La Paracha Tetsavé débute avec les instructions d’Hachem à Moché Rabbénou quant aux personnes qui allaient confectionner les vêtements qu’Aharon, le Cohen Gadol, allait porter durant son service.

« Tu enjoindras donc à tous les érudits, que J’ai dotés de sagesse, qu’ils fassent les habits d’Aharon, afin de le consacrer à Mon service. »[1] Il semble évident, de cet ordre, qu’il était primordial que ces hommes soient d’un haut niveau spirituel. Le Natsiv explique pourquoi c’était tellement important ; il avance un principe selon lequel les Kavanot (intentions) que l’on a aux prémices de toute entreprise spirituelle ont un effet perpétuel sur l’avenir de ce projet. D’où l’importance de la sainteté des Kavanot avec lesquelles le vêtement du Cohen Gadol allait être fabriqué.

Le Natsiv, dans un autre commentaire sur la Torah[2] énonce ce principe pour expliquer une Guémara[3]. Rabbi ’Hiya certifia que la Torah ne serait pas oubliée. Pour cela, il avait entrepris un processus long et difficile ; il commença par fabriquer des filets pour piéger des cerfs. Puis, il abattait ces animaux et donnait leur viande à des orphelins. Il utilisait leur peau comme parchemins ; sur chacun d’entre eux, il écrivait l’un des cinq Livres de Torah et les enseignait à cinq enfants. Il faisait de même pour les six Livres de Michna. Ensuite, chaque enfant enseignait aux autres la section qu’il avait apprise. De cette façon, il était sûr que la Torah ne pourrait être oubliée. Rabbi Yéhouda Hanassi fit l’éloge de Rabbi ’Hiya et de ses actions.

Le Natsiv demande pourquoi il fallait fournir tant d’efforts pour fabriquer les rouleaux sur lesquels la Torah et la Michna allaient être écrites. Pourquoi ne pas simplement acheter des parchemins chez un marchand et inscrire dessus ? Il répond grâce au principe susmentionné. Rabbi ’Hiya souhaitait que les rouleaux soient fabriqués avec les intentions les plus pures, afin que leur contenu imprègne le cœur des enfants qui les étudieraient[4].

Parallèlement, une autre Guémara semble contredire l’idée évoquée. « L’homme doit toujours étudier la Torah et accomplir les Mitsvot, même de façon intéressée (Lo Lichma), car ceci l’amènera finalement à le faire Lichma (de manière désintéressée, avec des motivations pures). »[5] Cela signifie que même si un homme n’est pas au niveau d’effectuer les Mitsvot et d’étudier la Torah Lichma, il doit néanmoins continuer à agir de la sorte. Il en viendra inévitablement à se comporter avec les bonnes intentions.

Rav ’Haïm de Volozhin explique que ce précepte de la Guémara est limité. Il ne s’applique que si celui qui agit Lo Lichma souhaite en arriver à faire la Mitsva Lichma. Donc, bien qu’il reconnaisse que sa Avodat Hachem actuelle n’est pas encore parfaite, il réalise intellectuellement que le but ultime est de servir Hachem de façon désintéressée. Comme l’exprime Rav Akiva Tatz, il « veut vouloir accomplir la Mitsva avec les bonnes motivations ». Ainsi, son service de D. est acceptable, bien qu’altéré, puisqu’il se perfectionnera ultérieurement. Par contre, s’il effectue une Mitsva Lo Lichma sans objectif qu’elle devienne Lichma, il n’est pas du tout évident qu’il la fera un jour convenablement.[6]

Ainsi, les Kavanot de tout commencement (que ce soit le mariage, le fait de devenir parent, un début d’étude, ou tout autre projet) sont déterminantes dans l’avenir de ces entreprises. Il est donc essentiel de s’efforcer d’avoir les meilleures intentions possibles.

Bien entendu, de tels niveaux de sainteté sont très difficiles à atteindre et cela demande de gros efforts et beaucoup de temps. Rav ’Haïm de Volozhin nous enseigne que même si nous ne sommes pas au niveau de « Lichma », nous pouvons essayer de vouloir arriver au Lichma. Nous pouvons ainsi injecter dans nos actions une dose significative de pureté.

Notons cependant que même si une personne a déjà entamé une action ou une étape de sa vie sans hauts niveaux de pureté, elle peut toujours prendre un « nouveau départ » grâce à la Téchouva (au repentir). Quelqu’un qui est, par exemple, déjà marié ou qui a déjà des enfants peut redémarrer en faisant Téchouva et ainsi imprégner son projet d’une sainteté inaltérable.



[1] Émek Davar, Chémot, 28:3.

[2] Émek Davar, Chémot, 19:2.

[3] Baba Métsia, 85b.

[4] Émek Davar, Chémot, 19:2. Voir aussi Maharcha, ’Hidouché Haggadot ; Baba Métsia, 85b pour une interprétation similaire.

[5] Pessa’him, 50b ; Nazir, 23b ; Horayot, 10b ; Sota, 22b.

[6] Roua’h ’Haïm, Avot, 1:13.