Dans la parachat Kora'h, c'est écrit : « Il [Moché] parla à Kora’h et à toute sa faction en ces termes : "Au matin, Hachem fera savoir qui est digne de lui, qui est le saint qu’Il admet auprès de Lui ; celui qu’Il choisira, Il le rapprochera de Lui. Faites ceci : munissez-vous d’encensoirs, Kora’h et tout son parti ; mettez-y du feu et remplissez-les de parfum, devant Hachem, demain. Or l’homme que distinguera Hachem, c’est celui-là qui est saint. Assez donc, enfants de Lévi !" » (Bamidbar, 16:5-7)

Rachi explique, sur les mots : « Assez donc, enfants de Lévi » : Je vous ai parlé d’un sujet important. N’étaient-ils pas stupides d’entreprendre d’approcher [l’encens] alors que Moché les avait avertis de la sorte ?! En réalité, ils fautèrent avec leurs âmes.

Dans la rébellion de Kora’h contre Moché Rabbénou, on comptait deux cent cinquante illustres hommes. Rachi, rapportant un Midrach Tan’houma, se demande ce qui les motiva à entreprendre une révolte si insensée contre Moché. Il souligne qu’ils n’étaient pas idiots, mais qu’ils fautèrent avec leurs âmes. Les commentateurs peinent à comprendre en quoi cela répond à la question initiale concernant leur motivation à la rébellion. Et puis que signifie « ils fautèrent avec leurs âmes » ?

La Natsiv zatsal explique que les intentions des deux cent cinquante hommes étaient totalement différentes de celles de Kora’h, Datan et Aviram. Ces derniers étaient poussés par la jalousie et par un désir de pouvoir, tandis que leurs partisans avaient essentiellement des intentions « louables ». Ils souhaitaient se rapprocher d’Hachem en participant au service des Kohanim. Ils savaient qu’ils allaient mourir à cause de cela, mais étaient prêts à risquer leurs vies pour atteindre cette « proximité » avec Hachem. La Natsiv ajoute qu’ils n’avaient pas de réelles plaintes contre Moché et Aharon, mais ils savaient que la seule manière de parvenir à effectuer le service sacerdotal était de se joindre à la rébellion de Kora’h. Puisque leurs motivations, bien que clairement fourvoyées, étaient Léchem Chamaïm (en l’honneur d’Hachem), ils eurent une mort plus digne ; ils furent tués par un feu saint[1].

« Ils fautèrent avec leurs âmes » : cela signifie qu’ils agirent de plein gré contre la volonté d’Hachem pour se rapprocher de Lui, tout en sachant qu’ils mourraient en conséquence.[2]

Évidemment, malgré leurs nobles intentions, ces deux cent cinquante hommes firent une terrible erreur en voulant se rapprocher d’Hachem. Ils ne réalisèrent pas que la seule façon de se lier à Hachem est d’accomplir Sa volonté, et non de faire ce que l’on croit être un moyen de rapprochement, mais qui va en réalité à l’encontre de la Torah.

Le Natsiv, dans Parachat Chéla’h Lékha écrit que l’approche de cette assemblée constituait une transgression de l’interdit : « Ne suivez pas votre cœur et vos yeux ». Il explique que ce commandement inclut le fait de créer des nouvelles « Mitsvot » ou des moyens hardis de se lier à Hachem alors que cette action est en fait une faute[3].

En quoi cette leçon est-elle pertinente dans nos vies ? Parfois, certaines personnes sont élevées à un niveau supérieur au nôtre. Il nous faut alors réaliser que bien que chacun soit censé faire le maximum d’efforts pour s’élever dans la spiritualité, si la Providence juge que nous ne méritons pas ces titres, cela signifie que l’on n’en a pas besoin pour se rapprocher d’Hachem. De manière plus générale, ceci nous rappelle que le lien entre Hachem et chaque individu est unique et que chacun est doté des capacités et est placé dans les situations qui lui conviennent parfaitement pour optimiser cette relation.

Cette idée est illustrée par l’histoire suivante, concernant deux grands Baalé Moussar : Rav Naftali Amsterdam zatsal dit une fois à son maître, Rav Israël Salanter zatsal : « Si seulement j’avais la tête du Chaagat Arié[4], le cœur du Yessod Véchorech Haavoda[5] et les Midot (qualités) du Rabbi (faisant référence à Rav Salanter), je pourrais être un bon Oved Hachem (serviteur de D.). » Rav Israël lui répondit : « Naftali, avec ta tête, ton cœur et tes Midot, tu peux être un réel Oved Hachem ! »[6]

Puissions-nous tous mériter de prendre leçon des propos de Rav Israël et de servir Hachem de la meilleure façon possible – chacun selon sa nature.



[1] Leur mort ressemblait à celle de Nadav et Avihou, qui eurent de nobles motivations.

[2] Émek Davar, Bamidbar, 16:1

[3] Émek Davar, Bamidbar, 15:41. Il explique que de tels actes sont appelés « Avérot Lichma » (fautes commises avec de bonnes intentions). Il est généralement interdit de faire une telle Avéra, mais en de rares occasions, certains illustres personnages durent, contre leur gré, commettre des « Avérot Lichma » et furent approuvés – il cite les exemples de Tamar et de Yaël.

[4] Un génie en Torah.

[5] Un grand Tsadik, célèbre pour sa Avodat Hachem enflammée et pleine d’émotions.

[6] Propos entendus de Rav Acher Balanson.