Une expression très usitée en Israël dit : « Ce que l’on voit d’ici, on ne le voit pas de là ».
Autre perspective, autre prisme, autre angle de vue, et soudain, une même personnalité peut être encensée ici et honnie là-bas.
Mikhaïl Gorbatchev, qui recevra le prix Nobel de la Paix en 1990, chouchou de l’Occident pour sa tentative d’ouvrir la Russie à une semi-démocratie, sera détesté chez les siens, qui verront en lui le démolisseur de leur mère patrie.
Il sera en effet, pour ses détracteurs, celui qui aura signé, par ses réformes, l'arrêt de mort de l’ancienne Union soviétique, lui aura fait perdre sa place de superpuissance aux côtés des USA et sa force de dissuasion.
C’est un fait : la fonte soudaine du bloc de glace soviétique engendrera des répercussions monumentales, au niveau régional, mondial et également « moyen-oriental » : car par ricochet, Israël accusera elle aussi les ondes de choc de la décongélation de l’URSS.
Un pays à bout de souffle
Gorbatchev, fils de paysan du Caucase, deviendra secrétaire général du Parti Communiste à 54 ans, conscient de recevoir un pays économiquement à bout de souffle, exsangue de sa course à l’armement contre l’Amérique, qu’il n’arrive plus à concurrencer.
Le président russe, diplômé en droit de l’université de Moscou, a été fréquemment en contact avec l’autre côté du rideau de fer, lors de nombreux voyages, et ne croit plus qu’un régime autoritaire et dictatorial puisse être viable à long terme.
Muni de sa faucille et de son marteau, il effectuera des travaux de rénovation et des opérations chirurgicales de première urgence dans ce pays enlisé dans une inertie économique totale et asphyxié à force de fermeture aux influences extérieures.
Mais l’apport d’air trop brutal, va faire succomber l’agonisant.
Le Géant russe s’effondrera en quelques années.
L’héritage juif de Gorbatchev
Pendant des décennies, les Juifs soviétiques, souvent appelés refuzniks, étaient privés de liberté religieuse et interdits d’émigration. Avec Gorbatchev, le verrou saute. Les synagogues rouvrent et l’étude de la Torah reprend timidement.
Entre 1989 et les années 2000, près d’un million (!!!) de Juifs soviétiques quittent la Russie et ses républiques pour rejoindre Israël.
C’est peut-être la plus grande vague migratoire de l’histoire des Hébreux… après la sortie d’Égypte !
Elle transforme profondément la société israélienne : scientifiques, médecins, ingénieurs, musiciens, écrivains viennent grossir les rangs d’un État jeune (âgé de 40 ans à peine) et avide de talents dans tous les domaines.
Grâce à eux, Israël connaît un bond technologique et culturel spectaculaire. Les universités et l’industrie high-tech profitent de leur savoir-faire.
La musique classique, la littérature (et même la politique !) s’enorgueillissent de cette nouvelle aliyah.
Nathan Shcharansky, le célèbre mathématicien refuznik, deviendra ministre de l’Alya.
Les ombres au tableau
Mais l’héritage n’est pas sans zones grises. Selon la halakha, la loi juive, tous les nouveaux venus ne sont pas juifs, loin de là : le statut de familles mixtes et des conjoints non juifs soulèvent en Israël des débats complexes sur la « Loi du Retour » et les conversions.
Du côté des nouveaux émigrants, beaucoup, malgré leurs diplômes, n’ont pas trouvé d’emploi à la hauteur de leurs qualifications.
Le cliché du médecin devenu chauffeur de taxi est une réalité. D’ailleurs, un pourcentage non négligeable de cette émigration (environ 8 %), déçus, mal intégrés, ont quitté Israël, pour les USA ou l’Europe.
« Let those people go !! »
Mikhaïl Gorbatchev restera un paradoxe : s’extrayant courageusement de sa conque idéologique et osant le changement, il sera perçu comme un héros en Occident, incarnant cette quête de liberté humaniste si chère aux européens. Il sera célébré par eux comme l’homme qui a mis fin à la guerre froide et libéré des peuples entiers du joug soviétique.
Mais nul n’est prophète en son pays : en Russie, chez lui, il sera accusé d’avoir provoqué l’effondrement de l’URSS et causé le chaos des années 1990.
Pour Israël, en tous les cas, il fait figure de libérateur indirect des juifs de Russie, ayant permis à des centaines de milliers de familles de reconstruire leur vie en Terre Sainte.
Avec certains bémols…
Il n’y a qu’au Bolchoï que la chorégraphie est parfaite.





