« Parce que tu n’auras pas servi Hachem, ton D.ieu, avec joie et bonté du cœur, [alors que tu jouissais] de l’abondance de tout. » (Dévarim, 28:47)

La Torah décrit les terribles malédictions qui s’abattront sur le peuple juif, s’il n’accomplit pas la volonté divine. Elle donne ensuite la raison de ces sévères sanctions ; c’est parce que la nation n’a pas servi Hachem avec joie. Le Ramban[1] écrit que les Klalot (malédictions) de cette Paracha correspondent à la destruction du deuxième Temple et à l’exil qui s’ensuivit. Rav Issakhar Frand pose une question intéressante. Comme nous le savons, ’Hazal[2] affirment que le deuxième Beth Hamikdach fut détruit à cause de la haine gratuite, d’où la contradiction – si la Torah affirme elle-même que le Temple fut détruit à cause d’un manque de joie dans le service divin, comment la Guémara peut-elle soutenir que ce fut à cause de la haine gratuite ?

Le Michmar Haléviim[3] rapporte l’explication du Rav Yé’hezkel Avrahamsky. La Guémara[4] affirme que les Talmidé ’Hakhamim augmentent la paix dans le monde. Les commentateurs demandent pourquoi : Rav Avrahamsky explique qu’un Talmid ’Hakham ne se suffit pas d’accumuler beaucoup de connaissances en Torah, mais il est en paix avec lui-même, il est satisfait de ce qu’il accomplit. Par conséquent, il apprécie ce qui est réellement important et n’accorde aucune valeur à ce qui n’entre pas dans le domaine spirituel. Il n’a donc jamais de raison d’être jaloux des autres à cause de leur succès matériel. De ce fait, il parvient à éviter la Ma’hloket et est en paix avec tout le monde. C’est la raison pour laquelle les Talmidé ’Hakhamim augmentent la paix dans le monde.

Avec cette explication, nous pouvons résoudre la contradiction des deux raisons données à la destruction du second Temple. La Torah a donné la cause originelle de la destruction – le manque de joie dans la pratique des Mitsvot. Cette négativité envahissante entraina la haine gratuite qui fut la cause immédiate de la destruction. Quand on manque de joie dans la spiritualité, on est davantage intéressé par les plaisirs éphémères comme l’honneur, le pouvoir, l’argent et le luxe et l’on risque alors fortement de nourrir de mauvais sentiments à l’égard d’autrui, car celui-ci menace l’accès à ces « valeurs ». Par exemple, si quelqu’un désire les honneurs, il risque de jalouser celui qui en reçoit plus que lui et cette convoitise provoquera la haine. Ainsi, un manque de satisfaction spirituelle dans la vie aura beaucoup plus tendance à développer des sentiments de haine. La Sinat ’Hinam qui ravagea le peuple provenait donc d’un manque de joie véritable dans le domaine spirituel. Quant aux Talmidé ’Hakhamim, ils respirent la paix et la répandent, parce qu’ils sont satisfaits de leur observance de la Torah et sont au-dessus de ces soucis mondains.

L’histoire suivante illustre bien cette idée. Rav Elazar Gordon était le Rav et le Roch Yéchiva de la ville de Telshe. Quand il décéda, ses proches voulurent lui trouver un successeur au plus vite. Il avait deux gendres, tous deux dignes de prendre sa suite. Le plus âgé s’appelait Rav Zalman Sorotskin – auteur du Oznaïm Latorah, éminent Talmid ’Hakham – et le plus jeune gendre était Rav Yossef Leib Bloch, également érudit exceptionnel, qui pouvait admirablement remplacer son beau-père. Il fut convenu que Rav Sorotskin serait choisi, car il était le plus âgé.

Mais quand ce dernier sentit qu’il y avait un risque quelconque que ce choix puisse mener à une Ma’hloket, il décida de s’installer en Erets Israël avec sa famille. Ainsi, Rav Bloch serait incontestablement nommé à ce poste. Pour s’assurer que son beau-frère prenne la suite, il demanda à sa femme de rassembler le maximum de signatures sur un texte de pétition des habitants de la ville attestant qu’ils souhaitaient que Rav Bloch soit Rav et Roch Yéchiva de la ville.

Cette histoire extraordinaire montre un parfait exemple de l’indifférence du Talmid ’Hakham pour les honneurs, ce qui lui permet de fuir la Ma’hloket. Celui qui désire les honneurs ne sera jamais capable d’y renoncer pour préserver la paix et malheureusement, de nombreuses disputes dévastatrices éclatèrent quand le désir des honneurs outrepassait la conscience des dommages causés par la Ma’hloket.

Puissions-nous mériter de trouver la joie dans la pratique des Mitsvot et de profiter des fruits de la paix qui émaneront de cette joie.

 

[1] Vayikra, 26:16. Il écrit que les malédictions présentes dans la Paracha de Bé’houkotaï correspondent à la destruction du premier Beth Hamikdach.

[2] Yoma 9b.

[3] Dh: Oubébiour.

[4] Brakhot 64a.