rabbi ‘Akiva surent montrer de la déférence envers tous ceux-là. Même leurs désaccords et leurs discussions se déroulaient dans le respect et la cordialité. 

Mais parmi les gens que l’on côtoie, il y a aussi ceux que l’on ne côtoie pas, justement ! Celui ou celle qu’on croise, et dont on ne s’approche pas, que l’on évite. Pour mille et une raisons. 

Parce qu’il éveille en nous un sentiment qui dérange, parce que son attitude nous pose une question à laquelle nous ne sommes pas sûrs de pouvoir répondre ; parce qu’il est différent et que nous ne pensons pas pouvoir le comprendre, et du coup, être incapable de se lier à lui ou de le respecter ; ou parce qu’il est très loin de ce que nous sommes, de nos valeurs et que nous avons peur d’être engloutis dans cette immensité de différences. Ou bien l’évite-t-on parce qu’il nous ressemble trop, et là plus encore, nous avons peur d’être engloutis et de ne pas exister assez. Alors nous évitons, délaissant la rencontre que l’on aurait pu faire et que l’on ne fera pas, laissant sur notre chemin l’opportunité d’un enrichissement. 

Alors nous échouons à accorder à un autre la place qui lui revenait, la reconnaissance de son individualité, laissant manquantes l’union et la force que le groupe devait avoir. 

Saul est celui qui mène le groupe : entreprenant, positif, apprécié de tous. Actif dans son travail, il est encore plus la « star » dans sa communauté. Il n’est pourtant là que depuis 3 ans mais il est maintenant très impliqué. Mais c’est vrai remarque-t-il, il n’a jamais adressé plus qu’un Chabbat Chalom au discret secrétaire du Rav… 

Tout le monde à Beth Rahel attendait l’arrivée de la Mora Yéhoudit. Une réputation la précède de ses années passées à Nevé Or. Ce n’est que parce que sa famille a dû déménager à Ra'anana qu’elle a changé d’établissement. La très chaleureuse et talentueuse directrice, Mme Levy était ravie de l’avoir dans son équipe. Après trois mois à l’école, Mora Yéhoudit doit bien se rendre à l’évidence : elle ne reçoit pas les encouragements et l’attention que sa nouvelle directrice prodigue si généreusement aux autres professeurs. Mais pourquoi Madame Lévy ne la « regarde » pas ? 

Bien sûr, parmi nos cousins, il y a les Bénichou et il y a les Cohen ! Les Bénichou arrivent aux mariages à l’heure, après que les enfants aient fait leurs devoirs, et quittent la soirée assez tôt pour que la journée du lendemain ne soit pas entièrement gâchée. Le patron de Madame Bénichou ne remarquera pas que sa sœur s’est mariée cette semaine. Les Cohen eux, sont dans la fête trois jours avant et trois jours après, le contrôle de grammaire et le bilan comptable de la fin du trimestre pourront bien attendre ! Lorsque les cousines Cohen organisent une soirée-surprise pour la mariée, elles ont « oublié » de prévenir Edna, la grande des Bénichou… 

Plus ou moins triviaux, plus ou moins profonds fondamentaux et ancrés, ces éloignements sont des manquements. Les surmonter est un défi. C’est une reconnaissance de l’autre, mais aussi un enrichissement pour soi. C’est enfin une façon de vivre le Klal, la communauté d’une façon plus complète.

Au pied du Har Sinaï, le peuple se doit d’être un : il faut un travail de reconnaissance des autres pour pouvoir dire que l’on fait UN ! C’est un chemin qu’il faut faire, quarante-neuf marches à gravir, l’invitation est lancée !