Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !

Dans l’épisode précédent  : Pendant que Léa a commencé un séminaire religieux à Jérusalem, Sophie est rentrée en France pour reprendre l’enquête sur la disparition des tableaux. Elle n’a qu’une maigre piste, mais à peine rentrée à Paris, elle reçoit un appel inattendu...

Sophie était de retour tard dans la nuit dans son appartement parisien, qui lui semblait bien vide. Elle réalisa soudain combien elle se sentait seule. Plutôt que d’aller dormir, elle décida de défaire sa valise. Quand son portable se mis à sonner. Elle qui n’attendait aucun appel tardif, se mit à s’inquiéter que ce ne soit sa fille Léa, restée étudier à Jérusalem. Anxieuse, elle prit l’appel.

“Allo, Sophie ?” 

Sophie reconnu la voix, mais ne pouvait pas en croire ses oreilles ! 

“C’est Yoël Kissler, nous nous sommes rencontrés au musée la semaine dernière.

- Oui monsieur Kissler, je me souviens de vous… Tout va bien ?

- Appelez-moi Yoël, oui, oui Baroukh Hachem, tout va bien, et de votre côté ? Voilà, j’avais quelques informations à vous partager, suite à notre échange de la semaine dernière. Et comme je savais que vous rentriez aujourd’hui à Paris, sans votre fille… j’ai pensé… disons que j’ai pensé que peut-être vous risquiez de ressentir un peu l’absence ce soir, donc je me suis dit qu’une discussion au sujet des tableaux serait une bonne distraction… Je ne sais pas si je suis clair… Dans ma tête, ça sonnait mieux !”

De l’autre côté du téléphone, Sophie se mit à rire, tout en se demandant ce qui se passait. Se pouvait-il que… son appel ait d’autres motivations que celui de l’enquête ? La conversation se poursuivit sur un ton amical, même s’ils ne parlèrent que des tableaux. 

Cette nuit-là, Sophie dormit peu. D’abord parce que Yoël lui avait donné l’adresse d’une galerie, d’où provenait peut-être le tableau de son grand-père et aussi parce qu’elle avait été troublée par cet appel qu’elle n’attendait pas. Elle ne savait pas ce qu’elle devait en penser. Ou peut-être qu’elle interprétait de travers sa gentillesse ?  

La galerie dans laquelle elle se rendait était connue pour proposer des oeuvres originaires de l’Europe de l’Est. Apparement, après leur rencontre au musée, Yoël avait pris sur son temps libre pour continuer les recherches, grâce à son réseau de connaissances dans le milieu et il avait pu identifier la galerie qui avait vendu ce tableau au début des années 80. 

Yoël lui avait trouvé l’adresse de la galerie, mais également le nom de son propriétaire, un certain Léon Dorville, ce qui allait grandement l’aider dans ses recherches.

Ce monsieur Dorville était vieux, elle s’en doutait. Mais elle n’avait pas imaginé qu’il serait vieux au point de devoir répéter son nom en hurlant trois fois de suite !

La rencontre s’annonçait mal, si sa seule piste n’entendait rien du tout. Mais Sophie n’avait pas le choix, elle se forçait à sourire en priant intérieurement pour qu’il puisse au moins capter les mots essentiels.

Elle lui montra une photo du tableau de son grand-père. Le vieux galeriste avait peut-être perdu l’ouïe mais sa vue et sa mémoire restaient excellentes. Il lui cria de l’attendre dans la galerie et disparut dans son bureau.

Alerté par le volume des voix, son petit-fils entra dans la galerie et prit Sophie pour une intruse qui embêtait un vieil homme âgé. La situation virait au comique ! D’abord le grand-père qui n’entendait rien et maintenant le petit-fils qui ne voulait rien entendre. On aurait dit une pièce de théâtre de boulevard !

Sophie ne répondit pas au ton agressif du petit-fils et tenta de lui expliquer qui elle était et pourquoi elle se trouvait dans la galerie. Il s’arrêta net et la dévisagea de la tête aux pieds, puis lui dit avec dédain : “N’importe quoi, si vos parents étaient des déportés pendant la Seconde Guerre mondiale, vous seriez bien plus vieille que ça.”

Sophie, soufflée par cette attaque, n’eut pas le temps d’élaborer une réponse et lui lâcha la triste et brutale vérité : “Mes parents m’ont eu dans la quarantaine et je suis enfant unique, parce que survivre à un camp de la mort comme Auschwitz marque les corps et les esprits à vie”.

Cette fois, le petit-fils agressif ne dit plus rien. Et comme dans une bonne pièce de théâtre, au moment où un silence gêné était en train de s’installer, le vieux galeriste reparut, un paquet de feuilles à la main en criant :

“Mon petit-fils a bien essayé de m’apprendre à me servir d’un ordinateur, mais moi je ne crois qu’aux feuilles de papier et aux stylos. Voilà les informations sur la vente de votre tableau”. Sophie lut attentivement et effectivement retrouva le nom de sa tante, Ida Greenbaum, ainsi que la date d’achat et sa signature. Mais elle trouva également un autre nom inconnu, près de celui de sa tante. 

”Monsieur Dorville, vous vous souvenez de cette deuxième personne ?”

L’octogénaire se rappelait que c’était une dame journaliste qui accompagnait sa tante et qui s’était portée garante pour elle, étant donné que sa tante n’était pas française (le galeriste ayant demandé qu’une tierce personne puisse s’engager financièrement au cas où sa tante n’aurait pas pu honorer la totalité des paiements du tableau). 

Elle se dépêcha de le noter sur une feuille. Malheureusement, le galeriste ne la connaissait pas et ne l’avait jamais revu depuis l’achat de ce tableau. En sortant de la galerie, il lui dit : “Je me souviens juste qu’elle avait dit travailler pour le magazine ArtPress”. Sophie repensa à cette journaliste et se dit que c’était bien étrange qu’il ne l’ai jamais vue ni avant ni après. Elle était persuadée que le monde de l’art était un petit milieu où tout le monde se connaissait à Paris. 

Elle avait fait quelques mètres, quand elle se rappela qu’elle avait oublié une question essentielle. Elle revint sur ses pas.

“Encore vous ? Vous allez fatiguer mon grand-père à la fin, avec vos questions.” Décidément, il était super antipathique ce petit-fils. Mieux valait l’ignorer. Sans attendre, elle s’approcha du vieil homme et lui cria directement dans l’oreille : “Croyez-vous que ce tableau fait partie d’une série et qu’il en existe d’autres ?”

Etonné, Léon Dorville consulta ses notes et lui répondit immédiatement : “Oui, il fait partie d’une série, le tableau était numéroté, regardez, j’avais pris en photo le numéro au cas où j’en trouverais d’autres pour compléter la série. Je le fais toujours”.

- Et vous en avez trouvé d’autres ?

- Non madame, de cet artiste, je n’en ai pas vu d’autres. Mais ça signifie peut-être que j’ai manqué de flair, ils doivent se cacher quelque part.”

Sophie rentra chez elle, avec plus de questions que de réponses. Elle était préoccupée par le fait que le galeriste n’avait vu aucun autre tableau de son grand-père depuis toutes ces années. 

Ce n’était pas bon signe. Elle décida de confier ses doutes à Yoël et l’appela.

Après lui avoir fait le récit animé de sa rencontre dans la galerie, Yoël la rassura : “Sophie, ça ne veut rien dire. Il existe peut-être des tableaux gardés chez un particulier. Il me faudrait une copie du numéro de série pour essayer d’en savoir plus.”

Sophie se sentait mieux, elle ne connaissait pas Yoël depuis longtemps, mais il réussissait à la rassurer. Elle se détendit un peu, sans s’en rendre compte.

Elle lui parla du nom de la journaliste et de ses interrogations et au fil de la conversation, ils parlèrent d'Israël qui manquait à Sophie. Yoël lui confia combien lui aimait se rendre dans le Nord du pays pour prier sur les tombeaux des Tsadikim, des Grands de la Torah, qu’il revenait de son voyage comme renforcé. Puis, naturellement, Yoël lui demanda : 

“Sophie, est-ce qu’à votre retour en Israël, ça vous dirait qu’on se revoit dans le cadre… d’un Chiddoukh ?”

Sophie ne savait pas quoi répondre… Elle ne connaissait pas ce mot en hébreu, mais elle se doutait que ça n’avait rien à voir avec cette histoire de tableaux. 

Paniquée, elle se mit à marcher très vite dans le salon, et elle ne trouva rien d'autre à dire que "euh, on s'en reparle, j'entends qu'on sonne à la porte, je dois vous laisser”.  

Pathétique ! A 43 ans, elle fuyait devant une conversation téléphonique qu'elle n'avait pas vue venir.

Après une nuit agitée, elle décida le lendemain matin d’appeler la Rabbanite Margalite. Ne pas savoir ce que le mot Chiddoukh signifiait lui revenait en boucle et elle voulait avoir les idées claires pour continuer son enquête. Ou alors, peut-être que c’était ce qu’elle ressentait pour Yoël qui ne la laissait pas tranquille ? 

Quand elle eut la Rabbanite au téléphone, elle lui raconta toutes les aventures de son retour et lui parla de ses conversations avec Yoël. La Rabbanite Margalite lui expliqua : “Un Chiddoukh, c’est une rencontre organisée entre un homme et une femme.” “J’avais cru comprendre”, pensa Sophie, mais la Rabbanite se hâta de préciser : “Il ne s’agit pas de de se tourner autour et d’échanger sur des choses superficielles, même si bien sûr l’objectif est de passer un bon moment. Ces rencontres ont pour but de voir si les deux personnes partagent la même vision de la vie, s’accordent sur les Midot (traits de caractère) et projets d’avenir. Ce sont des rencontres avec pour objectif le mariage.”

En entendant ces mots, Sophie se glaça d’un coup. Comment pouvait-elle envisager de nouveau le mariage, quand elle l’avait déjà vécu et que cette expérience lui avait laissé beaucoup trop de souffrance et de tristesse ? Mais d’un autre côté, elle n’était pas naïve, elle savait que tous les hommes ne sont pas comme son ex-mari et tous les mariages ne se ressemblent pas. Et puis Yoël était différent de toutes les personnes qu’elle connaissait. Il avait un amour réel et sincère pour D.ieu, elle le sentait et ne pouvait nier son admiration.

Que faire ? Est-ce qu’il fallait se laisser aller à tenter une rencontre de ce type ou renoncer, de peur de souffrir à nouveau ? La Rabbanite lui avait dit au téléphone que ce qui fait la différence dans ces rencontres, c’est la Emouna : “Comprendre que chaque rencontre vient d’Hachem et apprendre à Lui faire confiance, quelle que soit l’issue”.

Deux jours plus tard, Sophie n’était pas plus avancée dans sa lutte interne entre son envie de dire oui et sa peur de se lancer. Elle n’avait pas non plus avancé dans la recherche de cette journaliste, malgré ses appels au magazine. On aurait dit qu’elle s’était évaporée ! 

Quand elle appela sa fille Léa à la fin de la journée, pour prendre de ses nouvelles, elle lui raconta son impasse (dans l’enquête, hors de question de raconter ses interrogations amoureuses à sa fille), Léa eut une idée inspirée : “passe une annonce sur Facebook”, beaucoup de gens se retrouvent comme ça !”.

Grâce à Léa, Sophie reprit des forces et avant de rédiger un message pour son annonce, elle s’arrêta, réfléchit, prit une longue inspiration et appela Yoël. Quand il décrocha, elle lui dit dans un même souffle : 

“Yoël bonsoir, je cherchais à vous joindre, parce que j’ai quelque chose à vous dire...”

La suite la semaine prochaine...