Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !

Dans l’épisode précédent  : Sophie, de retour en Israël, retrouve sa fille et découvre que la fausse journaliste Ingrid Florange avait fait un passage à Jérusalem, où elle s’était procurée un tableau du grand-père, Shmulik Grinbaum. En rencontrant la vieille marchande d’art, elle apprend qu’Ingrid Florange faisait en réalité partie d’un réseau nazi. Est-ce que la vie de Sophie était maintenant en danger ?

La nuit avait été agitée et le sommeil peu réparateur. Au petit matin, Sophie, à demie-endormie, se fit un café et s'assit au bureau de sa chambre d’hôtel. Sa fille Léa avait dormi avec elle, très heureuse de retrouver sa mère après plusieurs semaines de séparation. Sophie essaya de rassembler ses pensées, qui se percutaient les unes aux autres : Ingrid Florange s’était procurée une toile peinte par son grand-père. Mais plus que tout, elle était apparemment membre d’un réseau nazi et avait disparu sans laisser de trace. 

Comment tout ça avait pu s’emballer autant ? Même si des dizaines d’années s’étaient écoulées depuis, l’idée de se lancer à la recherche d’anciens nazis l’effrayait. 

D’un autre côté, aujourd’hui c’était jeudi et elle avait organisé une petite réunion à la synagogue du mari de la Rabbanite Margalite pour sa nomination. A l’occasion de la montée à la Torah, le Rav la nommerait...Déborah. Elle sentait déjà que, comme la prophétesse qui avait rendu la justice, elle aussi avait à cœur de faire justice à sa famille et à son héritage.

Mère et fille se rendirent de bonne heure à Bayit Vagan, à Jérusalem. Sophie avait acheté pour l’occasion quelques viennoiseries et avait proposé à sa grande cousine Iréna, ainsi qu’à Yoël Kissler de prendre part à ce grand jour dans sa vie de femme juive et dans sa Téchouva.

Elle put difficilement contenir son émotion quand elle entendit le Rav prononcer son nouveau prénom "Déborah", qu’il accompagna de nombreuses bénédictions. 

Heureusement que sa fille était là pour détendre l’atmosphère : “c’est la première fois que j’assiste à la nomination d’un très grand bébé !”.

Après la fin de la prière et du petit-déjeuner, Sophie alla remercier ceux qui étaient venus pour cette joyeuse occasion, dont Yoël Kissler, le charmant responsable de musée (elle fit de son mieux pour ne pas montrer combien elle était heureuse de le revoir). Quand tout le monde quitta la synagogue, Sophie et Yoël firent quelques pas ensemble dans la rue et elle en profita pour lui raconter tous les rebondissements depuis leur dernière conversation.

Yoël, d’habitude réservé, ne put contenir sa surprise : 

  • Et bien, je ne m’attendais pas à une telle évolution. C’est une affaire bien plus grosse qu’une simple recherche de tableaux. Je ne sais pas quoi vous dire.
  • A quel sujet ? 
  • Et bien si vous devez continuer ou laisser tomber. 
  • Pourquoi voulez-vous que je laisse tomber ?
  • Parce que si Sarah Silberman vous a mise en garde ce n’est pas sans raison. On ne parle plus d’une disparition de tableaux, mais de nazis, de faux passeports, de Mossad… tout ça nous dépasse, vous ne pouvez pas toute seule démêler toute cette histoire. Et qui sait si certains sont encore en vie, cela pourrait être dangereux.
  • Alors, on les laisse gagner une fois de plus ? Ce n’était pas suffisant d’exterminer mes grands-parents, ma famille, de faire souffrir ma mère, ses amies, de me priver d’enfance et de judaïsme, il faut en plus que je leur laisse les tableaux de mon grand-père ?
  • Sophie, je n’ai pas dit ça, mais…
  • Déborah ! Mon prénom à présent c’est Déborah ! Vous savez pourquoi ce prénom ? Parce qu’elle était une femme et qu’elle était juge. Et est-ce qu’elle avait peur des hommes et de leur colère ? Non ! Parce qu’elle savait qu’Hachem était toujours avec elle. 

Et n’oubliez pas ce qu’a dit le prophète Jérémie : “Aroukh HaGuever Acher Yivtakh Bé Adam. Baroukh HaGuéver Acher Yivtakh Ba’donaï…” : “Maudit soit celui qui placera sa confiance en l’homme et béni soit celui qui placera sa confiance en D.ieu”. 

Oui, c’est peut-être dangereux, mais moi j’ai confiance en Hachem, c’est lui qui m’a fait venir jusque là, ne l’oubliez pas !”

Sophie s’était emportée, indignée à l’idée de renoncer et de s’avouer vaincue face à ces criminels, c’était leur accorder trop de pouvoir. Elle prit une grande inspiration, puis tourna la tête vers Yoël, qui la regardait fixement.

  • Sophie...pardon, Déborah. Je ne vous demande pas d’arrêter vos recherches parce qu’ils sont plus forts que vous, je vous dis ça...seulement parce que je m’inquiète pour vous et je n’aimerais pas vous savoir en danger.

Oh ! La voilà qui se sentait cruche d’un coup, après sa tirade animée. Elle aurait dû y réfléchir à deux fois, avant de perdre son sang-froid. Ne sachant plus quoi dire, elle se contenta de marcher en silence jusqu’à l’angle de la rue.

Au moment de se séparer, elle dit à Yoël :

  • Je veux continuer cette enquête. C’est très important pour moi.
  • Je comprends.
  • Puisque je ne peux pas contacter le Mossad pour leur demander de m’aider à retrouver Ingrid Florange, j’ai pensé me rendre à Yad Vachem, il y a un département sur l’art juif à l’époque de la Shoah, peut-être que je pourrais y apprendre quelque chose.
  • D’accord. 

D’un aimable sourire, ils se quittèrent et Sophie se mit en marche quand elle entendit dans son dos : “Déborah !”. Elle se retourna, Yoël s’était immobilisé et lui dit : “Tenez-moi au courant, j’aimerais vous accompagner.” Elle fut contente de ne pas marcher dans la même direction que lui : comme ça elle pouvait sourire librement tout le trajet retour.

Quelques jours après, Sophie avait obtenu un entretien avec Mme Ilana Levy, responsable du département de l’art au musée de Yad Vachem. Fidèle à sa promesse, Yoël réussit à se libérer pour l’accompagner au rendez-vous.

Mais Mme Levy avait du retard, alors Sophie, qui n’avait jamais visité Yad Vachem eut envie de visiter le bâtiment central qui racontait la Shoah.

Elle passa de salle en salle, attentive, les images étaient dures, parfois insoutenables. A la fin de la visite, elle tomba sur cette photo en noir et blanc qui montrait des femmes libérées des camps, peut-être comme sa mère, comme sa tante Ida…

Elle sortit du musée central, secouée à plus d’un titre, et partit retrouver Yoël, qui était resté au département d’art, absorbé dans une intense conversation avec un archiviste. Elle arriva en même temps qu’Ilana Lévy, responsable de l’art juif pendant la Shoah. 

Tous trois s’assirent et Sophie fit une nouvelle fois le récit de toute son histoire depuis le début. Quand elle eut fini, elle dit à l’attention d’Ilana : 

“si j’ai demandé à vous voir aujourd’hui, c’est parce que je me pose plusieurs questions et je me trouve dans une impasse, alors peut-être pourriez-vous m’aider ?”

  • Je vous écoute Mme Shapiro, je ne promets pas d’avoir une réponse pour chacune de vos questions, mais en effet je peux peut-être vous aider à mieux comprendre cette difficile période.
  • Merci. D’abord est-ce que les noms de Shmulik Grinbaum et d’Ingrid Florange vous disent quelque chose ?
  • Non, je n’ai jamais entendu ces noms dans mon travail.

“Oh”, fit Sophie qui ne masqua pas sa déception.

  • Mais il faut que vous sachiez que l’essentiel des tableaux que nous exposons ont été retrouvés dans les décombres à la fin de la guerre. Si vous me dites que votre grand-père a été spolié, ce dont je n’ai aucun mal à croire, alors il se peut que les tableaux aient été bien gardés ou vendus. 
  • Je vois, mais qui aurait voulu acheter des toiles d’un peintre 'Hassid pendant la guerre ?
  • Les nazis qui s’étaient lancés dans le recel d’oeuvres d’art n’avaient pas pour objectif de vendre leur butin pendant la guerre. Initialement, ils espéraient mettre la main gratuitement sur des biens de valeur pour en profiter à titre personnel, mais ceux qui ont établi un véritable réseau international savaient qu’il fallait attendre l’après-guerre pour pouvoir vendre des collections. Donc en attendant, ils amassaient patiemment.
  • Et pourquoi cette femme, cette Florange aurait-elle attendu 30 ans pour acheter un tableau de mon grand-père, au hasard d’une visite chez un marchand d’art à Jérusalem?
  • Mme Shapiro, est-ce que le tableau de votre grand-père que vous avez en votre possession est numéroté ? 
  • Oui tout à fait. 
  • Et connaissez-vous le jeu des “7 familles” ? 
  • Euh...oui...mais quel rapport ? 
  • Et bien si vous vous souvenez des règles du jeu, vous savez que vous ne gagnez la partie que lorsque votre famille de cartes est complète. C’est la même chose dans le milieu de l’art. Surtout ce type de marché noir sur lequel se monnaient des toiles de très grandes valeurs. Plus vous vendez une oeuvre complète, plus chère est sa valeur. Si votre grand-père a numéroté sa toile, c’est qu’elle fait partie d’une série. Sans compter que vous m’avez dit que votre grand-père avait déjà une cotte, donc cela va sans dire que la valeur des toiles a fortement augmenté après la guerre. Certainement que cette femme et ses complices ont parcouru plusieurs pays du monde à la recherche des toiles de votre grand-père pour compléter leur collection. La bonne nouvelle c’est qu’il est probable que lorsque vous retrouverez un tableau, vous retrouverez toute la série du même coup !”

Ilana Levy ne s’était pas trompée. Elle avait pu aider Sophie à mieux comprendre les motivations de ces gens, même si cela ne lui avait pas donné d’indice supplémentaire pour remonter la piste d’Ingrid Florange. 

En milieu de soirée, après avoir rejoint sa fille pour une sortie shopping accompagnée d’un bon Chawarma, Sophie décida de rentrer à son hôtel pour se coucher de bonne heure.

La rue était déserte et le vent soufflait fort à cette heure de la nuit. Sophie cherchait la carte de sa chambre, quand elle sentit un souffle dans sa nuque. Elle n’avait pas rêvé ! Cette fois, ce n’était pas le vent qui lui jouait des tours, quelqu’un était derrière elle ! 

Elle se retourna brusquement et vit une silhouette se découper dans la nuit. Elle fronça les yeux pour tenter de reconnaître la personne. Son coeur battait à tout rompre, mais elle ne bougea pas. 

Ce visage elle l’avait déjà vu quelque part…

“ Monsieur Dorville !! Que faites-vous ici ?!”

La suite la semaine prochaine...