Netanya, vous connaissez. 

Pas besoin de faire les présentations : son Kikar, son bord de mer, sa Re’hov Gad Machness, sa Sironit Beach, son boulevard Nitza. 

Et bien justement, au bout de cette belle artère, bordée d’une promenade verdoyante qui longe la mer, s’étend un terrain vague, de sable et de gravats, comme laissé à l’abandon. 

Cet espace étrange, servant occasionnellement de parking, est en friche depuis des décennies. Il est d’autant plus anachronique qu’il surgit après un enchaînement d’hôtels et d’immeubles locatifs très luxueux. Au prix du mètre carré de l’endroit, on comprend mal comment la mairie de Netanya, soucieuse d’un paraître flatteur, ne s’en est pas occupée, et comment les promoteurs immobiliers ne se sont pas rués dessus. 

 

Netanya, vous connaissez.  Pas besoin de faire les présentations

Ce terrain fait, à tout casser, 50 mètres carrés, au-delà desquels on entre dans le quartier orthodoxe de Tsanz, fondé dans les années 60 par le saint Klausenburger Rebbe. 


Hier, en passant en voiture devant cette énigme à ciel ouvert, j’ai compris. 

On ne peut pas passer de « Netanya la fêtarde », la laïque, la bonne vivante, assise indolemment au café, à « Netanya la hassidique », sans transition. 

On ne peut pas coller ensemble, balcon à balcon, la femme étendant son maillot de bain sur ses cordes à linge avec la hassidat Tsanz, toute de foncé vêtue, faisant sa spongia avant Chabbath. 

Se serait un choc culturel pour toutes les deux. 

Ce No Man’s Land sert donc d’espace-tampon séparant deux conceptions très différentes mais qui, comme elles se frôlent géographiquement, ont besoin d’une zone neutre pour parvenir à cohabiter.

Ce terrain vague, laissé là sciemment, fait parfaitement l’affaire, et vraisemblablement personne n’y touchera. 


Si je gagne un jour le droit de construire sur ce chantier à l’abandon (on peut rêver), je me réserve le penthouse du 8ᵉ étage. Pas pour investir et le revendre 4 fois le prix, mais bien pour y habiter. 

Car lorsque je sortirai sur ma terrasse, face à la mer, à cet endroit hautement stratégique et symbolique, je verrai alors sur ma gauche ce que je fus : « Netanya la plage », la « liberté », le farniente de l’été, et sur ma droite, en faisant un léger mouvement de tête, j’observerai ce que je voulus être : Netanya la pieuse et la fervente, sérieuse et concentrée sur le sens de la vie. 

Et moi, je me tiendrais exactement au milieu de ces deux tangentes. Je me glisserais dans cette enclave, faite à ma mesure, et dans cette parenthèse entre deux mondes, je trouverais ma place.

 

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Car je ne vais pas me mentir à moi-même et me raconter que les cheveux au vent, le sable sur la peau dorée, la bande-son des musiques aimées qui accompagnaient chaque vacances me répugnent. Faux. 

Ce fut moi. Mais je ne suis plus là-bas. 

D’un autre côté, je ne vais pas me forcer à tout prix à aimer des us et des  comportements qui me sont étrangers, simplement parce qu'on a étiqueté dessus, -souvent arbitrairement-, le qualificatif de « religieux ». 

Je me tiens donc au milieu, sur ce terrain vague, encore en recherche d’équilibre même après des décennies de Techouva (les grandes constructions prennent du temps!), ayant donné à mes enfants le mieux de ce que je pouvais, erreurs et grandeurs incluses dans le package.


Dans ma résidence, il y aura bien sûr des voisins. Comme cette ex-barmaid, spécialiste jadis des Mojitos et des Piña Coladas, mignonne à croquer, avec son couvre-chef noué à la pirate, habitant là avec son mari et leurs 5 enfants.

Revenue au judaïsme, elle aussi aura besoin de mon immeuble pour s’épanouir dans ce qu’elle est. Son don à fignoler des cocktails, elle l’utilisera pour faire à ses enfants des mélanges santé avec son Ninja, et sa passion de la vie nocturne, depuis longtemps, elle l’aura troquée pour une bonne nuit de sommeil.

Au troisième, il y aura la famille de Yaron, ex-coiffeur pour dames, au coup de ciseaux irremplaçable, qui tenait le salon de coiffure le plus prisé du boulevard. Reconverti au hair design masculin, son talent, c’est un fait, devra dorénavant s’exprimer sur des cheveux plus courts – fini les mèches et les longueurs –, et avec les limitations de la loi juive. Mais Yaron, sans rien renier, pourra offrir des divrei Torah uniques à ses clients de tous bords, venant dans son salon pour la coupe bien sûr, mais surtout pour cet échange fabuleux.

Cette « Résidence de Ba’alei Techouva », tous amoureux d’une Torat Emet, sans codes et sans stigmates, sans le pesant regard du « c’est comme ça qu’il faut faire et pas autrement », serait un îlot de bien-être et d’authenticité, sans besoin de singer ce que nous ne serons jamais ou d’être dans le déni de ce que nous fûmes. 

Nos enfants y grandiraient heureux auprès de parents qui enfin, sans rien cacher, seraient apaisés avec leur identité, même si ma foi, elle resterait un peu meboulbelet – un peu confuse. C'est là l'héritage -et la richesse!-  de tous les enfants de la deuxième génération des nouveaux venus à la pratique.

 

 


Bref, ce serait la maison du bonheur ! 

« Même à fort loyer, j’suis preneur… »

Encore une chose : je cherche un nom pour ma future Résidence de rêve. Aidez-moi à le trouver. 

Toutes vos propositions seront bienvenues et examinées méticuleusement avec Myriam Feirberg, madame le Maire de Netanya :)))