Bonjour Rav,
Que devons-nous penser des nouvelles "influenceuses" (personnes avec un profil public sur les réseaux sociaux dont le but est de générer beaucoup de clics sur leurs vidéos) juives qui se multiplient sur les réseaux sociaux ?
C'est sûrement une pratique qui part d'une bonne intention, mais est-ce en accord avec les principes de la Tsniout (pudeur) quand une jeune fille (ou une femme mariée avec des enfants) montre ses tenues et raconte ses vacances à la vue de tous ?
Je ne sais pas vraiment quoi en penser, car certes elles donnent sûrement envie à de nombreuses femmes de se renforcer dans la Tsniout en montrant leurs tenues, mais il y a aussi des hommes qui regardent.
Merci pour votre réponse.
Chalom Ouvrakha,
Il est certain que beaucoup de ces jeunes femmes partent d’une intention sincère : partager leur cheminement, montrer que la Tsni'out peut être vécue avec beauté, élégance et joie. De ce point de vue, elles cherchent à renforcer d’autres femmes dans leur pratique, ce qui est en soi une démarche noble.
Cependant, la Tsni'out ne se limite pas aux vêtements. C’est une approche globale de la vie : discrétion, retenue, pudeur dans la manière de parler, d’apparaître et de se mettre en avant.
Un compte public, exposé à des milliers de regards (y compris masculins), même animé d’un objectif spirituel, place malgré tout celle qui publie dans une posture de mise en scène et d’attraction – ce qui peut entrer en contradiction avec l’esprit profond de la Tsni'out. Vous l’avez souligné : ce contenu n’est pas uniquement vu par des femmes, mais aussi par des hommes. Même si l’intention est de s’adresser à un public féminin, les réseaux sociaux restent un espace ouvert et incontrôlable. Cela pose une difficulté halakhique et morale, car cela peut engendrer des regards inappropriés.
Le Ben Ich 'Haï, dans son ouvrage Rav Brakhot (lettre Tsadik, p. 167), déconseillait déjà à son époque aux femmes de se faire photographier, de peur que leurs images soient regardées par des hommes avec de mauvaises pensées.
Il existe peut-être des moyens plus conformes à l’esprit de la Tsni'out pour transmettre ces messages :
- des groupes privés réservés aux femmes, accessibles uniquement par inscription ou mot de passe ;
- des cours, des ateliers ou éventuellement des podcasts audio (même si, selon certains avis, cela reste à évaluer au cas par cas) ;
- la mise en avant de concepts et de valeurs, plutôt que d’images personnelles.
Il faut toutefois préciser que certaines Rabbaniot ont posé la question directement aux Grands de la génération, et que ces derniers leur ont parfois permis de se faire filmer. Mais il s’agit là d’autorisations exceptionnelles, accordées au cas par cas, et qui ne peuvent être tranchées que par un grand Sage de la génération.
Conclusion :
Ces initiatives partent souvent d’un bon cœur et peuvent avoir un impact positif pour certaines femmes. Mais elles comportent aussi de réelles limites au regard de la Tsni'out, car l’exposition publique et l’influence numérique mettent en avant la personne plutôt que la Mitsva, et s’adressent malgré elles à un public mixte.
Il conviendrait donc de freiner, voire de stopper, ce phénomène. Car en voulant à tout prix transmettre la beauté de notre Torah, on risque de se perdre et de s’oublier. Comme l’écrivait le Kouzari (I, 1) : "Nos pensées sont bonnes, mais nos actes ne le sont pas toujours".
Comme toujours, il s’agit de trouver un équilibre : diffuser la beauté de la Torah, oui - mais dans le respect de l’esprit de discrétion qui est au cœur de la Tsni'out.
Kol Touv.