Activité : Avocate

Age : 39 ans

Etat civil : célibataire

Demeure : à Jérusalem depuis 4 ans

Nationalité : franco-israélienne

Née à Paris, Tsipora a été éduquée dans la religion catholique, dans une famille d’origine togolaise qui cultive les valeurs humaines. Sa maman est infirmière et son papa, ancien joueur de football professionnel dans l’équipe nationale du Togo, a travaillé en France dans l’industrie pharmaceutique.

Elles sont trois sœurs brillantes : Tsipora, qui choisit des études de droit, sa sœur aînée Rachel, est haut fonctionnaire à l’ONU et en mission dans le monde entier, quant à la cadette, Sophie, après des études littéraires, elle se lance dans la pâtisserie de haut de gamme.

Sur le plan spirituel, Tsipora commence à remettre les choses en question à l’âge de 12 ans, lors d’une conversation avec une amie à laquelle elle essaye - en vain - d’expliquer la trinité. L’incohérence des dogmes catholiques la frappe et elle est trop en recherche de vérité pour passer outre.

Une quête spirituelle s’en suivra qui la mènera jusqu’au judaïsme authentique.

Écoutons-la nous raconter son parcours hors du commun :

Vous portez un très beau nom, qui évoque un lever de soleil (Aurore) sur une contrée africaine, avec quelque chose de très noble. D’où venez-vous ?

Je suis issue d’une famille originaire du Ghana qui a émigré au Togo. Outre le fait que ma famille possède une origine royale, le nom Prince fait également référence à mon aïeul richissime qui a racheté les dettes d’une famille et, en conséquence, a reçu ce pseudonyme qui est devenu partie de son nom.

Quant à mon prénom Tsipora, après l’avoir choisi, je me suis rendu compte qu’il me définit complètement : la première lettre étant le Tsaddik, qui représente la justice, et je suis juriste, puis le Pé qui veut dire la bouche, c’est avec elle que je fais mon travail d’avocat, le Hé, la lettre du D.ieu d’Israël vers qui je me suis tournée lors de ma conversion. C’est assez inouï !

Où avez-vous entendu parler pour la première fois du judaïsme ?

En fait, cela remonte à l’enfance. J’allais au catéchisme, mais j’avais un questionnement sur le bien-fondé de cette religion : pourquoi si Jésus était juif nous ne pratiquions pas la religion comme lui la pratiquait. La trinité également était à mes yeux complètement illogique. J’ai également visionné un documentaire qui montrait les failles des dogmes catholiques.

Mais le déclic pour le judaïsme s’est produit lors d’une émission du Rabbin Josy Eisenberg zal, le dimanche matin, au cours de laquelle j’ai pris connaissance du statut de « Bné Noa’h » - fils de Noé. J’ai compris alors que c’était ma situation : je crois en Un D.ieu, le D.ieu de la Torah, mais je ne suis pas juive et n’ai pas de religion. Par la suite, j’ai beaucoup lu sur le statut de Bné Noa’h, mais je ne me sentais pas suffisamment rassasiée de mon lien avec D.ieu dans ce cadre. Ce fut la première marche vers la découverte du judaïsme.

Vous êtes seule à ce moment, personne ne vous guide ?

Absolument. Je cherche sur des forums, sur internet, j’emprunte des livres à la bibliothèque. Jusqu'à ce que je tombe sur le « Guide des Egarés » de Maïmonide. C’était une expérience incroyable de trouver là, écrit noir sur le blanc, ce que je ressentais, ce que je vivais. J’en ai eu des frissons et j’en ai pleuré. C’est là que j’ai réalisé que ma foi était juive. Il y avait la notion de transcendance et également l’impact de tous nos actes sur les mondes supérieurs.

A ce moment, je ne décide pas tout de suite de me convertir, car le judaïsme est une religion que je ne connais pas, et j’ai donc commencé à lire beaucoup de livres sur la pratique juive. Je découvre également comment les convertis sont perçus par la communauté. Je comprends que ça ne sera pas facile, mais je ne renonce pas.

Je quitte à ce moment le foyer familial, je prends mon indépendance financière, car je commence à travailler. Je sais qu’il sera plus facile pour moi d’avancer dans l’étude du judaïsme et sa mise en pratique chez moi. Je ne voulais en aucun cas déranger mes parents.

A cette époque, je m’occupe, dans le cadre de ma profession d’avocat, du cas d’un homme qui refuse de donner le « Guèt » (divorce religieux) à sa femme. Il était poursuivi en dommages et intérêts - d’une somme de 23 000 euros - et je devais le défendre. Il y avait eu un précédent jurisprudentiel, et le tribunal avait considéré que la non délivrance du Guèt était un dommage causé à l’épouse, qui entre autres ne pouvait se remarier.

C’était encore avant ma conversion, mais je connaissais l’importance de la délivrance du Guèt et j’ai donc convaincu, de concert avec le Rav du Consistoire, cet homme, qui a fini par délivrer le Guèt à son épouse.

Pourquoi avez-vous choisi des études de droit ?

Par idéal de justice. Je ne supporte pas l’injustice, la méchanceté gratuite. Même parfois, ma mère me reproche mes positions intransigeantes, elle me dit : « Mais on n’est pas au tribunal ! » (rires). C’est vrai que, dans mes exigences de vérité, je mets la barre haute autant pour moi que pour mes proches.

Jeune fille, j’avais vu un film qui montrait un homme incarcéré à perpétuité - pour servir d’exemple - dans les geôles infernales de la Turquie et ce film m’avait marquée au point de déclencher en moi une vocation.

Vous vous êtes spécialisée et êtes avocat d’affaires ; quelle est la différence avec un avocat au tribunal ?

En tant qu’avocat d’affaires ou conseil, je rédige des contrats internationaux et je les mets en œuvre pour des sociétés que je soutiens, tandis qu’un avocat contentieux plaide devant les tribunaux.

Combien de temps a duré le processus de conversion ?

Je suis partie en mission au Tchad pendant cette période, mais on peut dire qu’en tout, cela a duré 4 ans. Le Rav qui vous convertit attend que vous soyez prête. Il n’y a pas une date butoir déterminée. Or, moi je m’intéressais à plein de sujets, hors examen final, comme la mystique juive !

Qu’est-ce qui vous a séduit le plus dans le judaïsme ?

La notion de perfection et de justice. D.ieu est parfait et nous a donné Sa Torah qui est parfaite et propose un système où chacun peut participer à cette perfection.

Vos parents ont compris votre démarche ?

Ils ont été excessivement tolérants. Ils ont senti ma détermination, mais jamais je ne leur ai fait sentir que je les rejetais, que D.ieu préserve. C’est évident que ma mère ne comprenait pas et pouvait me dire qu’elle trouvait que je prenais sur moi beaucoup trop de contraintes.

Un jour, mon père avait préparé un plat chinois qui sentait délicieusement bon. Il m’a appelée pour venir manger. Là, je le lui ai répondu que je ne pouvais pas. Il m’a regardée et m’a dit abasourdi : « Mais tu es folle ! ».

De mon côté, j’ai tout fait également pour garder le contact avec eux. Chabbath, je les invitais et ce sont eux qui venaient chez moi.

Ma mère habite aujourd’hui à côté d’un supermarché Cachère et m’achète tout ce dont j’ai besoin.

On parle d’Israël, des juifs en Afrique ? Et plus particulièrement au Togo ?

En Afrique, de façon générale, on fait une différence entre les israéliens et les juifs de la Torah. Les juifs de la Torah, les hébreux, sont aimés : les Togolais connaissent très bien la Bible et y font référence. Ils sont incollables en Tanakh et tirent beaucoup d’exemples des histoires bibliques quant au comportement à adopter dans une situation donnée.

Politiquement, avec l’Etat hébreu, c’est autre chose. Il peut y avoir de mauvais retours d’information et l’Etat est perçu de façon plus mitigée. Tout d’abord, parce qu’Israël soutenait le régime d’Apartheid d’Afrique du Sud, puis bien sûr, le problème palestinien où Israël est perçu comme l’occupant, toujours par le filtre des médias. Il y a également le fait que l’immigration des Ethiopiens s’est mal déroulée et qu’on a su qu’ils n’étaient pas traités comme il aurait fallu.

Il est intéressant de constater qu’on nous considère vraiment comme un peuple à part, distingué par D.ieu, lorsque nous endossons notre rôle de peuple de la Torah. Sinon, on devient une nation comme les autres sans vraiment de spécificité.

Quelle est la religion pratiquée au Togo ?

On peut dire que deux tiers de la population sont catholiques et un tiers est musulmane. Mais la population dans son intégralité pratique l’animisme.

Pouvez-vous nous expliquer qu’est-ce que l’animisme ?

C’est une pratique qui favorise le dialogue avec l’au-delà. Mais également qui prête une force quasi divine aux manifestations de la nature, à certains objets ou animaux. C’est exactement ce que nos Sages ont dit : ceux qui pratiquent l’idolâtrie ne remontent pas jusqu’en haut, au Créateur Unique, et en restent aux paliers intermédiaires.

Vous vous sentez acceptée par la communauté juive ?

Complètement par les personnes pour qui un juif est un juif, converti ou non, indien, chinois, africain ou européen.

D’autres personnes, nous perçoivent comme des juifs de seconde classe, et, malheureusement, peuvent nous le faire sentir. Comme en plus je suis d’origine africaine (je cumule, lol !) et que beaucoup de gens ont des préjugés raciaux, c’est en effet parfois compliqué et il peut y avoir des situations limite humiliantes. Une citation me revient : « Lorsque tous les juifs marcheront main dans la main, toutes les mains s’uniront et atteindront le Trône Céleste » (Rabbi Israël de Koznits).

Par ailleurs, la Mitsva d'aimer les convertis est l'une des Mitsvot les plus répétées dans la Torah. Il faut sûrement en déduire que c'est l'une des Mitsvot les plus difficiles à observer et l'une des plus négligées...

Pourquoi avez-vous choisi de vous installer en Israël ? Ça complique les choses avec la langue, la mentalité. On peut vivre pleinement son judaïsme en diaspora.

J’ai toujours su que j’allais vivre en Israël, mais je ne pensais définitivement partir qu’une fois mariée.

Les choses se sont précipitées à l’époque où je travaillais pour une société internationale. J’étais au bord du surmenage et j’ai fait un break pour décompresser. Je suis venue en Israël avec ma mère. Il faisait beau, c’était les vacances, le pays était merveilleux et il y faisait bon vivre. A la fin du séjour, j’ai dit à ma mère que je pensais m’y installer. J’ai questionné un Rav sur le fait d’avoir une épargne d’un an de loyers avant de faire son Aliyah et ce dernier m’a répondu avec enthousiasme : « Pourquoi pas 10 ans ! ». C’était une invitation à l’Aliyah.

Je me suis préparée spirituellement, et en 6 mois j’étais là. Maintenant, il y a 4 ans que j’ai fait mon Aliyah.

Mais, bien sûr, il y a des difficultés. En France, c’était facile : un bon salaire qui rentrait mensuellement, une vie confortable…

En Israël, à Jérusalem, à tous les niveaux, je sens que je dois travailler mon Bita’hon (confiance en D.ieu). Ici, c’est à la grâce de D.ieu. On le sent concrètement, à tous les niveaux. Il faut s’en remettre à Lui pour tout.

Vos projets ?

Sur le plan personnel, j’espère dans un avenir proche me marier et fonder un foyer juif.

Sur le plan professionnel, j’attends avec impatience que le Sommet Afrique-Israël, qui devait se tenir au Togo, soit de nouveau programmé, car non seulement je pense qu’économiquement Israël a un rôle important à jouer en Afrique, mais aussi et surtout sur le plan de la spiritualité.

Je dois préciser que je maintiens des liens très forts avec ma famille vivant au Togo et j’espère les visiter plus souvent.