Mitterrand a dit d’elle qu’elle avait le regard de Caligula.
On sourit.
Le président des Français, lâche et condescendant aussi bien en politique que dans sa vie privée, pouvait bien ricaner de son homologue anglaise, qui, elle, dirigea son pays avec fermeté et droiture.
Les Anglais, qui n’ont jamais craint les femmes à poigne — habitués sans doute au défilé de reines toutes-puissantes qui les gouvernèrent au fil de l’Histoire — éliront donc en 1979, pour la première fois en Europe de l'Ouest, une femme à la tête de leur nation.
Et quelle femme !
Née en 1925, Margaret Thatcher grandit au-dessus de l’épicerie de ses parents, Alfred et Beatrice Roberts, dans un milieu modeste et profondément croyant.
Durant les années sombres précédant la Seconde Guerre mondiale, les Roberts accueillirent chez eux une adolescente juive autrichienne fuyant le nazisme.
Margaret, âgée alors de 13 ans, comprit à travers ce geste de pure compassion, que les valeurs exceptionnelles de sa maison se traduisaient par des actes concrets.
Devenue députée en 1959 pour la circonscription de Finchley, quartier londonien à forte population juive, elle découvrit une communauté à la fois fidèle à ses traditions et profondément investie dans la vie civique.
« J’ai appris à Finchley ce qu’était une vraie communauté », dira-t-elle plus tard.
Ses premiers soutiens politiques furent d’ailleurs, pour la plupart, des électeurs juifs, séduits par sa rigueur, son franc-parler et son sens du devoir.
Dans un discours devant le Board of Deputies of British Jews, elle rendit hommage à la sagesse du judaïsme :
« Le peuple juif nous a tant appris. C’est votre foi qui a dit la première : “Aime ton prochain comme toi-même”. C’est votre foi qui nous enseigne que, comme individus et comme nations, nous sommes responsables de nos actes. »
Son respect pour l’éducation juive allait de pair avec son admiration pour la persévérance et la solidarité du peuple d’Israël. Elle aimait répéter :
« Les Juifs ont compris que la faculté d’apprentissage est la condition suprême de la survie. »
Alliée d’Israël, Thatcher soutint avec constance le droit d’Israël à la sécurité :
« Israël ne doit jamais être contraint de mettre en péril sa sécurité. »
Même si elle eut des différents avec Shamir ou Begin, sous son mandat, le Royaume-Uni entretint une coopération technologique et militaire étroite avec l’État hébreu.
Sa sympathie pour Israël était en fait morale avant d'être politique.
De Fer et de Foi
En économie comme en morale, Margaret Thatcher défendait une même idée : la liberté ne peut exister sans responsabilité.
Elle croyait au travail, à l’effort personnel et combattait toute forme d'assistanat et de dépendance à l'État.
Sa foi en la responsabilité, héritée de son éducation, rejoignait selon elle la philosophie juive : chaque individu, disait-elle, doit rendre des comptes devant D.ieu de ce qu’il fait de sa liberté.
Cette position, bien sûr très peu démagogue, lui valut des trombes de détracteurs aux cotés d'admirateurs inconditionnels.

Madame le Premier ministre afficha à de nombreuses reprises dans ses discours sa profonde admiration pour la loi du peuple hébreu.
Certaines de ses phrases sont restées célèbres :
« Le judaïsme est la colonne vertébrale morale de la civilisation occidentale. »
Elle admirait la force d’un peuple qui, à travers l’exil, a su préserver ses valeurs, son identité et son attachement à la Torah.
Lorsqu’elle s’éteint en 2013, à 87 ans, celle qui dirigea l’Angleterre durant plus de onze années, réélue sur trois mandats (record inégalé en Europe !!), reçut du Jewish Chronicle cet hommage :
« L’amie la plus fidèle que la communauté juive ait jamais eue au 10 Downing Street s'en est allée. »
Margaret Thatcher restera pour beaucoup la Dame de fer de la politique britannique. Mais pour d’autres, elle fut surtout une Dame de foi, convaincue que la grandeur d’une nation ne se mesure pas à sa puissance, mais à sa fidélité à la morale.
Combien elle nous manque aujourd’hui, alors que la mollesse politique et l’incapacité à tenir fermement le gouvernail de la démocratie sont devenues le triste apanage de nos dirigeants européens.






