Bonjour Rav,
Je suis enseignante en école juive et je fais face à certaines difficultés avec les parents d’une de mes élèves. J’enseigne les matières générales (français, mathématiques, etc.) l’après-midi, tandis que les élèves ont Kodech le matin.
L’élève dont il s’agit, ainsi que ses sœurs avant elle, présentent d’importantes difficultés académiques. La mère refuse que ses enfants aient des devoirs à faire à la maison, dimanche compris, estimant que leurs journées sont suffisamment longues et qu’ils ont besoin de se détendre après l’école. Par ailleurs, les parents sont très engagés dans la vie communautaire : le père est rabbin dans un hôpital et la mère l’accompagne souvent pour accomplir des Mitsvot et aider les personnes juives qui s’y trouvent (lecture de Téhilim aux malades, Chabbath, etc)
La mère explique également que ses enfants doivent souvent préparer leurs repas eux-mêmes, faire le linge et s’occuper de la maison lorsque les parents sont absents, ce qui arrive fréquemment. L’élève présente, comme ses sœurs auparavant, des difficultés scolaires et comportementales. Je me questionne : comment comprendre que la mère puisse se consacrer à aider les malades — ce qui est évidemment une très belle démarche — tout en laissant ses propres enfants avec si peu de soutien, hormis quelques heures de tutorat qui ne suffisent pas à combler leurs lacunes ? Je n'arrive pas à lui faire entendre raison et cela me navre car c'est la petite comme ses sœurs avant elle qui pâtissent de cette situation.
Ma question est la suivante : quelle est la priorité selon la Halakha et la perspective éducative ? Les parents doivent-ils continuer à se consacrer à leurs actions communautaires, ou devraient-ils d’abord se concentrer sur les besoins de leurs propres enfants ?
Je vous remercie du temps que vous allez consacrer à ma réponse.
Bonjour,
Votre question est très importante, et on sent bien combien vous êtes impliquée pour le bien-être de votre élève.
Vous faites votre maximum, et cela se voit. La Halakha et la logique pure préfèrent que les parents s'assurent que les besoins de leurs enfants soient pleinement satisfaits avant qu'ils se dévouent à des actions communautaires ou même des Mitsvot qui les éloignent de la maison et les empêchent d'aider directement leurs enfants.
Explications :
Du point de vue de la Halakha comme du sens éducatif, la priorité est très simple : les enfants passent avant tout le reste. Les actions communautaires sont magnifiques, vraiment, mais elles ne peuvent jamais se faire au détriment de ce que la Torah demande en premier lieu à des parents : éduquer leurs propres enfants, leur donner ce dont ils ont besoin, et leur assurer les bases de leur réussite, tant dans le Kodech que dans le 'Hol [matières générales].
La Halakha établit une hiérarchie claire des obligations de 'Hessed et Tsédaka. Le principe est que la priorité doit être donnée à ses proches avant les autres. Le verset de Yécha'ya, chapitre 58, verset 7 est souvent cité : "Tu ne te cacheras pas à ta propre chair [n'ignore pas tes proches]."
Les enfants d'une personne sont considérés comme sa chair et ont la première priorité pour le soutien, l'éducation, et le bien-être général, même avant d'aider d'autres personnes, aussi méritoire que soit cette aide [comme visiter les malades, etc.].
En d’autres termes : aider les autres, c’est très beau ; mais aider ses propres enfants, c’est une Mitsva encore plus essentielle. On ne peut pas distribuer de la lumière si, chez soi, les ampoules clignotent.
Vous pourriez lui dire avec douceur :
"J’admire sincèrement tout ce que vous faites pour la communauté. Vous apportez beaucoup de bien aux autres, et qu’Hachem vous en donne la force et la récompense. Mais vos enfants, eh bien, eux aussi sont des “malades” à visiter ! Ils ont besoin de soins académiques, d’attention, de régularité. Même un petit devoir le dimanche peut parfois avoir l’effet d’une bonne vitamine !"
Lorsqu’un enfant porte trop de responsabilités trop tôt, cela peut créer de la fatigue, de la frustration et même un sentiment de solitude. Plus tard, cela peut gêner son développement, car il aura associé les tâches du quotidien à une charge pesante plutôt qu’à un apprentissage naturel et progressif.
Et lorsqu'il doit tout assumer lui-même à la maison, il peut grandir avec le sentiment qu’il n’a pas reçu ce dont il avait réellement besoin. Naturellement, cela rend plus difficile pour lui de développer un profond respect et une admiration sincère envers ses parents. Les enfants honorent avec le cœur quand ils sentent qu’ils ont été portés, soutenus et guidés.
On dit qu'un enfant qui rentre de l'école et doit faire ses devoirs tout seul, en plus de préparer le repas, c'est comme demander à un enfant d'être à la fois le chef de cuisine, le maître d'hôtel, le blanchisseur, ET le premier de la classe. C'est beaucoup de casquettes pour une seule tête !
L’idée n’est évidemment pas de culpabiliser la maman, mais de lui rappeler que la Halakha place les enfants à la toute première place. Le meilleur cadeau qu’elle puisse leur faire, et, en vérité, à elle-même, est de leur offrir un cadre éducatif rassurant et solide.
Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.
Qu'Hachem vous protège et vous bénisse.