Comme chacun le sait, Paris a été confronté le 13 novembre à une vague d’attentats sans précédent qui a plongé la France dans une angoisse profonde. Face à cette inquiétude légitime, les réactions ont été nombreuses, mais il en est une qui s’est imposée par sa popularité, aussi bien dans les réseaux sociaux que dans les dédicaces manuscrites. Il s’agit de la devise « Pray for Paris ».

Ce mot d’ordre a de quoi surprendre, surtout en France, pays réputé dans le concert des nations pour son attachement au fameux principe de laïcité qui, dans le meilleur des cas, confine le fait religieux dans la sphère privée, lorsqu’il ne jette pas un soupçon d’obscurantisme sur l’ensemble des fidèles.

Or, en présence d’une douleur aussi vive que celle que la France ressent aujourd’hui, devant un désarroi aussi puissant sur son avenir et un sentiment d’absence radicale de sens, la société civile semble avoir poussé un cri du cœur : « Pray for Paris », priez pour Paris.

Evidemment, on pourrait considérer qu’il ne s’agit que d’une formule poétique afin d’appeler les hommes à communier et partager de bons sentiments autour de la capitale meurtrie, ni plus ni moins. Mais à nos yeux, il est possible d’aller plus loin.

En effet, la Paracha Tolédot, celle qui a été lue précisément quelques heures après les attentats, évoqua notamment le cri perçant poussé par Essav et ses larmes lorsqu’il se rendit compte que la bénédiction de son père lui avait échappé. Or, une réaction aussi intense est étonnante dans la mesure où Essav n’avait jamais semblé avoir prêté une grande attention à sa spiritualité, aussi bien lorsqu’il échangea son droit d’aînesse pour un plat de lentilles qu’à travers ses mœurs et son comportement quotidien.

Pourtant, ici, il semble ressentir qu’une chose essentielle risque de lui échapper (R. I. Bendavid), et qu’il s’agit d’une perte irrémédiable. Il ne peut donc s’y résoudre et s’attache de manière vitale à la bénédiction de son père.

Ce cri vient probablement témoigner que même si l’homme abandonne la religion, ce n’est pas réciproque. Il y a toujours une étincelle, même infime et parfois bien enfouie, qui maintient l’homme dans sa relation avec D.ieu.

Le Midrach rapporte ainsi deux exemples : Yossef Méchita d’une part et le neveu de Yossi ben Yoézer Ich Tséréda d’autre part, qui décideront de faire une Téchouva complète suite à un sentiment très fort d’absence de sens et de vide spirituel dans leur vie.

Aussi peut-on avancer l’idée que lorsque l’homme est ébranlé, que ses certitudes chavirent et qu’il se sent en proie à une grande impuissance, sa carapace intérieure se fissure pour laisser émerger l’étincelle divine qui habite chacun d’entre nous. Voici peut-être l’une des raisons inconscientes qui amène les hommes à scander « Pray for Paris ».

Ce slogan va-t-il demeurer un vœu pieux éphémère ou bien sera-t-il le prélude à une plus grande spiritualité de notre société ? L’avenir nous le dira. La Paracha Vayétsé, que nous venons de lire, nous met en garde contre les élans spirituels sans lendemain. En effet, après avoir reçu la vision de D.ieu en rêve et s’être rapproché de Yaakov, la Torah mentionne que Lavan retourna dans son « lieu » (Vayachov Limkomo), c’est-à-dire qu’il retourna dans son monde et son univers vers ses anciennes habitudes, tandis que Yaakov, lui, poursuivait son chemin spirituel (Halakh Lédarko) toujours en ascension.

A présent, il nous appartient, à l’instar de notre ancêtre Yaakov, de poursuivre nous aussi notre chemin spirituel et, particulièrement en ces temps difficiles, de nous renforcer dans la Torah, les Mitsvot et les actes de ‘Hessed.

Ainsi, nous pourrons assumer pleinement notre vocation d’être un phare parmi les nations, ou tout au moins allumer une bougie dans l’obscurité afin de permettre à la lumière de prendre le pas sur les ténèbres, notamment en ces jours proches de ‘Hanouka.

De cette manière, nous pourrons nous rapprocher, avec l’aide d’Hachem, des mots du prophète Tséfania (3.9) : « Et alors je gratifierai les peuples d'une langue épurée, pour que tous invoquent le nom de l'Eternel et L'adorent d'un cœur unanime ».