La Paracha Nasso nous dit : « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : "Si un homme ou une femme se sépare pour faire vœu d’être abstème, voulant s’abstenir en l’honneur d’Hachem…" » (Bamidbar, 6 : 2)

Rachi explique sur les mots « Si un homme… se sépare » : Pourquoi le chapitre du nazir suit-il celui de la sotah ? Cela vient nous apprendre que celui qui voit une sotah au moment de sa disgrâce, doit prendre sur lui de s’abstenir de vin [en devenant nazir], car le vin conduit à l’adultère.

Les commentateurs soulèvent une difficulté concernant la guemara[1] rapportée par Rachi. Pourquoi un serment de nézirout est-il nécessaire pour être plus vigilant ; le fait même de voir la mort de la sotah devrait suffire à motiver l’individu de s’éloigner de tout ce qui l’inciterait à se livrer à la débauche ?[2]

Le rav Yossef Leib Bloch zatsal[3] propose une réponse intéressante à cette question. Il pense que le fait de voir la sotah peut avoir un effet délétère. En effet, tout en assistant à ce terrible déshonneur, nos yeux voient une personne qui a commis une grave faute.

Le yétser hara est si fort, qu’il peut inciter à ignorer la dégradation que le péché a entraînée et à se concentrer plutôt sur la faute commise et sur le désir qui l’a provoquée. La triste histoire suivante illustre ce point. Le fils d’un ivrogne invétéré emmena celui-ci voir un autre buveur complètement aviné, couché dans la rue. Mais au lieu d’éveiller en son père le désir de changer, ce dernier alla demander à l’ivrogne où il s’était procuré cet alcool !

À cause de ce penchant puissant et dangereux, celui qui voit la sotah doit prendre un engagement supplémentaire pour éviter d’être entraîné par la faute.

 

Il nous faut encore comprendre comment le simple fait de voir la sotah peut avoir un tel effet. Le rav Elya Méir Bloch zatsal, le fils de rav Yossef Leib, expliquait en rapportant la guemara dans méguila qui affirme qu’il est interdit de regarder le visage d’un homme mauvais[4]. En effet, un simple regard s’imprime dans l’âme de la personne et laisse une marque indélébile. Le Ran dit aussi que cette empreinte l’accompagne éternellement[5]. Ainsi, le fait de voir une personne mécréante ou mauvaise peut avoir une conséquence négative sur le niveau spirituel de l’individu[6].

Le même principe s’applique d'un point de vue positif ; le fait de voir des personnes vertueuses ou des objets saints peut avoir un effet très bénéfique sur l’homme. Ceci est exprimé dans la guemara de Erouvin où Rabbi Yéhouda HaNassi explique pourquoi il a mérité d’atteindre un niveau plus élevé que ses contemporains ; il eut une fois le mérite de voir l’illustre Rabbi Méir de dos. Il ajoute que s’il avait vu le visage de ce dernier, il aurait été encore plus grand.[7]

Aussi, ‘Hazal affirment que Yaacov Avinou sut, en voyant son fils Yossef après leur longue séparation, que celui-ci n’avait pas trébuché en regardant des images interdites. Comment le savait-il ? Il put voir, au comportement de Yossef que ce dernier n’avait pas commis de faute avec ses yeux – si tel avait été le cas, Yaacov aurait vu la marque de ces spectacles sur son fils. Voici une preuve supplémentaire que ce que l’on voit nous affecte de manière permanente.

 

Le commentaire de rav Bloch a de nombreuses incidences dans nos vies. L’enseignement le plus évident est que le fait de préserver nos yeux de toute souillure est d’une importance capitale quant à notre niveau de kedoucha.

Notons également que même les choses qu’il n’est pas nécessairement interdit de regarder peuvent causer un grand dommage à notre bien-être spirituel. Prenons l’exemple du bombardement d’images violentes que propose le monde laïc. Des statistiques montrent qu’à l’âge de l’adolescent, un individu a déjà vu en moyenne plus de mille meurtres dans les divers médias. Le fait d’être exposé à des images si malsaines affecte certainement sa sensibilité à la violence.

Le rav Chimchon Pinkous zatsal soulève un point supplémentaire, quelque peu surprenant. Il estime que les femmes doivent aussi s’abstenir de regarder des images indécentes. On aurait pu penser que ce n’est pas problématique pour elles puisqu’elles ont le droit de voir une autre femme mal habillée. Pourtant, il écrit que cela provoque un grand préjudice à leur âme. Ceci, car ces images pénètrent dans leur essence.

Il écrit, en outre, que les femmes sont plus influencées par ce qu’elles voient que les hommes.[8] C’est pourquoi une femme doit également faire attention à ce qu’elle regarde.

 

Pour conclure sur une note positive, le regard peut aussi être utilisé pour nous faire grandir. Par exemple, le fait de regarder ses tsitsith, des livres saints, des synagogues ou des maisons d’étude, la lettre chin sur les tefillin que l’on pose sur la tête et, comme nous l’avons précisé plus haut, le fait d’observer des tsadikim[9].

Puissions-nous tous mériter de sanctifier nos yeux et d’atteindre ainsi une plus grande proximité avec Hachem.



[1] Sotah, 2a.

[2] Voir Michoul’han Gavoa, Bamidbar, p. 37-38.

[3] Roch Yéchiva de Telz.

[4] Méguila, 28a.

[5] Rapporté dans Véaer Enénou, p. 64.

[6] La techouva peut certainement éradiquer l’effet négatif provoqué par des images interdites.

[7] Érouvin, 13b.

[8] Introduction à son livre destine aux femmes, Néfech ‘Haya.

[9] Véaer Enénou, p. 72-73.