L’un des éléments les plus efficaces de notre confiance en D.ieu est, selon tous les auteurs du Moussar (Morale juive), de sentir qu’il n’y a que la foi qui nous donne du courage. Or, généralement, il est difficile d’arriver à cette élévation spirituelle : on fait confiance à son intelligence, à son compte en banque, on dit bien sûr, du bout des lèvres, que l’on fait confiance en Hachem, mais au fond de chacun, il existe une assurance personnelle : on arrivera bien à trouver une solution. Même celui qui a une forte confiance en l’Eternel se trouve toujours, pour se rassurer, des « moyens » pour « s’en sortir ».

Rares sont les occasions où l’on prend conscience, vraiment au fond de soi-même, que la situation dans laquelle on se trouve est « sans issue », c’est-à-dire apparemment sans solution « à l’œil nu ». C’est à ce moment-là qu’apparaît la « vraie » confiance en le Créateur. L’incroyant – qui ne veut pas voir qu’il y a une direction, un sens à l’Histoire et qui est donc « aveugle » – ne peut, à ce moment, qu’aboutir au suicide : c’est le cas du philosophe juif allemand, Walter Benjamin, ou du romancier juif français, Romain Gary, qui, ayant perdu tous leurs repères, se retrouvent sans issue, et mettent un terme à leur existence ! Mais le croyant, à ce stade, sent sa foi encore plus forte, et plus efficace. « Il n’y a pas d’issue, mais il y a Quelqu’un Qui dirige le monde et Qui m’assure qu’une solution – quelle qu’elle soit – existe, que cela soit positif (c’est-à-dire dans le sens que nous souhaitons) ou,  D.ieu préserve, négatif (contraire à nos espoirs). Il y a une direction dans l’univers, il n’y a pas de hasard. Si l’humanité le mérite, on trouvera une solution à la crise actuelle, ou, ce qu’à D.ieu ne plaise, le contraire risque de se produire, c’est-à-dire un effondrement de la civilisation technique ».

Il suffit d’ouvrir les yeux pour remarquer que jamais, dans l’Histoire, une telle catastrophe ne s’est produite dans cette ampleur. On sait que l’homme est mû par deux pulsions essentielles qui agissent sur lui : le corps (pulsions physiques) et l’argent (pulsions sociales). Ce sont les deux éléments qui sont à l’origine de tous les actes de l’homme. Or, la crise actuelle, universelle, globale, car elle concerne le monde entier, est focalisée sur ces deux éléments : la santé et l’économie. Faut-il s’aveugler pour ne pas constater que cette crise s’attaque précisément à ce qui symbolise la source de la fierté de la civilisation contemporaine ? Les progrès de la science et spécialement de la médecine, d’une part, l’organisation de l’économie mondiale, d’autre part, sont les deux piliers sur lesquels est basée la société moderne. Ce sont ces deux piliers qui sont directement touchés par la crise actuelle. La difficulté de désamorcer un virus qui attaque le corps, jointe aux secousses financières conséquentes qui ébranlent la société, traduit un arrêt, sinon un recul, dans le progrès permanent de la civilisation contemporaine. Il est d’ailleurs remarquable, et bien sûr fortement significatif, de noter que ces deux pulsions – du corps et de la société – sont exprimées en hébreu par le même terme : sang (Dam au singulier) et argent (Damim, au pluriel). Rencontre extrêmement symbolique, quand on considère les conséquences de la crise sanitaire et sociétale.

Il est évident que l’on n’a pas le droit de s’aveugler, mais il convient de considérer que le virus actuel est le signe d’une désintégration, tant physique que sociale. Peut-être pouvons-nous nous permettre de voir, paradoxalement, un élément positif dans cette épreuve imposée à l’humanité : un renforcement dans notre foi en soulignant l’intervention du Créateur dans ces deux domaines. On connaît l’histoire de Rabbi Akiva (Traité Bérakhot 60b) qui, expulsé d’une ville avec un coq, un âne et une lanterne, dut se réfugier hors de la ville. Là, un lion dévora l’âne, le coq fut mangé par un chat, la lanterne s’est éteinte. Et le voilà seul, et il remercie le Créateur. « Cela aussi est pour le bien ». Des ennemis vinrent cette nuit décimer la ville, et ne purent frapper Rabbi Akiva, qui se trouvait hors de la ville, et n’a pas été identifié, car le coq n’avait pas chanté, l’âne n’avait pas brait et la lanterne était éteinte. Il n’est pas toujours aisé de comprendre que : « Ceci est pour le bien », mais essayons de tirer les leçons d’une épidémie si particulière, pour renforcer notre foi en le Créateur. Car cela, assurément, est « pour le bien ».