Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !

Dans l’épisode précédent  : Sophie, mère divorcée qui élève seule sa grande fille Léa, n’est pas heureuse dans sa vie. Alors qu’elle vient de perdre son emploi et que sa fille enchaîne des bêtises d’adolescente, elle reçoit une lettre mystérieuse, puis un coup de fil, et annonce soudain à Léa qu’elles doivent partir en Israël...

“Maman, qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi tu veux qu’on parte en Israël ? On ne connaît personne là-bas, on n’a rien à y faire ! Mais qu’est-ce qu’il y a dans cette lettre ?

- On doit partir, et rapidement.” Sophie se lève d’un bond de sa chaise et se met à déambuler dans l’appartement. Léa, aussi effrayée qu’intriguée, la suit.

- Mais on ne peut pas partir comme ça, tu as ton travail, moi le lycée et puis d'abord... tu m’as toujours pas dit… Y’a quoi dans cette lettre ?!”

Sophie se retourne et regarde sa fille, comme si elle la voyait pour la première fois et se met à sourire.

“Le lycée ? Mais tu t’entends parler ? Tu n’y vas même plus au lycée et c’est au commissariat que je te récupère. On va partir. C’est déjà la fin de l’année, c’est parfait. Et comme ça, tu auras des souvenirs de vacances à raconter à tes soi-disant amis...

- Mais maman… C’est pas vrai, ils sont…

- Léa, je dois me rendre en Israël et il est hors de question que je te laisse seule à Paris. Tu n’es pas encore majeure et ton père est à l’étranger en ce moment, donc la discussion est close.

- Mais dis-moi au moins pourquoi tu dois partir si vite !”

Sophie s’arrête net. Elle réalise qu’elle s’est mise à marcher de pièce en pièce, sans même s’en rendre compte, avec sa fille la suivant derrière elle. 

“Tu te souviens de ma tante Ida, la sœur de ma mère ? Elle vivait dans une maison de retraite à Jérusalem. C’est la maison de retraite qui vient de m’appeler sur mon portable. Ma tante Ida est morte cet après-midi et on doit se rendre en Israël pour l’enterrement qui aura lieu demain soir. Je n’y comprends rien. Je n’avais pas eu de ses nouvelles depuis des années et, comme par hasard, je reçois une lettre aujourd’hui m’indiquant qu’elle m’a nommée “curatrice” de ses biens. Je n’ai même pas le temps de réaliser qu’elle est malade que je reçois un appel de la maison de retraite pour me dire qu’elle est décédée. Elle n’avait pas d’autre famille, je ne savais même pas qu’elle était souffrante et elle me nomme responsable de ses biens. Je n’ai même pas pu lui dire au revoir. Voilà pourquoi on doit partir. Je n’y connais rien dans la religion juive, mais je me souviens qu’ils n’attendent pas pour enterrer les morts. Donc on doit prendre l’avion dès demain.

- Ah… ok, répondit Léa.” Et ce fut tout.

Les valises sont préparées rapidement, en silence, les passeports posés sur la table d’entrée de l’appartement, le taxi pour l’aéroport est commandé pour 7h du matin. Sans un mot, Léa va se coucher. Et Sophie s’effondre sur le sofa du salon. Sa tante Ida n’est plus. Et plus étrange encore, elle ne la connaissait pas, ou si peu. Elle arrivait à peine à s’imaginer son visage, quand sa tante Ida était venue quelques fois d’Israël pour les vacances et qu’elle et sa mère pouvaient rester discuter des heures dans le salon parisien. Elle se souvenait d’une femme au caractère fort et de cette phrase étrange : “Ein Mazal Léisraël !”. En dehors de ces images, rien. Alors pourquoi se sentir si vide d’un coup ? Et pourquoi sa tante avait indiqué à la maison de retraite le contact de Sophie ? Elle avait honte, tant d’années étaient passées sans que jamais elle n’ait pensé à sa tante Ida. Les liens dans la famille n’avaient jamais été forts. On parlait peu et on s'embrassait rarement. Alors pourquoi la désigner elle, comme légataire testamentaire ?

Cette nuit-là, Sophie ne ferma pas l’œil. Une fois la logistique exécutée et l’hôtel réservé, elle partit se faire un énième café, plutôt que d’aller se coucher. Tellement de questions se bousculaient dans sa tête, mais d’étranges émotions aussi. Comment se pouvait-il que dans une même journée elle perde son travail, récupère sa fille au commissariat et se retrouve à faire ses valises pour assister à l’enterrement de sa tante, dans un pays où elle n’a jamais été ? Comment décrire ce qu’elle ressentait ? Comme s’il n’y avait pas de hasard et que chaque événement faisait partie d’un même enchaînement. Ça n’avait aucun sens ! Elle chassa vite ses idées de sa tête. 

Rapidement, ce fut l’heure de se rendre à l’aéroport et Léa, qui, d’ordinaire, râlait et se plaignait de tout, était étrangement calme. Ce silence apparent lui faisait du bien. Tout ça avait l’air surréaliste. Elle qui, d’ordinaire, était si organisée, si méthodique, n’aurait jamais imaginé se rendre dans un pays inconnu sur un coup de tête. Et pourtant, les mots lui étaient sortis spontanément de la bouche, comme si c’était l’évidence même : elle devait se rendre en Israël.

“Léa, je sais que notre voyage est plus que soudain et je suis contente que tu aies accepté de m’accompagner. Je dois t’avouer que je m’attendais à ce que ce soit une vraie lutte pour te convaincre. Alors je tenais à te remercier. Qu’est-ce qui t’a décidé ?

- Tu as dit que tante Ida est morte et qu’elle n’avait pas d’autre famille que nous. Personne ne devrait jamais être enterré tout seul.”

Les larmes montèrent instantanément aux yeux de Sophie. Ainsi donc, sa fille, si rebelle, dévoilait un cœur généreux et rempli de valeurs. Finalement, peut-être que ce voyage dans l’inconnu avait du bon ?

Quelques heures après, arrivées à l’aéroport de Ben Gourion, ce qui frappa les deux femmes fut cette vague de chaleur et cette magnifique lumière qui leur sauta aux yeux. Comme si, d’un coup, elles se remplissaient de soleil. Leur premier contact avec Israël fut bruyant et rempli d’une énergie nouvelle. Mais pas le temps de profiter, arrivées dans leur hôtel à Jérusalem, elles avaient juste le temps de se changer avant de se remettre en route pour le cimetière.

Quelle folie ! La première découverte de Jérusalem pour Sophie et Léa Grinbaum se ferait dans un cimetière !

Elles se tenaient immobiles et droites, en attendant le corbillard. Elles ne se parlaient pas, il n’y avait pas grand-chose à dire, dans ce moment si particulier. Puis, une dame d’une soixantaine d’années arriva et se mit à marcher dans leur direction d’un pas énergique. C’était Ronit Malka, la coordinatrice de la maison de retraite, qui l’avait contactée. Une fois les présentations faites, les femmes attendirent qu’une dizaine d’hommes (des résidents, des connaissances, mais également des inconnus qui se trouvaient là) ainsi que le rabbin précèdent le corps de la défunte tante Ida.

Le Rav se mit à parler en hébreu. Ni Sophie ni Léa ne comprenaient ne serait-ce qu’un mot, mais elles sentaient la solennité de ce moment.

Puis, le Rav s’arrêta de parler et se mit à prier : “Yitgadal Véyitkadach Chémé Rabba…”

Sophie ne comprenait pas. Elle n’avait jamais entendu cette prière, n’en comprenait pas un strict mot, mais elle sentait des larmes monter du plus profond de son être. Elle tenta de se raisonner en mettant son étonnante émotion sur le compte du voyage et de la fatigue. 

Mais, d’un coup, tous les hommes présents se mirent à prier en cœur : “Amen Yéhé Chémé Rabba Mévarakh...”, et là, elle se mit à pleurer sans pouvoir se retenir. A présent, les larmes inondaient son visage et elle n’avait aucune explication rationnelle à tout ça. 

Ronit Malka proposa à Sophie et Léa de rentrer se reposer à l’hôtel avant de passer à la maison de retraite le lendemain.

Intriguée, Sophie interrogea la directrice sur les dernières paroles du Rav. Celle-ci lui répondit : “Il a dit que vous avez tout compris au sens véritable de la prière. Celle qui dépasse les mots. Et il a ajouté qu’il était temps que vous reveniez à vous, véritablement à vous.”

Sophie n’était pas plus avancée. Peut-être qu’il ne s’agissait que d’une phrase que les rabbins disent dans ce genre de circonstances. Qu’est-ce qu’elle en savait ? Elle n’en avait jamais rencontré avant ! Ronit offrit de les raccompagner à l’hôtel, au moment de les quitter, elle leur dit qu’il y aurait beaucoup de tri à faire dans les affaires de sa tante, qui aimait tout garder.

Cette nuit-là Sophie dormit d’un sommeil sans rêve. 

Le lendemain matin, bizarrement, Léa n’était pas de mauvais humeur au réveil et ne grogna pas quand sa mère lui donna le programme de la journée. Peut-être que le soleil israélien tapait sur la tête de sa fille, pensa Sophie (mais pas question de s’en plaindre !).

Direction la maison de retraite d’Ida...et Ronit n’avait pas menti la veille : impossible de circuler dans l’ancienne chambre de la vieille tante ! Des piles de livres, de bibelots, dans chaque recoin de la grande pièce. Ca sentait la poussière et Léa n’arrêtait pas d’éternuer !  Après un tri rapide du courrier (mais pourquoi sa tante avait gardé tous les coupons de réduction du supermarché ?!), Sophie décida d’ouvrir une vieille boite en fer rouillée sur laquelle on devinait les restes d’un dessin rouge et vert avec, encore visible, une étoile de David dessus. Sophie eut du mal à ouvrir la vieille boite, mais à l’intérieur, elle trouva une dizaine de dessins crayonnés, ainsi que des lettres regroupées ensemble par un ruban. Elle détacha le ruban avec précaution et attrapa la première lettre. Elle dû s’y reprendre à plusieurs fois pour déchiffrer les quelques mots. Tant bien que mal, elle parvint à les traduire :

“Vous les avez volés ! Rendez-les-moi, vous savez que vous nous avez trahis, c’est à nous !”.

Sophie n’y comprenait rien. Elle baissa les yeux et vit la signature : la lettre avait été écrite par Ida Grinbaum. Sur l’enveloppe, un nom illisible était barré avec écrit en rouge par-dessus : “inconnu à cette adresse”.

Mais de quoi parlait-elle ? Et qu’est-ce qu’on avait bien pu voler à sa tante avant que celle-ci ne meure ?

La suite, la semaine prochaine...