Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !

“Ne faites pas ça ! Reposez ça immédiatement avant de faire quelque chose d’irréparable, que vous pourriez regretter toute votre vie !

- Et qui va m’en empêcher ? Vous ? Voyons, voyons, Fräulein, ne dites pas de bêtises, personne ne sait que vous êtes ici. Et je ne voudrais pas qu’on puisse remonter jusqu’à moi de nouveau, comme vous l’avez fait. J’ai trop à perdre. C’est pour ça que tout doit disparaître, tout !”

Dans cette pièce encombrée et semi-obscure, il faisait moite tout à coup et Sophie peinait à respirer. Il fallait qu’elle réfléchisse et vite. Elle pouvait maintenant sentir une minuscule goutte de sueur rouler le long de sa nuque. Elle était pétrifiée par la peur, mais il ne fallait surtout rien montrer. “Ne pense pas au pire, concentre-toi sur comment lui échapper”, Sophie essayait de se raisonner, pour ne pas céder à la panique. Face à elle, son agresseur restait immobile, une lueur de haine animait ses yeux d’un bleu presque transparent. Comment atteindre la porte ? Elle était persuadée qu’elle avait été entre temps soigneusement verrouillée, même si elle était entrée par là, quelques minutes plus tôt. Un rapide coup d’œil vers la lucarne… celle-ci était trop étroite pour qu’elle puisse s’échapper. Le temps pressait, il fallait qu’elle trouve une solution. Si seulement elle avait prévenu quelqu’un qu’elle se rendait dans cette maison ! Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour arriver si près du but. Sauf que, pour la première fois de sa vie, elle se sentait prise au piège. Et ce n’était pas qu’une impression !

...

1 an plus tôt

“J’en ai maaarre, ça me saoule !”. Pas besoin de réveil-matin pour sortir Sophie de sa nuit de sommeil, les cris aigus de sa fille adolescente, Léa, suffisent à la tirer du lit de façon plutôt brutale. Un mardi matin comme les autres, dans cet appartement parisien. Ce n’est pas que ce soit tous les jours le même rituel, mais Sophie, en ouvrant les yeux, a ce sentiment étrange que tout se répète dans un quotidien morne.

“J’en peux pluuuuus !” Elle abuse Léa, elle sait qu’elle ne doit pas hurler comme ça de bon matin, au risque de s’attirer une nouvelle fois les foudres des voisins. Sophie n’a pas le choix et bondit de son lit, direction la chambre de sa fille :

“Léa, qu’est-ce qu’il y a ?

- Je n’ai rien à mettre, j’en ai marre et je suis méga en retard !

- Tu plaisantes ? C’est pour ça que tu hurles à 7h30 du matin ?

- Oh c’est bon, ça se voit que toi tu t’en fiches de ton apparence, mais moi, une paire de chaussures de travers et je vais me faire troller toute la journée ! C’est vital, tu comprends ?”

Non, Sophie ne comprenait pas. Elle ne savait plus à quel moment sa fille était devenue si superficielle, mais à cette heure matinale, toute discussion était inutile et il valait mieux battre en retraite et opter pour l’option café.

Pendant que la machine à café se réveille elle aussi, Sophie contemple la rue au-dehors depuis la fenêtre de la cuisine. Déjà des parents pressent leurs enfants, cartables sur le dos, d’autres promènent leurs chiens, encore endormis… la journée commence. Sophie a le sentiment que cette journée sera ennuyeuse, comme les précédentes, et comme les prochaines.

“Tu peux me passer 50 euros ?”

Une fois de plus, Sophie est sortie de sa torpeur et tourne le dos à la fenêtre pour faire face à sa fille. Celle-ci, plus désinvolte que jamais, dans une tenue bien trop inappropriée pour une lycéenne, se tient dans l’embrasure de la porte en tendant la main, comme si de rien n’était.

“Pour quoi faire ?

- Oh là là, faut se justifier à chaque fois ? Je t’ai déjà dit, je vais retrouver des amis après les cours !

- Léa, on a discuté de ça hier soir, je ne veux pas que tu traines avec tes nouveaux amis. Je n’aime pas l’influence qu’ils ont sur toi… et ce que j’ai trouvé dans ton sac me confirme que j’ai raison.

- Quoi ? T’as fouillé dans mes affaires ? Mais ça va pas ! Tu t’es prise pour la B.A.C. ou quoi ?”

Et voilà, fin de la conversation avec sa fille. Sophie soupire, ces échanges l’épuisent. A quel moment sa petite fille si gaie s’est éloignée d’elle ? Est-ce que c’est depuis le divorce ? Depuis que son père s’est remarié ? Sophie ne sait plus, mais elle se sent très lasse. Et par-dessus tout, elle ne peut s’empêcher de s’inquiéter. Elle voit bien que les résultats scolaires de sa fille sont en baisse et qu’elle se met à lui manquer de respect et à s’habiller n’importe comment, comme si Sophie n’avait plus d’autorité sur elle...et dire qu’il n’est même pas 8h du matin !

En route pour le travail, c’est l’heure de pointe et le métro est bondé. Coincée sur son siège, pendant que les stations défilent, il faut patienter, sans bouger. Charles de Gaulle-Etoile, Georges V, Franklin Roosevelt... Où vont donc tous ces voyageurs ? Est-ce que leur métier leur plaît ? Tous les jours, les mêmes interrogations lui reviennent en tête. Et si quelqu’un l’observait et lui posait la même question, que répondrait-elle ? On ne pouvait pas dire qu’elle aimait particulièrement son poste d’assistante dans cette auto-école. Ce n’était pas un choix de carrière, mais après son divorce, elle avait dû revoir ses priorités. Finie la vie de mère au foyer et maman à plein temps, alors, sans aucune famille sur laquelle s’appuyer et faute de soutien de la part de son ex-mari, elle avait accepté de gérer les inscriptions et paiements de l’auto-école “Auto-cool”. D’habitude, c’est Muriel, la directrice, qui ouvrait l’auto-école dès 8h30 du matin, pour les premiers cours de conduite. Mais étrange, ce matin, l’enseigne était encore fermée et les 3 moniteurs se parlent la mine renfrognée devant la devanture.

“Sophie, bonjour, tu connais la nouvelle ?, lui demande Suzie, la plus ancienne des monitrices.

- Non… euh, bonjour… Je suis étonnée de vous trouver tous là, qu’est-ce qu’il se passe ?

- Ce qu’il se passe, répond Suzie, c’est que Muriel ne répond plus au téléphone depuis plusieurs jours. En fait, depuis le moment où on s’est aperçu qu’on n’avait pas reçu notre paye du mois… À tous les coups, l’auto-école a mis la clé sous la porte. Classique !

- Comment ça ?, demande Sophie interloquée.

- Toi, ça se voit que tu n’es pas dans le métier depuis longtemps, ajoute Jocelyne. Les auto-écoles qui ferment du jour au lendemain et qui mettent la clé sous la porte, ça arrive malheureusement. Rassure-toi, les assurances vont nous payer, mais ça risque de prendre du temps. Dommage, j’aimais bien travailler dans le quartier du Marais.”

Sous le choc et déprimée d’avoir perdu son travail sans aucun préavis, Sophie se mit à déambuler dans les rues du quartier en se demandant comment elle allait bien pouvoir faire face. Entre la rue des Francs-Bourgeois et la rue de la Bretonnerie, ses pas la mènent par hasard vers la fameuse rue des Rosiers. D’abord, la crise d’adolescence de sa fille, ensuite, la perte de son emploi, on ne pouvait pas dire que la journée s'enchaînait de la bonne façon. Perdue dans ses pensées, elle n’arrêtait pas de chercher à comprendre pourquoi le destin s’acharnait ainsi contre elle. Quand elle sortit de ses contemplations, elle réalisa qu’elle faisait face à la librairie juive du Temple et que, devant elle, se trouvait un livre à la couverture flashy : “Ein Mazal Léisraël”. Étrange, cette phrase en hébreu, elle l’avait déjà entendue, étant petite, dans les discussions entre sa mère et sa tante. Mais aucune chance de savoir ce que cela voulait dire à l’époque. Peut-être que ce livre était intéressant, après tout ?

Coincé au fond de son sac, le portable de Sophie se mit à sonner. Tiens, un numéro masqué. Et si c’était Muriel, sa patronne, qui lui annonçait que tout était un malentendu ?

“Allo maman ? C’est moi, tu peux venir me chercher au commissariat ? Non, non, t’inquiète, ça va, c’est juste qu’on s’est fait piquer nos affaires au café et j’ai même pas un ticket de bus pour rentrer. Ok, à toute.”

De mieux en mieux ! Sophie regarde sa montre. Qu’est-ce que Léa faisait au café à 10h15, au lieu d’être en cours, et comment avait-elle pu se faire voler ses affaires ? 

Le livre, ce serait pour un autre jour. Sophie, qui se plaignait d’une journée morne, commençait à regretter ses pensées.

Arrivée au commissariat, elle demande à voir l’agent qui recueille en ce moment même la plainte de sa fille. Atterrée, elle entend le résumé de la plainte que le policier reprend à haute-voix, sans prêter attention à son irruption dans la pièce.

“Ok, mademoiselle, je reprends vos déclarations : vous étiez avec une bande d’amis à 9h40 au café de Turennes et vous êtes sortie du café avec une de vos amies pour fumer une cigarette, en laissant votre sac sur votre chaise. Quand vous êtes retournée à votre place, votre sac et ce qu’il contenait avaient disparu… C’est bien ça ?”

Sophie n’en croyait pas ses oreilles. Sa fille séchait les cours et fumait ! Et voici que les papiers d’identité de Léa et les clés de chez elle étaient dans les mains d’un voleur inconnu. Elle était furieuse ! 

Le trajet retour se passa dans un silence glacial.

Il est midi et, en une matinée, Sophie se dit que tout a déraillé. Plus de travail, des affaires volées, une adolescente sur la mauvaise pente. Elle a besoin d’air !

“Tu comptes me faire la tête longtemps ?” demande Léa avec un air plus irrité que désolé, quand elle rentre dans le salon, à la suite de sa mère.

“Va chercher le courrier s’il te plaît Léa.”

Sophie n’a plus de force. Elle n’avait déjà pas de motivation au réveil, mais là, elle se sent vidée. Telle une zombie, elle se dirige sans trop savoir pourquoi dans la cuisine et se laisse tomber sur une chaise. Elle sent sa tête lourde et se prend la tête dans les mains.

Léa revient, dépose le courrier sur la table de la cuisine et file dans sa chambre. Assise à la table de la cuisine, face aux publicités et courrier de la boîte aux lettres, son regard est immédiatement attiré par une lettre avec des mots en hébreu et la mention “par avion”. Qui peut donc lui écrire de l’étranger ?

Elle ouvre la lettre et déchiffre un message en anglais. Elle la contemple longuement sans comprendre. La sonnerie de son téléphone la tire de ses pensées. En vitesse, elle vide le contenu de son sac sur la table pour trouver son smartphone. Cette fois, elle se met à bredouiller quelques mots en anglais, elle hausse le ton, parce qu’elle ne comprend pas. Tout s’enchaîne trop vite ! Léa, qui a entendu sa mère parler fort en anglais, revient dans la cuisine et la trouve face à son portable, la lettre toujours dans sa main.

“Maman, qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien ?

- Fais ta valise, on part en Israël.”

La suite la semaine prochaine...